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Conditions d’intervention de la COCOF dans les aides pédagogiques

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 18 juin 2012, R.G. 2012/AB/176

Mis en ligne le mercredi 7 novembre 2012


Cour du travail de Bruxelles, 18 juin 2012, R.G. n° 2012/AB/176

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 18 juin 2012, la Cour du travail de Bruxelles examine les termes de l’arrêté d’exécution du décret du 4 mars 1999 de l’Assemblée de la Commission communautaire française relatif à l’intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées au regard de la Convention de New-York du 13 décembre 2006.

Les faits

Un père sollicite, pour sa fille, sourde de naissance, un ordinateur portable destiné à lui permettre de prendre note en classe et d’assurer le contact visuel avec l’enseignant (lecture sur les lèvres). Le Collège de la COCOF a en effet pris, en date du 25 février 2000, un arrêté (n° 99/262/A), qui prévoit des dispositions individuelles d’intégration sociale et professionnelle. Une annexe est jointe à celui-ci, reprenant les conditions médicales requises pour obtenir une intervention dans le coût d’un ordinateur et il s’agit notamment de cas de personnes présentant une déficience fonctionnelle importante au niveau des membres supérieurs empêchant l’écriture manuelle ou une déficience visuelle rendant impossible l’écriture sans l’usage d’un ordinateur.

La COCOF considère que la surdité n’a aucune incidence sur l’usage des mains de l’intéressée. Au contraire, son père, demandeur devant le tribunal du travail, expose qu’il y a une déficience fonctionnelle, étant un trouble de la coordination, empêchant sa fille de regarder le professeur et prendre note en même temps.

Il établit que la lecture labiale est indispensable et que, sa fille suivant l’enseignement ordinaire, la prise de note en classe est une nécessité croissante.

Le jugement du tribunal du travail

Par jugement du 20 septembre 2010, le tribunal du travail déclare la demande fondée, considérant que la jeune fille a droit à un ordinateur potable avec écran de 15 pouces.

La COCOF interjette appel de cette décision.

La décision de la cour

La cour rappelle que l’arrêté du 25 février 2000 assure l’exécution du décret du 4 mars 1999 de l’Assemblée de la Commission communautaire française relatif à l’intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées. Aux termes de ce décret, le handicap est défini comme le désavantage social résultant d’une déficience ou d’une incapacité qui limite ou empêche la réalisation d’un rôle habituel par rapport à l’âge, au sexe, aux facteurs sociaux et culturels (article 6). Cette définition induit que le handicap a une vision fonctionnelle, étant qu’il ne réside pas dans la déficience elle-même, mais dans le désavantage social entraîné par celle-ci, étant les limitations qui en découlent sur le plan des capacités fonctionnelles de la personne. Par conséquent, il faut prendre en considération toutes les limitations fonctionnelles causées, en l’occurrence par la surdité, et ne pas se limiter à la seule déficience auditive. L’impossibilité de prendre des notes en classe fait partie de ces limitations. La cour relève que l’aide demandée est une aide pédagogique indispensable à l’intégration de la jeune fille dans l’enseignement ordinaire et qu’il ne peut être question de la renvoyer vers l’enseignement spécialisé (ou elle pourrait bénéficier d’autres formes d’aide), ce qui serait contraire à sa liberté de choix et à son droit à l’autonomie et à l’intégration.

La cour se réfère à la Convention de New-York du 13 décembre 2006 relative aux droits des personnes handicapées, qui fait notamment obligation aux Etats de faire en sorte que les personnes handicapées ne soient pas exclues, sur la base de leur handicap, du système d’enseignement général. En ce qui concerne plus particulièrement les personnes aveugles, sourdes ou sourdes et aveugles – et en particulier les enfants –, la Convention dispose que les Etats doivent veiller à ce qu’ils reçoivent un enseignement dispensé dans la langue et par le biais des modes et moyens de communication qui conviennent le mieux à chacun, et ce dans des environnements qui optimisent le progrès scolaire et la sociabilisation.

L’Etat belge s’est engagé à remplir les objectifs fixés par la Convention (celle-ci ayant reçu l’assentiment du législateur le 13 mai 2009), de telle sorte que le juge doit en tenir compte dans son travail d’interprétation du droit national. Celui-ci doit en effet être interprété dans toute la mesure du possible à la lumière des engagements de droit international et afin de permettre la réalisation des objectifs qui y sont repris.

En l’espèce, la cour considère que l’aide est indispensable pour poursuivre la scolarité dans l’enseignement secondaire ordinaire, selon le choix de l’intéressée. Elle constate que la déficience auditive modifie de manière importante la coordination entre la vision et le travail des mains, vu l’obligation, pour la compréhension, de la lecture labiale. Pour la cour, la fonction d’écriture est affectée par la déficience auditive. Elle va dès lors confirmer le jugement du tribunal.

Intérêt de la décision

Cet arrêt, rendu dans le cadre des dispositions de l’exécution du décret du 4 mars 1999 de l’Assemblée de la Commission communautaire française, rappelle que ses termes doivent être interprétés à la lumière des sources de droit supérieures – même si celles-ci ne sont pas d’application directe –, étant en l’espèce la Convention relative aux droits des personnes handicapées adoptée par la 61e session de l’Assemblée générale de l’O.N.U. le 13 décembre 2006. Cette Convention prévoit, en son article 24, des engagements des Etats parties en ce qui concerne le droit des personnes handicapées à l’éducation, le droit devant être exercé sans discrimination et sur la base de l’égalité des chances. Les possibilités d’éducation que les Etats parties doivent assurer doivent permettre l’insertion scolaire à tous les niveaux et favoriser le plein épanouissement des personnes handicapées, ainsi que leur participation effective à la société. L’article 24, 3, c) contient des mesures spécifiques pour les personnes aveugles, sourdes ou sourdes et aveugles –, soulignant qu’elles s’appliquent en particulier aux enfants, qui doivent recevoir un enseignement dispensé par le biais des modes et moyens de communication qui conviennent le mieux à chacun.


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