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Citoyenneté européenne : études et revenu d’intégration sociale

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 22 décembre 2011, R.G. 2010/AB/420

Mis en ligne le jeudi 12 avril 2012


Cour du travail de Bruxelles, 22 décembre 2011, R.G. n° 2010/AB/420

Dans un arrêt du 22 décembre 2011, la cour du travail de Bruxelles rappelle les conditions auxquelles doit répondre un étudiant de nationalité étrangère, membre d’un Etat de l’Union européenne, pour pouvoir bénéficier du revenu d’intégration sociale.

Les faits

Un jeune homme de nationalité portugaise, en Belgique depuis plusieurs années et disposant d’un titre de séjour de 5 ans, s’inscrit dans une université belge pour suivre des études de médecine et, ensuite, à des cours de graduat en gestion. Il sollicite également le revenu d’intégration sociale.

Le C.P.A.S. refuse celui-ci, au motif d’échecs répétés dans le cadre de ses études, de son âge (26 ans) ainsi que d’une connaissance insuffisante du français. Pour le C.P.A.S., il n’y a pas motif d’équité le dispensant de la condition de disposition au travail.

L’année suivante, une nouvelle demande est introduite (auprès d’un autre C.P.A.S. de la capitale) et une nouvelle décision de refus est prise, dont le motif est que le titre de séjour a été accordé pour faire des études, mais que l’intéressé devait justifier de ressources suffisantes pour ne pas tomber à charge de la collectivité.

La décision du tribunal du travail

Un recours est introduit contre la seconde décision et, par jugement du 7 avril 2010, le tribunal du travail de Bruxelles considère qu’il y a lieu d’appliquer non l’article 3, 3° de la loi du 26 mai 2002, comme l’a fait le C.P.A.S., mais l’article 3, 5°, relatif à la condition de disposition au travail, qui doit exister nonobstant les études entreprises. En outre, pour le tribunal, l’intéressé ne disposait, notamment, pas des aptitudes suffisantes pour mener celles-ci à bien.

Position des parties devant la cour

Le litige ainsi soumis à la cour porte sur la détermination de la disposition applicable dans une telle situation, d’une part et sur l’appréciation des aptitudes à suivre des études, de l’autre. L’intéressé fait en effet notamment valoir les efforts faits pour améliorer sa connaissance de la langue française. Il considère qu’il doit exister une liberté de faire des études sans restrictions d’ordre linguistique et que, dans son cas, si des difficultés ont été rencontrées sur le plan de la réussite scolaire, il s’agit de difficultés passées, liées à la pérode de l’enseignement secondaire et qui ont pu être surmontées.

La cour reprend ainsi les conditions mises par l’article 3 de la loi du 26 mai 2002 à l’octroi du revenu d’intégration sociale. Le 3°, relatif à la condition de nationalité, prévoit que dans les catégories susceptibles d’être bénéficiaires de celui-ci figurent les citoyens de l’Union européenne (ainsi que les personnes qui les accompagnent ou le rejoignent) titulaires d’un droit de séjour de plus de trois mois (conformément aux dispositions de la loi sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers).

L’article 40 §4 de la loi du 15 décembre 1980 fixe les conditions dans lesquelles ce droit peut être conféré à un citoyen de l’Union, étant (i) de remplir la condition prévue à l’article 41, al 1er de la loi (relatif aux documents à l’entrée), (ii) de suivre des études à titre principal dans un établissement reconnu, (iii) de bénéficier d’une couverture en assurance-maladie et (iv) d’établir qu’il dispose de ressources suffisantes afin de ne pas tomber à charge de l’Etat dans le cadre de l’aide sociale, et ce pendant la durée de son séjour. L’obligation d’établir une déclaration de ressources suffisantes est encore prévue, pour les étudiants, à l’article 50, § 2, 5° de l’A.R. du 8 octobre 1980 sur l’accès au territoire.

La cour constate que l’intéressé a obtenu son titre de séjour et qu’il n’est pas question d’une obtention dans des conditions frauduleuses. Il en résulte que l’administration a dû constater que les déclarations qui devaient être produites l’avaient été. En conséquence, l’intéressé satisfait aux conditions de l’article 3, 3°.

En ce qui concerne le droit pour le citoyen européen de circuler librement dans l’espace de l’Union européenne, celui-ci n’implique cependant pas, pour la cour, le droit de suivre des études dans n’importe quel pays de l’Union sans avoir une connaissance suffisante de la langue nationale : l’exigence de la connaissance de la langue, suffisante pour permettre de mener lesdites études à bien, ne peut constituer une entrave à la libre circulation.

Comme tout candidat au revenu d’intégration, le demandeur peut bénéficier du motif d’équité le dispensant de remplir la condition de disposition au travail et, dans ce cadre, le fait de poursuivre des études est certes une manière de réaliser une plus grande intégration sur le marché du travail mais la cour considère qu’elle peut apprécier si ce projet est susceptible d’être mené à bien. Et la cour de reprendre l’ensemble des échecs subis tant au niveau universitaire et supérieur (en Belgique) que secondaire (au Portugal), où il est relevé que le diplôme correspondant n’a été obtenu qu’à l’âge de 24 ans.

De l’ensemble du parcours des études suivies, la cour retient que, au moment où la demande a été introduite auprès du C.P.A.S. (dont la décision est querellée), l’intéressé ne pouvait être dispensé de la condition de disposition au travail au motif d’équité, qu’aurait constitué le projet d’études annoncé.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt, la cour du travail de Bruxelles rappelle que, si un étudiant étranger ayant la nationalité d’un Etat membre de l’Union et titulaire d’un titre de séjour de plus de trois mois, veut entreprendre un projet d’études en Belgique, il peut bénéficier du revenu d’intégration sociale, mais aux mêmes conditions que tout étudiant. En plus des critères généralement retenus quant au choix de ces études (eu égard à la finalité de la loi du 26 mai 2002, qui est de permettre l’intégration sociale), se pose, dans le pouvoir d’appréciation tant du C.P.A.S. que du juge, la question de savoir si ces études sont susceptibles d’être menées à bien eu égard à la connaissance (ou méconnaissance) de la langue dans laquelle les cours se donnent.


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