Terralaboris asbl

Sous-commission paritaire 149/4 (métal) : champ d’application

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 2 février 2012, R.G. 2010/AB/809

Mis en ligne le mardi 15 mai 2012


Cour du travail de Bruxelles, 2 février 2012, R.G. n° 2010/AB/809

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 2 février 2012, la Cour du travail de Bruxelles analyse l’arrêté royal ayant institué la sous-commission paritaire 149/4 (secteurs connexes aux constructions métallique, mécanique et électrique) et confirme que celui-ci doit couvrir les entreprises sous-traitantes de manutention ou de distribution. Il n’y a pas lieu de classer le personnel ouvrier travaillant dans ces entreprises dans la commission paritaire nationale auxiliaire pour ouvriers.

Les faits

Une entreprise de manutention et de conditionnement d’articles (quincaillerie) dépend à la fois de la commission partiaire nationale auxiliaire pour ouvriers (151) et de la commission paritaire nationale auxiliaire pour employés (218). Suite à une visite de l’inspection sociale, une enquête est ouverte quant à l’activité réelle et le service des relations collectives du travail du SPF Emploi adresse un avis, en 2001, aboutissant à l’appartenance, pour les ouvriers, à la sous-commission paritaire pour le commerce du métal (149/4). L’avis donné se fonde sur l’arrêté royal instituant ladite sous-commission.

La société conteste cette position. L’ONSS considère cependant qu’il y a lieu de procéder au changement de la commission paritaire compétente et établit à des déclarations rectificatives. Une procédure est introduite devant le tribunal du travail qui, par jugement du 19 février 2010, fait droit à la demande de l’Office.

Position des parties devant la cour

La société demande à la cour de refuser d’appliquer l’arrêté royal du 13 mars 1985 instituant la sous-commission paritaire 149/4 et, en conséquence, de débouter l’ONSS, qui se fonde sur celui-ci pour réclamer les régularisations. Elle considère que le critère établi par l’arrêté royal est discriminatoire, étant qu’il n’est pas pertinent par rapport à l’objectif poursuivi ni proportionné vu qu’il ne vise que les clients du secteur du métal. Elle relève en outre qu’il est pénalement sanctionné, sans que la société en infraction ait commis un acte ou une omission. Elle développe une thèse subsidiaire, en ce qui concerne les montants.

Quant à l’Office, il demande que le jugement soit confirmé en tous points. Il expose que les avis rectificatifs ont été établis sur la base de l’avis de l’administration du service des relations collectives du travail, en fonction de l’activité principale de l’entreprise. Il rappelle que, en cas de litige sur la question de l’appartenance à une commission paritaire, c’est à la juridiction du travail de trancher. Sur le caractère discriminatoire de l’arrêté royal, il précise qu’il est tenu de se ranger à l’avis de l’administration du SPF Emploi. Il explique également le mode de calcul des cotisations.

Décision de la cour du travail

La cour constate que le litige porte sur la question de savoir si les ouvriers de la société doivent être maintenus dans la commission paritaire auxiliaire (uniquement compétente pour les ouvriers dont les employeurs ne ressortissent à aucune commission particulière). De cette question découle le bien-fondé ou non de la demande de l’ONSS, puisque la différence d’appartenance a notamment un effet sur le montant des cotisations dues par l’employeur.

La cour va dès lors examiner le champ d’application de la sous-commission paritaire, tel qu’énoncé dans l’arrêté royal qui a institué celle-ci le 13 mars 1985, ainsi que son texte actuel, depuis une modification introduite par l’arrêté royal du 27 avril 2000. Est actuellement visé l’exercice d’un ou de plusieurs actes relatifs à la manutention ou la distribution de marchandises pour des entreprises relevant de la compétence de la sous-commission paritaire pour le commerce du métal. Il s’agit d’entreposage, arrimage, expédition, emballage et ré-emballage dans de plus petites unités, marquage ou toutes autres activités axées sur la conservation, la vente ou la livraison de marchandises.

La cour du travail rappelle le principe en la matière, étant que le ressort d’une commission paritaire est en règle déterminé par l’activité principale de l’entreprise sauf si un autre critère devait être fixé par l’arrêté qui l’a instituée.

Elle examine l’activité exercée et constate qu’il s’agit essentiellement de manutention et de conditionnement d’articles de quincaillerie et de décors de fenêtres pour compte d’une autre société, relevant elle-même de la sous-commission paritaire pour le commerce du métal.

Sur la discrimination soulevée par la société, la cour constate que celle-ci résiderait dans le fait qu’une société qui s’occupe de manutention pour le compte d’une autre (ressortissant à la SCP n° 149/4) dépend également de celle-ci alors que tel ne serait pas le cas si elle assurait la même manutention pour le compte d’une autre entreprise cliente. Si le critère d’appartenance en fonction de la clientèle est un critère objectif, la cour constate que pour la société, il n’est ni pertinent ni proportionné. Elle va dès lors vérifier si ce critère est raisonnablement justifié au regard de l’objectif de la réglementation. Elle reprend, ainsi, longuement les principes fondant la loi du 5 décembre 1968 relative aux conventions collectives et aux commissions paritaires. Celles-ci, ainsi que leur champ d’activité, sont le produit d’un critère économique qui doit être examiné dans son contexte social. Si, en 1968, l’entreprise était intégrée (c’est-à-dire qu’elle regroupait les différentes fonctions nécessaires pour réaliser son activité principale) et qu’elle avait en général une structure organisationnelle habituelle, actuellement, les sociétés se centrent sur une activité principale et logent les fonctions accessoires dans des entités juridiques distinctes. La cour renvoie ici à M. RIGAUX (« De netwerkonderneming en de toepassing van C.A.O.-Wet : een verkennende schets » in M. RIGAUX en W. VAN EECKHOUTTE (ed.), Actuele problemen van het arbeidsrecht 5, Gent, 1997, 469 et s., en particulier p.474 à 479).

Pour la cour, le cas à trancher illustre ce propos. Les différentes fonctions nécessaires pour exercer l’activité commerciale de la société (principale) ont été réparties entre plusieurs entités juridiques, toutes imbriquées dans le même processus économique, vu qu’il s’agit des produits sur lesquels porte l’activité commerciale de la société. Le critère contesté, en l’espèce, à savoir l’exercice d’un ou plusieurs actes relatifs à la manutention ou à la distribution de marchandises pour des entreprises qui relèvent de la compétence de la sous-commission paritaire pour le commerce du métal, indique que le champ d’application de l’arrêté royal vise le commerce du métal dans son ensemble, en ce compris les entreprises sous-traitantes de manutention ou de distribution.

Pour la cour, le critère ne manque pas de pertinence, il se réfère à l’entité juridique (employeur) et regroupe des entreprises qui ont des caractères communs. Il ne s’agit pas de cibler un public plus large que les entreprises étroitement liées au commerce du métal.

La cour relèvera encore que le statut légal des commissions paritaires permet, s’il échet, de procéder à des ajustements jugés opportuns (la cour renvoie ainsi pour le secteur logistique – modifié en 2007 – à C. trav. Bruxelles, 7 janvier 2010, R.G. 49.568). Elle conclut, dès lors, qu’il y a bien lieu d’appliquer l’arrêté royal en cause et que la société dépend de cette sous-commission paritaire. Elle est dès lors tenue de payer les cotisations réclamées par l’ONSS.

Intérêt de la décision

Cet arrêt fait un très intéressant rappel de la loi du 5 décembre 1968 et, analysant les modifications de structure de l’activité économique, vu un éclatement croissant des structures juridiques chargées de diverses activités de service, elle rappelle le but du législateur, qui est d’englober, en l’occurrence, le commerce du métal dans son ensemble, en ce compris les entreprises sous-traitantes de manutention ou de distribution.


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