Terralaboris asbl

Perception d’indemnités de maladie et de revenus du travail : point de départ de l’indu ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 19 janvier 2012, R.G. 2011/AB/1.032

Mis en ligne le mercredi 13 juin 2012


Cour du travail de Bruxelles, 19 janvier 2012, R.G. n° 2011/AB/1.032

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 19 janvier 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les règles relatives à la récupération d’indu, eu égard aux dates des paiements effectués.

Les faits

Un organisme assureur introduit une demande en justice au vu de récupérer un montant de l’ordre de 1.300€. Celui-ci résulte du cumul entre des indemnités de maladie et une indemnité de rupture de contrat (pour une période de cinq semaines) ainsi que d’un cumul (ultérieur) entre des indemnités de maladie et une rémunération (pour une période de deux semaines).

La première période considérée va du 19 novembre 2005 au 22 décembre 2005 et la seconde, du 14 janvier 2008 au 31 janvier 2008. Une mise en demeure est adressée le 23 avril 2008.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 3 octobre 2011, le tribunal du travail considère que la demande est prescrite pour la première période, étant antérieure de plus de deux ans eu égard à la mise en demeure du 23 avril 2008.

Position de parties devant la cour

Le défendeur originaire, actuel intimé, fait défaut.

L’organisme assureur, qui a obtenu un jugement par défaut en première instance, a interjeté appel afin de faire valoir qu’il a été informé du cumul via un bon de cotisation reçu le 22 août 2006. Ce bon est relatif au paiement d’une indemnité de rupture et la mutuelle en a déduit que celle-ci avait été payée au plus tôt en avril 2006 (ou même plus tard). Elle fait dès lors courir le délai de prescription à partir du paiement, non des indemnités d’incapacité mais de l’indemnité de rupture elle-même, se référant à un arrêt de la Cour de cassation du 26 juin 1995 (J.T.T., 1995, p. 424).

Décision de la cour du travail

La cour reprend les principes en matière d’interdiction de cumul et de récupération, rappelant que la prescription de l’action en restitution des prestations indues est de deux ans, en vertu de l’article 174, 5° de la loi cordonnée le 19 juillet 1994. Ce délai commence à courir à la fin du mois où le paiement a été effectué, de telle sorte que c’est chaque paiement qui constitue le point de départ de l’indu qu’il contient. La date à laquelle l’organisme assureur est éventuellement informé d’un cumul, est, pour la cour, sans importance.

Dans le mécanisme de prescription en la matière, les dispositions du droit commun sont applicables, sauf dérogations expresses et la cour retient qu’existe un débat en ce qui concerne le point de départ de la prescription. Ainsi, se fondant sur l’article 2257 du Code civil, certains auteurs considèrent qu’en cas de cumul avec une indemnité de rupture, le délai de deux ans court non à partir de la fin du mois du paiement des indemnités mais au moment du versement de l’indemnité elle-même, source du cumul prohibé (la cour renvoyant notamment à A. VERMOTE, « La prescription en droit de la sécurité sociale » in « La prescription dans les matières sociales (II) » Ors., n° 8, octobre 2008, p.3).

La cour considère que cette position doit être nuancée eu égard aux termes de l’article 103, §3, de la loi. En effet, le travailleur peut être autorisé par le Roi à bénéficier d’indemnités d’incapacité de travail lorsqu’il a droit à certains avantages ou lorsqu’il attend de les recevoir, même si ce cumul avec ceux-ci est prohibé. L’arrêté royal d’exécution du 3 juillet 1976 a ainsi prévu en son article 241 que cette perception est autorisée à la condition que le bénéficiaire informe l’organisme assureur de tout élément de nature à établir son droit ainsi que de toute action engagée aux fins de récupérer les montants dus. Il en découle, pour la cour, qu’en cas de respect du dispositif de l’article 241, les indemnités ont été dûment payées. Tant que le bénéficiaire n’aura pas perçu les montants réclamés, il y a suspension du droit pour la mutuelle de récupérer l’indu et par conséquence suspension de l’exercice de l’action en récupération liée à ce droit. Or, comme le rappelle la cour, aucun délai de prescription ne peut courir tant qu’un droit prescriptible ne peut être exercé. La prescription ne prendra cours qu’à la naissance du droit pour la mutuelle d’obtenir restitution des prestations payées indûment (la cour du travail renvoyant ici à l’arrêt de la Cour de cassation du 26 juin 1995 cité par l’organisme assureur).

Par contre, en cas de prestations octroyées indûment, la prescription de deux ans commence à compter à partir du mois auquel les prestations se rapportent, même si, suite à une omission non frauduleuse, le bénéficiaire n’a pas informé sa mutuelle de la demande qu’il aurait introduite en vue d’obtenir ledit avantage non cumulable avec les indemnités.

La cour renvoie ici à un arrêt de la Cour de cassation du 4 janvier 1993 (J.T.T., 1993, p. 77 et note). Elle rappelle les circonstances de la cause : un affilié avait été indemnisé et avait reçu du Fonds d’indemnisation une indemnité de rupture couvrant une période de dix mois se situant pendant celle où il avait perçu les indemnités de mutuelle. L’organisme assureur faisait valoir qu’il n’avait pas été informé et invoquait que la prescription ne pouvait courir qu’à partir de la connaissance de l’élément qui rendait le paiement indu. Pour la Cour de cassation, il y a paiement indu ab initio, et ce vu que l’obligation d’information n’a pas été remplie : dans cette hypothèse le délai de prescription court à dater du paiement des indemnités. Celles-ci n’ont en effet jamais été dues et la cour du travail précise encore qu’il est sans intérêt de vérifier si l’indemnité de rupture a ou non été payée.

Appliquant ce principe aux éléments de l’espèce, la cour retient que l’élément déterminant est de savoir si l’affilié avait informé son organisme assureur ou non. Cette question fait l’objet d’une réouverture des débats.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle une règle importante en matière de récupération d’indu, étant que, à défaut de respecter l’article 241 de l’arrêté royal d’exécution du3 juillet 1996, le délai de prescription de la récupération d’indu court à dater du paiement des indemnités d’incapacité.


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