Terralaboris asbl

Dans quelles conditions est-il possible de contester en justice la décision d’indemnisation, prise après accord de la victime ?

Commentaire C. trav. Mons, 8 décembre 2011, R.G. 2006/AM/20.301

Mis en ligne le mardi 19 juin 2012


Cour du travail de Mons, 8 décembre 2011, R.G. n° 2006/AM/20.301

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 8 décembre 2011, la Cour du travail de Mons juge recevable une procédure introduite en indemnisation des séquelles d’un accident du travail malgré l’accord précédemment donné sur les conclusions du SSA.

Les faits

Un enseignant est victime d’un accident sur le chemin du travail, non contesté. Il s’agit d’une chute, qui va entraîner une période d’incapacité de travail de trois mois avec traitement de kinésithérapie, période suite à laquelle le SSA (Medex) notifie une proposition de consolidation (0%). Cette décision, contestée, est confirmée en degré d’appel. Un courrier est adressé par la Communauté française à l’intéressé, lui proposant de marquer son accord sur les conclusions du SSA. Celui-ci signe le document avec la mention « pour réception et accord ». Il cite, ultérieurement, la Communauté française aux fins de faire fixer les séquelles de l’accident.

Il introduit, un an plus tard, par voie recommandée, une demande de revision auprès de celle-ci, se fondant sur un rapport médical évaluant l’IPP à 6%. Cette demande de revision est introduite, pour lui, « pour autant que de besoin », et ce vu l’existence de rechutes ultérieures à la consolidation qui avait été notifiée. Suite à une convocation au SSA, l’intéressé se voit notifier les conclusions médicales nouvelles, maintenant le taux d’IPP à 0% et ne retenant aucune aggravation imputable à l’accident.

Par jugement, le Tribunal du travail de Mons déclare la demande recevable et ordonne une expertise médicale.

Position des parties devant la cour

La Communauté française interjette appel sollicitant que la cour déclare l’action irrecevable. Elle fait essentiellement valoir que la victime a marqué accord sur la décision du SSA et que ceci met fin à toute contestation quant aux éléments retenus, étant à la fois le taux d’invalidité permanente et la date de consolidation. La demande tendant à se voir reconnaître une incapacité permanente de travail est dès lors irrecevable. La Communauté française considère également que la procédure en revision a été clôturée par la décision du SSA, l’arrêté royal du 24 janvier 1969 ne prévoyant pas de recours judiciaire contre cette décision. La citation introduite ne peut dès lors valoir demande en revision, d’autant que l’intéressé n’avait pas saisi préalablement le SSA.

Quant à la victime, elle considère que l’accord ne peut être interprété comme une renonciation à un droit d’agir et que, en tout état de cause, une telle renonciation serait illégale et inopérante. Elle fait également valoir un vice de consentement. Enfin, sur la revision, elle considère que cette matière n’échappe pas à la compétence des juridictions du travail et que le raisonnement de la Communauté française implique une discrimination par rapport au secteur privé.

Décision de la cour du travail

La cour rappelle la procédure mise en œuvre par l’arrêté royal du 24 novembre 1969 (article 9). Elle constate que, suivant la procédure qui est décrite, l’intéressé a renvoyé le document avec la mention « pour réception et accord ». Elle rappelle qu’un accord est un contrat consensuel, ce qui implique qu’il lie les parties dès l’échange des consentements. L’accord prévu à l’article 9 de l’arrêté royal peut toutefois être entaché de nullité dans l’hypothèse d’un vice de consentement et la cour rappelle les hypothèses dans lesquelles un tel vice peut exister : erreur, violence ou dol. Pour être une cause de nullité, l’erreur doit porter sur la substance même de la chose qui est l’objet du consentement, c’est-à-dire sur un élément qui a déterminé principalement la partie à contracter, de sorte que sans lui, le contrat n’aurait pas été conclu. Il s’agit dès lors uniquement de l’erreur inexcusable, c’es-à-dire celle que ne commet pas un homme raisonnable placé dans les mêmes circonstances. La cour constate que, sur le formulaire invitant la victime à marquer son accord, une mention avait été apportée, étant que, en vertu de l’article 10 de l’arrêté royal précité, la victime disposait d’un délai de trois ans pour introduire une demande en revision fondée sur une aggravation. Pour la cour, ce document manque de la plus élémentaire transparence et est de nature à induire en erreur toute personne raisonnable.

L’accord est présenté comme la seule alternative envisageable et la condition sine qua non de la reconnaissance de tout autre droit, aucune allusion n’étant faite à la possibilité éventuelle de contester la décision du SSA devant les juridictions du travail.

En conséquence, l’accord doit être annulé pour vice de consentement et l’action introduite en vue de la contestation des séquelles de l’accident admis par la Communauté française est recevable.

En ce qui concerne, enfin, la demande en revision, la cour constate que, l’accord étant annulé, le délai pour introduire une demande en revision ne pourrait commencer à courir qu’à dater du jour où le jugement statuant sur les séquelles de l’accident serait passé en force de chose jugée.

Intérêt de la décision

Les éléments de cette espèce sont antérieurs à l’entrée en vigueur de la Charte de l’assuré social. La cour du travail s’est lors attaché, en cette espèce, à examiner la validité de l’accord donné, conformément à l’article 9 de l’arrêté royal du 24 janvier 1969 exécutant la loi du 3 juillet 1967. L’enseignement de cet arrêt reste actuel, étant qu’un tel accord peut être annulé, puisqu’il est susceptible d’être entaché d’erreur, la référence étant ici faite à l’exigence d’une erreur inexcusable.


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