Terralaboris asbl

Indemnités payées indûment par la mutuelle : conditions de la dispense d’inscription en frais d’administration

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 1er décembre 2011, R.G. 2010/AB/1073

Mis en ligne le lundi 16 avril 2012


Cour du travail de Bruxelles, 1er décembre 2011, R.G. n° 2010/AB/1073

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 1er décembre 2011, la Cour du travail de Bruxelles a rappelé l’obligation de diligence existant dans le chef de l’organisme assureur et les conséquences d’un manquement à cette obligation sur les montants pouvant faire l’objet d’une demande de dispense d’inscription en frais d’administration.

Les faits

Un assuré social perçoit des indemnités pendant la période du 4 janvier 1990 au 31 décembre 1996. La mutuelle est alors avisée par l’assureur accident du travail que l’intéressé avait repris le travail dès le 31 janvier 1994, ce dont il n’avait pas avisé l’organisme assureur. Une mise en demeure est adressée le 16 janvier 1997, demandant remboursement d’un indu de l’ordre de 29.000 €.

Aucune suite n’étant donnée à celle-ci, un recours est introduit devant le Tribunal du travail d’Anvers en récupération. Par jugement du 17 mai 1992, l’intéressé est condamné au paiement.

Or, entre-temps, il a disparu et la récupération s’avère aléatoire. En juin 2004, la mutuelle demande la dispense d’inscription en frais d’administration et, par décision du 4 juillet 2007, celle-ci est refusée, au motif qu’existait déjà en mai 1995 un bon de cotisations confirmant que l’intéressé avait repris le travail. Les paiements effectués à partir de cette date seraient dès lors la conséquence d’une faute de la mutuelle. Pour la période antérieure, le fonctionnaire dirigeant considérait que tout le nécessaire n’avait pas été fait, tous moyens n’ayant pas été mis en œuvre en vue de la récupération. Il pointait notamment le fait que la mise en demeure n’avait été adressée qu’en janvier 1997, qu’il avait fallu attendre 4 ans et demi pour l’introduction d’une procédure devant le tribunal du travail et qu’il y avait encore eu des retards ultérieurs.

L’organisme assureur introduisit, dès lors, un recours en juillet 2007 contre cette décision, recours qui fut rejeté par jugement du 15 juillet 2010.

Position des parties devant la cour

La mutuelle conteste ne pas avoir apporté la célérité requise pour la récupération des indemnités, insistant sur le fait qu’elle n’a été informée de la reprise du travail qu’en date du 9 janvier 1997 et que, si la procédure judiciaire a souffert d’un certain retard, c’est qu’existaient des discussions, à l’époque, sur l’application de la Charte de l’assuré social (notamment sur le fait que l’intéressé n’avait pas introduit de recours dans les 3 mois, suite à la décision qui lui avait été notifiée). La mutuelle considère que, en conséquence des dispositions de la Charte, il ne pouvait plus y avoir de contestation et que la délivrance d’un titre exécutoire par le tribunal du travail n’était qu’une pure formalité. L’Auditeur du travail ne partageait pas ce point de vue, de telle sorte que le dossier était resté bloqué à l’instruction à l’Auditorat. Subsidiairement, l’organisme assureur fait valoir que la dispense d’inscription en frais d’administration ne pouvait pas être refusée en totalité, mais devait être limitée au montant qui aurait effectivement pu être récupéré si la procédure avait été diligentée. L’organisme assureur renvoie à l’arrêt de la Cour de cassation du 26 mai 2008 (S.07.0083.F), ainsi qu’à l’avis de l’Auditeur dans la présente espèce pour considérer qu’il appartient à l’INAMI d’établir qu’une exécution menée dans des délais plus brefs aurait rendu la récupération possible.

Quant à l’INAMI, il demande la confirmation du jugement, considérant à titre principal qu’aucune contestation ne peut exister pour la période du 1er mai 1995 au 31 décembre 1996, vu qu’il y a pour celle-ci une faute dans le chef de la mutuelle, qui aurait pu savoir, du fait de la délivrance de bons de cotisations, qu’il y a avait reprise du travail. Il considère également que, étant en possession de bons de cotisations, la mutuelle aurait pu faire le nécessaire pour la récupération par la voie de retenues (en application de l’article 1410, § 4 du Code judiciaire). Il conteste également avoir la charge de la preuve et considère que la dispense d’inscription ne peut être partielle.

La décision de la cour

La cour rappelle dès lors les dispositions applicables, étant essentiellement l’article 327, §§ 1er et 2 de l’arrêté royal du 3 juillet 1996 portant exécution de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994.

Ce texte prévoit que, à l’exception des cas où une dispense est accordée par le fonctionnaire dirigeant du service du contrôle administratif, les montants des prestations payées indûment non encore récupérés sont amortis par leur inscription en frais d’administration dans un délai déterminé (et ce en fonction des diverses hypothèses fixées à l’article 326). La dispense peut être accordée lorsque le paiement indu ne résulte pas d’une faute, d’une erreur ou d’une négligence de l’organisme assureur et si celui-ci a poursuivi le recouvrement par toutes voies de droit, y compris la voie judiciaire. Cette seconde condition est présumée remplie lorsque le recouvrement des prestations indues est considéré comme aléatoire ou lorsque les frais afférents à l’exécution de la décision judiciaire définitive dépassent le montant à récupérer.

La cour constate que l’organisme assureur ne conteste pas sérieusement l’existence d’une faute dans son chef pour les prestations relatives à la période du 1er mai 1995 au 31 décembre 1996 et que, vu l’existence des bons de cotisations, il aurait dû stopper immédiatement le paiement des indemnités. Les montants concernés sont de l’ordre de 17.000 € et la cour constate ici qu’il y a une faute, étant que n’est pas remplie la condition fixée à l’article 327, § 2, a). Pour la période antérieure, la cour considère avec le premier juge que l’organisme assureur n’a pas tout mis en œuvre pour récupérer les montants indus.

En ce qui concerne l’arrêt du 26 mai 2008, la Cour de cassation a rappelé qu’il suit de l’article 327, § 2, b) de l’arrêté royal (la Cour ayant statué dans sa version avant l’arrêté royal du 7 mai 1999) que le manque de diligence de l’organisme assureur à poursuivre la récupération de l’indu ne fait obstacle à la dispense que dans la mesure où il a pu influencer cette récupération.

La cour examine dès lors dans quelle mesure le retard en l’espèce a pu jouer ce rôle et, après avoir rejeté l’argument de la mutuelle selon lequel la charge de la preuve appartiendrait à l’INAMI, elle reprend l’historique des faits et arrive à la conclusion que, si la mutuelle avait fait preuve de diligence, elle aurait pu récupérer une partie de l’indu et que c’est celui-là uniquement qui peut faire l’objet de la dispense d’inscription.

Intérêt de la décision

C’est essentiellement par le rappel de l’arrêt de la Cour de cassation du 26 mai 2008 que cet arrêt de la cour du travail est intéressant, dans la mesure où il rappelle les effets du manque de diligence de l’organisme assureur sur la dispense d’inscription : celui-ci ne fait obstacle à cette dispense que dans la mesure où il a pu influencer la récupération. Dès lors que d’autres éléments sont intervenus, rendant cette récupération aléatoire, le seul manque de diligence ne peut entraîner le refus de dispense. Ainsi, dans un autre arrêt du même jour (R.G. 2010/AB/884), la même cour a considéré, en appliquant les mêmes principes, que, pour un assuré social qui avait été au chômage pendant une période déterminée, l’organisme assureur aurait pu faire application de l’article 1410, § 4 C.J. à concurrence de 10% des allocations de chômage et que ce montant, en l’espèce de l’ordre d’environ 800 €, devait intervenir en déduction des montants pouvant faire l’objet d’une dispense d’inscription.


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