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Indépendant et droit à la pension : conditions d’assimilation d’une période d’incapacité de travail

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 9 septembre 2011, R.G. 2009/AB/52.793

Mis en ligne le jeudi 23 février 2012


Cour du travail de Bruxelles, 9 septembre 2011, R.G. n° 2009/AB/52.793

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 9 septembre 2011, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les conditions strictes permettant l’assimilation de périodes d’incapacité de travail à une activité professionnelle en matière de pension de retraite de travailleurs indépendants.

Les faits

Monsieur R. a exercé une activité d’indépendant et a été assujetti au statut social. Il a été en incapacité de travail à plusieurs reprises et notamment à partir de 1991. Il a bénéficié d’indemnités dans le secteur des soins de santé.

A ses 65 ans, l’INASTI examine d’office ses droits en matière de pension et lui accorde une pension calculée sur une courte carrière, dans laquelle n’est pas reprise une longue période d’incapacité de travail de plusieurs années. Un litige surgit, l’intéressé considérant que cette période doit être assimilée à une période d’assujettissement vu qu’il s’agit d’une période d’incapacité reconnue et indemnisée.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 12 novembre 2009, le tribunal du travail accueille la demande en grande partie, portant la carrière à 26 années, assimilant à une période d’activité 16 années et 1 trimestre d’incapacité.

Décision de la cour du travail

La cour est saisie de l’appel de l’INASTI, qui demande que la carrière soit limitée aux 9 années qu’il a initialement retenues.

Elle rappelle les dispositions applicables, étant que la réglementation contient un arrêté royal du 20 juillet 1971 en matière de soins de santé et un autre du 22 décembre 1967 portant règlement général relatif à la pension de retraite et de survie.

Dans le cadre du régime des soins de santé, l’article 19 de l’arrêté royal du 20 juillet 1971 prévoit les conditions dans lesquelles les indemnités sont dues, conditions différentes pour la première année et les années suivantes. En vertu de l’article 19, qui concerne la première année d’incapacité de travail, il faut que l’indépendant ait mis fin à l’accomplissement de ses activités qu’il assumait avant le début de l’incapacité de travail et qu’il n’exerce aucune autre activité professionnelle (indépendant, aidant, ou autre). Après la première année, l’article 20 impose une condition supplémentaire étant qu’il soit reconnu incapable d’exercer une activité professionnelle quelconque dont il pourrait être chargé équitablement (selon les critères habituels). La cour relève que l’indemnisation est ainsi subordonnée à une condition médicale mais également à une autre : le travailleur ne doit plus exercer d’activité.

Dans le régime des pensions, les périodes d’incapacité de travail peuvent être assimilées à des périodes d’activité et l’indépendant peut ainsi bénéficier du statut social tout en étant dispensé de payer ses cotisations sociales. Il doit cependant répondre à plusieurs conditions (article 28) étant que (i) l’incapacité doit être reconnue, (ii) l’intéressé doit avoir un minimum de 90 jours d’activité d’indépendant au début de l’incapacité et (iii) toute activité professionnelle doit effectivement avoir pris fin.

La cour examine, ensuite, les contours de ces trois conditions. En ce qui concerne la reconnaissance de l’incapacité, elle constate qu’il y a alignement sur ce qui est prévu en matière d’indemnisation par la mutuelle. Par ailleurs, l’indépendant doit établir avoir effectivement payé ses cotisations sociales au cours du trimestre (90 jours) précédant la période pour laquelle il demande l’assimilation, condition qui implique dès lors un paiement effectif et non seulement l’assujettissement au statut social pendant cette période.

Enfin, la cour se penche sur la notion de cessation d’activité, aucune période ne pouvant être assimilée s’il y a eu au cours de celle-ci une activité exercée. La réglementation prévoit également qu’une période assimilée prend fin en cas de reprise d’activité et que le travailleur indépendant et censé ne pas avoir cessé son activité (ou en avoir repris une) si l’activité est exercée en son nom par personne interposée et qu’il continue à bénéficier en tout ou en partie des revenus de celle-ci.

La Cour de cassation a considéré dans un arrêt ancien (21 mars 1983, Pas, 1983, I, p. 789) qu’’il y a lieu de tenir compte ici des présomptions d’exercice d’une activité indépendante dans les conditions envisagées par l’arrêté royal n° 38, ainsi, en cas de perception de revenus professionnels. En ce qui concerne l’activité exercée au nom de l’indépendant par personne interposée, la cour rappelle le cas de l’avocat qui n’exerce pas son activité lui-même pendant son incapacité de travail mais fait appel à des collaborateurs. Il ne satisfait pas aux critères de la cessation d’activité au sens de l’article 28, § 3 en matière de pension. La cour en conclut que la cessation d’activité doit être entendue de manière plus stricte que pour ce qui concerne l’indemnisation de l’incapacité de travail.

Elle va, ensuite, analyser la situation de l’intéressé.

Pendant une première période (1991/1996), la cour constate que des revenus d’associé actif ou des bénéfices ont été déclarés et que la présomption d’assujettissement qui découle de ces données fiscales n’est pas renversée. En outre, le registre de commerce n’a pas été radié et l’activité a été poursuivie avec l’aide d’un tiers. Pour la période ultérieure, étant celle consécutive à la radiation du registre de commerce, la condition du paiement des cotisations pendant le trimestre précédant le début de la période n’est pas remplie. La preuve de l’activité professionnelle en qualité de travailleur indépendant doit, ici, être rapportée par le paiement des cotisations relatives au trimestre. Ceci n’étant pas le cas, il y a refus d’assimilation.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle une exigence de premier plan, en matière d’assimilation de périodes d’incapacité à une activité professionnelle pour la pension de retraite : outre les autres conditions exposées dans l’arrêt, l’incapacité de travail ne sera assimilée qu’à la condition que les cotisations sociales aient été payées pendant le trimestre qui a précédé celle-ci.


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