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Personnes handicapées et allocation d’intégration : revenus à prendre en compte

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 3 octobre 2011, R.G. 2009/AB/52.583

Mis en ligne le mercredi 8 février 2012


Cour du travail de Bruxelles, 3 octobre 2011, R.G. 2009/AB/52.583

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 3 octobre 2011, la Cour du travail de Bruxelles rappelle le mécanisme à respecter, en cas de modification de la situation de la personne handicapée entre l’année -2 et l’année durant laquelle les allocations prennent cours.

Les faits

Le litige porte sur le montant d’une allocation d’intégration à allouer à un Sieur S., qui doit bénéficier de celle-ci en catégorie 1, ayant une perte d’autonomie de 8 points sur 18. Le montant de l’allocation de remplacement de revenus n’est pas contesté. Il s’agit d’un montant de l’ordre de 1.230 € par an.

La décision du tribunal

Par jugement du 27 août 2009, le tribunal du travail, après expertise, fixe l’allocation d’intégration à un montant de l’ordre de 1.000 € par an.

La position des parties devant la cour

L’Etat belge considère que les revenus de l’année 2006 font obstacle à l’octroi de l’allocation d’intégration en catégorie 1, et ce à la date du 1er octobre 2006. Il s’agit de l’appréciation des revenus de l’année en cours.

L’intéressé considère que les conditions médicales et financières sont réunies et il demande confirmation du jugement.

La décision de la cour

La cour constate que le litige est circonscrit à la question des revenus à retenir pour déterminer le montant de l’allocation : 2006 (année de prise de cours) selon l’Etat belge et 2004 selon le bénéficiaire.

La cour va dès lors rappeler le mécanisme légal.

L’allocation d’intégration ne peut, en vertu de l’article 7, § 1er de la loi du 27 février 1987, être accordée que si le montant du revenu de la personne (augmenté s’il échet de celui de la personne avec laquelle elle forme un ménage) ne dépasse pas le montant de l’allocation elle-même. Dans l’hypothèse où des revenus sont perçus, revenus inférieurs au montant de l’allocation, ils sont imputés sur celle-ci. Certains abattements sont effectués, conformément aux dispositions de l’arrêté royal d’exécution.

La définition du terme « revenus » appartient au Roi, ainsi que la fixation des critères et la manière dont le montant doit être fixé.

L’article 8, § 1er de l’arrêté royal du 6 juillet 1987 prévoit dès lors que les revenus qu’il faut prendre en compte sont en principe les revenus imposables globalement et distinctement relatifs à l’année de référence, celle-ci étant la deuxième année civile précédente (« année -2 »).

En cas de première demande ou de nouvelle demande, l’année -2 se calcule par rapport à la date de prise d’effet de la demande elle-même. Dans l’hypothèse où des modifications sont intervenues dans la situation de la personne entre l’année -2 et l’année au cours de laquelle les allocations prennent cours, la question est réglée par l’article 9 de l’arrêté royal. Si les revenus de l’année -1 ont diminué ou augmenté de 20% au moins par rapport à ceux de l’année -2, l’on tient compte de l’année -1. Il n’est cependant pas tenu compte des revenus de l’année -1 si la personne handicapée dispose d’un revenu professionnel (tel que défini par l’arrêté royal lui-même). Si un revenu ayant servi de base pour la fixation du revenu du ménage a disparu et n’a pas été remplacé, il n’est plus pris en considération. Enfin, en cas de modification de données relatives à l’état civil ou au ménage (composition de famille, charge d’enfant(s), cohabitation), il est tenu compte de la situation nouvelle, si celles-ci ont servi de base pour la fixation du montant du revenu.

En conséquence, pour la cour, il faut tenir compte de l’année -2, soit en l’occurrence l’année 2004. Examinant la question de savoir s’il y a lieu à augmentation ou à diminution de 20% ou plus des revenus de 2005 par rapport à 2004, la cour conclut que cela ne semble pas être le cas en l’espèce. Cependant, la situation de l’intéressé a évolué entre 2004 et 2006, son épouse l’ayant rejoint. Il en découle qu’il faut tenir compte de la situation nouvelle. Cependant, ceci ne peut aboutir à prendre en compte les revenus de 2006. Si le texte impose de tenir compte de la nouvelle situation, il est muet quant à la manière de ce faire.

La cour du travail constate que l’Etat belge renvoie à un arrêt du 15 novembre 2004 de la Cour de cassation (Cass., S.03.0052.F), qui a interprété la réglementation en vigueur telle qu’elle était en 2001. Or, celle-ci a été revue substantiellement et les modifications intervenues ont rendu systématique, comme le constate la cour, le renvoi aux revenus des années -2 ou -1. La cour constate ainsi qu’a été abrogé le régime dérogatoire qui prévoyait la prise en compte de certains revenus à la date d’effet de la décision et rappelle que, conformément à l’article 9, § 2 de l’arrêté royal, il faut prendre en compte les revenus de l’année de référence -2 ou -1 et qu’est encore confirmé à l’article 8, § 1er que doivent être pris en compte les revenus de l’année de référence de la personne qui forme depuis lors un ménage, ou encore l’exclusion des revenus de l’année de référence de la personne qui a cessé de former un ménage avec l’intéressé.

Pour la cour, vu l’état actuel de la réglementation, il faut se référer aux revenus de l’année de référence (que ce soit -2 ou -1) et tenir compte de la nouvelle situation en rectifiant les revenus de l’année de référence en fonction des modifications survenues depuis lors.

La question a une incidence en l’espèce, vu la mise en ménage de l’intéressé avec son épouse : les revenus de celle-ci doivent dès lors être pris en compte, mais l’incidence sera nulle, vu l’absence effective de tels revenus. Cependant, l’intéressé bénéficie d’indemnités à charge de la mutuelle au taux majoré de ménage.

La cour va dès lors ordonner la réouverture des débats afin de rectifier les revenus de l’année 2004 pour tenir compte des indemnités de soins de santé qui auraient été perçues pendant cette année s’il avait été en ménage avec une épouse sans revenus.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt, la cour du travail applique les dispositions relatives à la détermination des revenus de référence pour l’allocation d’intégration, et ce avec cohérence et justesse : l’année de référence est déterminée par le texte et, dans l’examen des modifications survenues depuis, la cour retient celles qui ont une incidence sur les revenus et transpose celles-ci à l’année de référence.


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