Terralaboris asbl

Indu dans le secteur des soins de santé et indemnités (travailleurs salariés) : point de départ

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 31 mars 2011, R.G. 2010/AB/1.086

Mis en ligne le mardi 28 août 2012


Cour du travail de Bruxelles, 31 mars 2011, R.G. n° 2010/AB/1.086

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 31 mars 2011, la Cour du travail de Bruxelles rappelle, en matière de soins de santé et indemnités, que le point de départ du délai de prescription en cas de récupération d’indu est le paiement effectué.

Les faits

Le fonctionnaire dirigeant du Contrôle administratif de l’INAMI notifie à un organisme assureur une décision en vue de la récupération d’un indu auprès d’un assuré, au motif qu’il a été affilié à tort à la sécurité sociale des travailleurs salariés. L’organisme assureur conteste celle-ci et introduit une procédure devant le Tribunal du travail de Bruxelles considérant que, en cas d’assujettissement irrégulier, les prestations ne devaient pas être récupérées et que cette récupération était prescrite. Il s’agit à la fois de soins de santé et d’indemnités d’incapacité.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 1er octobre 2010, le Tribunal du travail de Bruxelles fait droit à la demande de l’organisme assureur en ce qui concerne les frais médicaux mais rejette celle-ci pour ce qui est des indemnités d’incapacité.

Position des parties en appel

L’organisme assureur fait valoir que le premier juge n’a pas, à tort, retenu la prescription en ce qui concerne les indemnités d’incapacité. Pour la mutuelle, sauf en cas de manœuvres frauduleuses, le délai de prescription est de deux ans. Les indemnités ont été versées dans le courant des années 1999 et 2000 et le délai de prescription a commencé à courir lors du paiement et non, comme le soutient l’INAMI – et comme l’a retenu le premier juge -, au moment où l’INAMI a eu connaissance de l’indu.

Quant à ce dernier, il se réfère à la sagesse de la cour.

Décision du la cour du travail

La cour reprend les lois coordonnées et particulièrement l’article 174, contenant les règles de prescription.

L’action relative au paiement de sommes qui porteraient à un montant supérieur le paiement des prestations de santé qui a été accordé se prescrit, en vertu du 4°, par deux ans à compter de la fin du mois au cours duquel le paiement a été effectué. De même, l’action en récupération de la valeur des prestations indûment octroyées à charge de l’assurance indemnités se prescrit, en vertu du 5°, par deux ans à compter de la fin du mois au cours duquel le paiement de ces prestations est intervenu. En cas de manœuvres frauduleuses, le délai est de cinq ans.

Après le délai de deux ans, débutant à la fin du mois au cours duquel la prestation a été payée indûment par l’organisme assureur, celle-ci ne doit pas être inscrite dans le compte spécial visé à l’article 164 de la loi (récupération), et ce conformément au 7°. Ici également, le délai est porté à cinq ans en cas de manœuvres frauduleuses.

Pour la cour, il découle de ces dispositions que, en règle, la prescription de la demande de récupération de montants indus commence à courir au moment du paiement lui-même. L’article 174 n’exclut d’ailleurs pas l’application de l’article 2257 du Code civil, qui dispose que la prescription ne court pas pour une créance qui dépend d’une condition, jusqu’à ce que la condition arrive.

Cette disposition du Code civil ne peut, cependant, être appliquée que lorsque le titulaire du droit qui risque de se prescrire se trouve dans l’impossibilité de réaliser sa créance suite à un empêchement légal. Ne peut être assimilé à cette hypothèse le fait que le caractère indu de la prestation n’est pas connu. La cour cite ici divers arrêts de la Cour de cassation (dont Cass., 16 juin 1972, Arr. Cass., 1972, 969) ainsi que de la doctrine.

Elle renvoie également à un arrêt de sa propre cour du 29 août 2008 (C. trav. Bruxelles, 29 août 2008, R.G. 50.083), dans lequel elle a souligné que, dans la réglementation de la sécurité sociale, le législateur a toujours accordé la priorité à la sécurité juridique et que le problème des manœuvres frauduleuses a été réglé par l’octroi, pour les cas où elles se présentent, d’un délai de prescription plus long. Le législateur a ainsi opté, dans cette hypothèse, non pour un déplacement du point de départ du délai mais pour un allongement de celui-ci. Le déplacement de la date de départ de la récupération existe certes dans d’autres matières du droit mais non ici. Il ne serait pas, pour la cour, conforme au souci du législateur de permettre, en sus de l’allongement du délai de prescription, de déplacer le point de départ.

En conséquence, statuant sur avis conforme de l’avocat général, la cour du travail considère l’appel fondé. Le jugement est réformé sur la question des indemnités et la décision administrative est annulée par la cour, pour la partie de la demande relative aux indemnités versées.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles, statuant en matière de prescription de récupération d’indu, est important sur le rappel qu’il fait du point de départ de la prescription et du mécanisme légal en la matière, dans lequel la cour confirme qu’il n’est pas question de postposer le point de départ du délai de prescription hors les hypothèses autorisées par l’article 2257 du Code civil.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be