Terralaboris asbl

Interruption de carrière : règles de cumul avec d’autres revenus

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 2 février 2012, R.G. 2010/AB/533

Mis en ligne le mardi 15 mai 2012


Cour du travail de Bruxelles, 2 février 2012, R.G. n° 2010/AB/533

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 2 février 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les conditions dans lesquelles un bénéficiaire d’allocations d’interruption peut bénéficier du cumul de celles-ci avec d’autres revenus. En l’occurrence, s’agissant d’un congé de maternité, l’intéressée, membre du personnel de l’enseignement libre subventionné, ne pouvait cumuler celles-ci que dans les conditions de l’article 6 de l’arrêté de l’exécutif de la Communauté française du 3 décembre 1992 : le repos d’accouchement intervenu en cours d’interruption de carrière est une cause de suspension de celle-ci – même si le congé de maternité a été scindé.

Les faits

Un membre de l’enseignement libre subventionné obtient une interruption de carrière à temps partiel dans le cadre d’un congé parental, à partir du 1er mars 2004 et ce jusqu’au 31 août 2004. Elle bénéficie pendant cette période d’un congé de maternité et perçoit une subvention-traitement de la Communauté française. Elle avertit l’ONEm le 9 septembre 2004, du fait qu’elle a reçu son traitement à temps plein pour la période précitée, traitement qui a ainsi été cumulé avec les allocations d’interruption. Une régularisation est annoncée et l’ONEm veut récupérer un montant de l’ordre de 1.500€. La décision de récupération date du 20 juillet 2005.

L’intéressée conteste la décision par citation du 19 octobre 2005.

Décision du tribunal du travail

Le Tribunal du travail de Bruxelles rend un jugement le 5 mai 2010 et déclare le recours non fondé.

Position des parties en appel

L’intéressée interjette appel et fait valoir en premier lieu un argument tiré de la prescription. Elle fait valoir que la décision de récupération du 20 juillet 2005 lui a été adressée par un courrier simple et que la prescription n’a pas été interrompue selon un des modes prévus par l’article 2244 du Code civil (ni par l’envoi d’une lettre recommandée). Elle se fonde sur un arrêt de la Cour de cassation du 8 octobre 2007.

Quant au fond, elle fait valoir que l’arrêté royal du 12 août 1991 relatif à l’octroi d’allocations d’interruption aux membres du personnel de l’enseignement et des centres psycho-médico-sociaux contient en son article 7 une interdiction de cumul entre les allocations d’interruption et un traitement. Elle considère cependant que cette disposition ne lui est pas applicable, dans la mesure où la disposition prévoit la perte du droit aux allocations d’interruption à partir du jour où le membre du personnel (bénéficiaire d’une telle allocation) entame une activité rémunérée, élargit une activité accessoire existante ou encore compte plus d’un an d’activité indépendante. Pour l’intéressée, elle n’est dans aucune de ces hypothèses et le cumul n’est dès lors pas prohibé. Par ailleurs, le même arrêté royal énumère (article 6) les diverses activités dont les revenus peuvent être cumulés avec les allocations d’interruption. Parmi ces hypothèses ne figure pas l’indemnité de maternité et l’intéressée en conclut qu’il n’existe pas de règlement interdisant le cumul.

A titre subsidiaire, elle considère qu’il y a faute de l’ONEm et sollicite l’octroi de dommages et intérêts correspondant au montant qui lui est réclamé.

L’ONEm se fonde sur le même article 7 de l’arrêté royal du 12 août 1991 et considère que celui-ci vise à la fois le principe de l’interdiction de cumul entre les allocations d’interruption et un traitement quelconque et qu’il organise également le droit de récupération des allocations indument perçues.

Sur la décision et sa régularité, l’ONEm considère que le contrôle d’une décision administrative doit être opéré en deux temps, étant (i) sa validité (respect des droits de défense, compétence de l’auteur de l’acte et motivation en fait et en droit) et (ii) la question de la notification à la personne concernée, question pour laquelle l’absence de recommandé ne peut avoir comme seule conséquence que de laisser persister une incertitude quant à la date à laquelle le destinataire a pris connaissance de la décision.

Sur la prescription elle-même, l’ONEm fait valoir qu’il dispose d’un délai de trois ou cinq ans (selon les cas) pour prendre une décision de récupération et que celle-ci a été prise dans le délai, s’agissant de récupérer des allocations pour la période de mars à août 2004.

L’ONEm considère par ailleurs qu’il était en droit de récupérer les allocations perçues indument par l’intéressée vu les termes de l’article 6, § 4 de l’arrêté de l’exécutif de la Communauté française du 3 décembre 1992 selon lequel notamment le repos de maternité qui intervient en cours de l’interruption de carrière ne met pas fin à celle-ci mais la suspend, même si le congé de maternité est scindé. Dans ce cas, le membre du personnel va bénéficier de la rémunération à laquelle il a droit en vertu de la réglementation applicable en matière de congé de maternité.

Répondant à la thèse subsidiaire de l’appelante, l’ONEm fait valoir qu’il n’a commis aucune faute dans le traitement de son dossier.

Décision de la cour du travail

Sur la prescription dans l’hypothèse d’une interruption de carrière, la cour renvoie à l’avis de l’Avocat général, qu’elle reproduit entièrement. Celui-ci envisage, dans un examen très détaillé, les règles de prescription en sécurité sociale et rappelle que les allocations d’interruption sont soumises, depuis la loi-programme du 27 décembre 2004 (article 173), aux mêmes règles que les allocations de chômage. Il faut par ailleurs distinguer, comme le rappelle l’Avocat général, le délai dans lequel la décision de récupération d’indu doit intervenir (trois ou cinq ans) et le délai de recouvrement dans lequel la décision doit être exécutée : ce deuxième délai est le délai de droit commun de dix ans figurant à l’article 2262bis, § 1er du Code civil. Il n’y a dès lors pas prescription.

En ce qui concerne l’interruption de carrière, elle rappelle, toujours avec l’Avocat général, que la raison d’être de la réglementation de l’interruption de la carrière professionnelle consiste en l’octroi d’allocations à charge de l’ONEm et qu’il y a deux formes d’interruption de carrière, l’interruption complète et la réduction des prestations de travail. En ce qui concerne les dispositions de l’arrêté royal du 12 août 1991 applicables, c’est l’article 6 qu’il convient de retenir (et non l’article 7 – qui vise une autre hypothèse, étant la perte du droit). Il faut dès lors examiner les hypothèses admises de cumul et la cour en conclut qu’il faut par conséquent déduire de cette disposition que d’autres cas de cumul ne sont pas autorisés, en l’occurrence, le cumul d’un revenu de remplacement avec une subvention-traitement pour une fonction à temps plein.

Dans l’hypothèse d’un repos d’accouchement qui intervient en cours d’interruption de carrière, celui-ci ne met pas fin à la période d’interruption mais la suspend même si le congé de maternité a été scindé.

Vu la communication tardive à l’ONEm de la situation critiquée, il y a eu récupération et il n’y a pas, en l’espèce, de refus d’une prolongation de l’interruption de carrière. L’appelante est dès lors déboutée.

Intérêt de la décision

Cette hypothèse particulière rappelle les cas dans lesquels un cumul peut être admis en cas de perception d’allocations d’interruption. Il s’agit des revenus provenant de l’activité d’un mandat politique ou de ceux produits par une activité accessoire en tant que travailleur salarié (répondant à certaines conditions d’exercice dans la période précédant le bénéfice de l’interruption). Est également admis, en cas de suspension complète du contrat pour cause d’interruption de carrière, le cumul avec des revenus provenant de l’exercice d’une activité indépendante pendant une période maximale d’un an.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be