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Invalidité et aide de tiers : rappel des critères

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 20 mars 2012, R.G. 2012/AN/15

Mis en ligne le mardi 29 mai 2012


Cour du travail de Liège (section Namur), 20 mars 2012, R.G. 2012/AN/15

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 20 mars 2012, la Cour du travail de Liège (sect. Namur) reprend, dans un arrêt fouillé, les principes devant guider l’appréciation des difficultés rencontrées par les personnes invalides ou handicapées en vue d’obtenir une aide de tiers.

Objet du litige

L’INAMI refuse l’octroi d’une aide de tiers à une assurée sociale, au motif qu’elle n’atteint pas le nombre minimum de points de perte d’autonomie susceptible de lui ouvrir le droit à l’allocation forfaitaire correspondante. Ce minimum est de 11 points et l’INAMI n’en reconnait que 9.

Un recours est introduit devant le tribunal.

Décision du tribunal du travail

Ayant désigné un expert par jugement interlocutoire, le tribunal statue sur le droit de l’intéressée par jugement du 28 décembre 2011. Il y entérine le rapport d’expert sur les points relatifs aux déplacements et à l’entretien de l’habitat, retenant essentiellement que l’intéressée, qui se déplace en chaise roulante mécanique à l’intérieur de son domicile et en chaise roulante électrique à l’extérieur, peut se déplacer en voiture avec un tiers et n’est pas grabataire. Pouvant se déplacer dans sa maison, elle est apte à de menus travaux avec les membres supérieurs. Le total reconnu par l’expert, de 10 points, est confirmé.

Suite à l’appel formé par l’intéressée, la cour du travail va réformer cette appréciation.

Décision de la Cour

Dans son arrêt du 20 mars 2012, la cour du travail fait un rappel important des principes.

Une allocation forfaitaire journalière est prévue, dans le cadre de l’assurance obligatoire indemnités en cas d’aide de tiers depuis le 1er janvier 2007. Auparavant, il y avait majoration de l’indemnité. La disposition actuelle (article 215bis, § 1er de l’arrêté royal du 3 juillet 1996) fixe les conditions d’octroi de cette aide de tiers et notamment les hypothèses (hospitalisation, hébergement, ...) dans lesquelles elle n’est pas due. En ce qui concerne l’évaluation du degré de nécessité de cette aide, il y a lieu de totaliser des points en fonction du Guide utilisé pour l’évaluation du degré d’autonomie par la législation en matière d’octroi d’allocations aux personnes handicapées. Il faut dès lors se reporter au Guide figurant en annexe à l’arrêté ministériel du 30 juillet 1987 concernant l’évaluation du degré d’autonomie (dans le cadre des conditions d’octroi de l’allocation d’intégration).

La cour rappelle que le juge doit apprécier si la personne handicapée est capable sans difficultés, avec des difficultés minimes ou difficilement ou encore n’est pas capable du tout d’accomplir seule certaines fonctions sociales. Celles-ci sont visées aux rubriques de l’arrêté ministériel. La cour donne dès lors les critères requis pour chacune des catégories de difficultés. Elle rappelle que la cotation maximale (soit 3) implique l’impossibilité pour la personne handicapée de satisfaire à la fonction examinée, et ce sans l’aide d’une tierce personne ou le recours à un environnement adapté. La cour rappelle encore que l’on ne peut faire dépendre la cotation de la présence ou non de personnes susceptibles d’accorder une aide à la personne handicapée : le critère à prendre en compte est celui de l’autonomie de celle-ci, et ce indépendamment de la l’assistance dont elle peut bénéficier. De même, est sans incidence sur l’appréciation la présence d’équipements spéciaux mis à la disposition de la personne handicapée. Enfin, l’annexe à l’arrêté royal renvoie à l’examen d’une ‘situation moyenne’ aux fins d’intégrer des situations de crises.

La cour examine plus particulièrement les deux rubriques litigieuses, étant les difficultés de déplacement ainsi que celles liées à l’entretien de l’habitat. Pour les premières, elle rappelle qu’il faut examiner les difficultés rencontrées tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du domicile. A cet égard l’utilisation d’une chaise roulante ne peut intervenir dans l’appréciation puisque c’est l’autonomie qui doit être examinée en faisant abstraction de tous éléments extérieurs. Sur cet aspect de l’autonomie, il faut retenir une cotation maximale de 3 points puisque l’intéressée n’est capable de se mouvoir seule ni à l’intérieur ni à l’extérieur de son habitat. Ainsi que la cour le précise, la cotation maximale n’est pas réservée aux personnes grabataires et intransportables.

En ce qui concerne les difficultés à assumer l’entretien de son domicile, la cour rappelle qu’il faut retenir des difficultés physiques et mentales dans l’hypothèse où la personne visée ne peut accomplir que le petit entretien. Il s’agit de difficultés qualifiées d’importantes par la jurisprudence et la cour rappelle de nombreuses décisions qui ont conclu à l’impossibilité d’accomplir les tâches liées à l’habitat, dans des hypothèses où une personne se déplace sans béquilles, ne peut s’occuper de tâches ménagères qu’en position assise, a des vertiges / pertes d’équilibre et un handicap dans un bras ou encore ne peut manier qu’un plumeau. En l’espèce, la personne ne pouvant entretenir son habitat qu’en chaise roulante, la cour conclut à l’impossibilité pour elle d’accomplir seule les fonctions liées à cette rubrique.

Elle considère qu’il est ‘stupéfiant’ de considérer que face à telles situations l’on puisse conclure à la capacité de faire – fût-ce partiellement – des tâches d’entretien. Elle réforme dès lors le jugement du tribunal et fait droit à la demande d’aide de tiers.

Intérêt de la décision

Cet arrêt très fouillé de la Cour du travail de Liège (sect. Namur) rappelle les principes relatifs à l’appréciation des difficultés quotidiennes dans des activités habituelles (déplacements, entretien de l’habitat). Il reprend avec grande précision le but poursuivi par la législation, dans le soutien des personnes invalides ou handicapées ayant perdu une partie importante de leur autonomie et renvoie à une appréciation réaliste et concrète de la situation présentée.


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