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Travail autorisé des étudiants et allocations familiales : notion légale de « fin des études »

Commentaire de C. trav. Liège, 13 janvier 2012, R.G. 2011/AL/152

Mis en ligne le mardi 8 mai 2012


Cour du travail de Liège, 13 janvier 2012, R.G. n° 2011/AL/152

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 13 janvier 2012, la Cour du travail de Liège rappelle que la limite des 240 heures de travail autorisé après la fin des études (3e trimestre en l’occurrence) inclut non seulement le travail en tant qu’étudiant mais un éventuel contrat de travail signé ultérieurement.

Les faits

Une étudiante termine un baccalauréat en fin d’année 2007-2008. Elle présente une 2e session d’examen en date du 4 septembre, examen qu’elle réussit. Elle signe un contrat de travail à partir du 8 septembre. Pendant ce trimestre (3e trimestre 2008), elle va travailler les mois de juillet, août, septembre et octobre 2008.

L’ONAFTS réclame remboursement d’un indu, pour ces quatre mois.

Le mois d’octobre n’est pas contesté, l’intéressée ayant perdu son statut d’enfant bénéficiaire d’allocations familiales vu son engagement en tant que travailleuse salariée. Le litige porte sur le 3e trimestre (juillet, août et septembre), pendant lequel est comptabilisé un nombre d’heures de travail de 253 (excédant, ainsi, la limite légale de 240 heures).

Le jugement du 18 février 2011

Le tribunal du travail de Huy a considéré devoir faire droit à la demande des parents, au motif que (i) la jeune fille était étudiante du 1er juillet au 5 septembre 2008, (ii) les heures prestées ne l’ont pas été (en totalité) dans le cadre de l’activité lucrative exercée en tant qu’étudiante, (iii) les heures correspondant aux prestations de travail dans le cadre du contrat de travail ne doivent pas être prises en compte, puisque plus aucune allocation familiale n’était demandée à partir de cette date et (iv) l’ONAFTS, qui avait pris une circulaire administrative, ne peut être suivi dans l’interprétation qu’il y a donné de la législation, celle-ci ne s’opposant pas aux assurés sociaux, non plus qu’aux tribunaux.

Position des parties devant la cour

L’ONAFTS rappelle le caractère forfaitaire des règles d’octroi des allocations familiales pour les étudiants de plus de 18 ans. Il considère qu’il faut entendre par ’dernières vacances d’été’ les mois de juillet à septembre 2008 (en l’espèce), de telle sorte que, si l’étudiant exerce une activité lucrative, l’octroi des allocations familiales doit être exercé dans un quota de 240 heures au cours de ce trimestre, sous peine de privation d’allocations familiales pour la période correspondante.

Les parents, qui ont eu gain de cause en première instance, demandent à la cour de retenir que la fin des études ne peut pas être fixée au 30 juin 2008, vu la 2e session d’examens début septembre. Pour eux la fin des études se situe le lendemain de ce dernier examen de passage.

Décision de la cour du travail

La cour constate que le nœud du litige est la notion de « fin d’études » au sens de la législation et de la réglementation en matière d’octroi des allocations familiales. La cour rappelle que, après l’âge de 18 ans, l’enfant bénéficiaire peut continuer à recevoir des allocations familiales à la condition de suivre des études ou une formation. Il rappelle les termes de l’article 62, § 3 des lois coordonnées, disposition qui exige que l’enfant suive un enseignement et la cour renvoie à un arrêté royal du 10 août 2005 d’application pour les jeunes qui suivent des cours ou des formations. Il souligne le fait qu’il faut également avoir égard à l’article 48, alinéa 3 des lois coordonnées (qui dispose que l’octroi des allocations familiales prend cours dès le premier jour du mois qui suit celui dans lequel le droit est né. De même l’octroi s’éteint à la fin du mois au cours duquel le droit prend fin). Ces règles sont toutefois nuancées vu l’extension du droit aux allocations familiales pendant les vacances scolaires.

Revenant à la notion de fin d’études, la cour se réfère aux critères de l’année académique (celle-ci devant couvrir 27 crédits au moins). Pour la cour, la notion de fin d’études coà¯ncide avec la date du dernier cours dispensé dans le cadre desdits crédits, c’est-à-dire en l’occurrence fin 2008, l’intéressée n’ayant plus suivi de cours ultérieurement. À partir du mois de juillet, elle a préparé son examen de passage et pendant les vacances d’été (sensés se terminer au plus tard le 30 septembre), le droit aux allocations familiales est également ouvert puisqu’elle ne s’est pas inscrite pas à une nouvelle année académique (article 12 de l’arrêté royal du 10 août 2005).

Par ailleurs, si l’étudiant exerce une activité lucrative, un principe est constant, étant que pour les 1er, 2e et 4e trimestres civils, cette activité ne peut excéder 240 heures par trimestre. Si cette limitation n’existe pas pour l’activité des mois de juillet, août et septembre, cette absence de limite ne s’applique pas en cas de dernières vacances d’été après la fin des études. C’est une exception prévue expressément par l’article 14 de l’arrêté royal. La cour résume la règle de la limite des 240 heures par trimestre comme étant applicable pendant les trois trimestres durant lesquels l’étudiant suit les cours, ainsi que pendant le 3e trimestre qui constitue les dernières vacances à la fin des études.

En l’espèce, plus aucun cours n’a été suivi au cours du 3e trimestre et, vu la réussite de l’examen de 2e session, il n’y a pas eu inscription à de nouveaux crédits pour l’année académique suivante. Il s’agissait dès lors bien de la fin des études, qui a coà¯ncidé avec la fin de l’année académique 2008.

Enfin, le fait que 253 heures ont été prestées pendant les mois de juillet à septembre n’est pas contesté et une conclusion s’impose : il y a dépassement de la limite réglementaire.

La cour retient sur un plan général que la règle dont découle la suspension des allocations familiales en cas de dépassement des 240 heures par trimestre est d’une application malaisée dans certains cas. Ainsi, il n’est pas évident, en cas d’échec en 1re session de prévoir avec certitude dès l’entame du travail étudiant pendant les vacances si l’examen de passage sera réussi ou à l’inverse, en cas d’échec, si la formation sera poursuivie. Dans le premier cas, il y a application de la limite trimestrielle de 240 heures (puisqu’il s’agit des dernières vacances d’été après la fin des études) et non dans le second, puisqu’il y a réinscription. Pour la cour, cet aléa ne résulte pas de la réglementation mais de l’évolution de la situation du bénéficiaire en fonction de sa réussite ou de son échec.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Liège est l’occasion de souligner le sort particulier des dernières vacances après la fin des études, notion que la cour rappelle : c’est la fin des cours auxquels l’étudiant est inscrit.

Rappelons que, depuis un arrêté royal du 1er septembre 2011 (qui a supprimé l’article 17 de l’arrêté royal du 10 août 2005), la situation en matière d’octroi des allocations familiales pendant la période des vacances d’été a été modifiée (modification générale ne touchant pas les dernières vacances après la fin des études), étant que, précédemment, pour conserver le droit aux allocations familiales, un nombre déterminé d’heures de travail par trimestre (soit 240 heures) ne pouvait être dépassé pendant les 1er, 2e et 4e trimestres. Il n’y avait dans ce cas pas de limitation pour le 3e (période des vacances d’été). Cependant, en cas de dépassement, non seulement les allocations pour le trimestre en cause étaient perdues, mais, s’il s’agissait du 2e trimestre, la privation du droit aux allocations familiales s’étendait au 3e trimestre.

Actuellement, le principe de base est maintenu, étant qu’en cas de dépassement du nombre d’heures de travail autorisées (240 h par trimestre pour les 1er, 2e et 4e) les allocations sont perdues, mais les effets particuliers du dépassement intervenu au cours du 2e trimestre sont supprimés : si le nombre d’heures prestées est supérieur au montant autorisé, il y a suppression, mais pour ce trimestre uniquement (comme pour les 1er et 4e donc). Le droit aux allocations familiales est maintenu de la même manière pendant les dernières vacances d’été pour les étudiants qui ont terminé ou arrêté leurs études.


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