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Chômage et cohabitation : rappel des obligations du bénéficiaire d’allocations

Commentaire de C. trav. Mons, 20 juin 2012, R.G. 2011/AM/428

Mis en ligne le vendredi 16 novembre 2012


Cour du travail de Mons, 20 juin 2012, R.G. n° 2011/AM/428

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 20 juin 2012, la Cour du travail de Mons rappelle qu’en cas de cohabitation, la date de constitution du ménage de fait doit être établie par le chômeur et que, à défaut de bonne foi, il ne peut se voir accorder des termes et délais en vue d’apurer l’indu.

Les faits

Un bénéficiaire d’allocations de chômage (ayant la qualité de travailleur ayant charge de famille) fait l’objet d’une audition par la police, suite à un vol à l’étalage commis avec sa compagne. Celle-ci déclare qu’elle vit au domicile de son concubin depuis une année et demie, ce qui est confirmé par l’intéressé.

Celui-ci contestera ultérieurement avoir fait ces déclarations et avoir signé le P.V. d’audition.

Une décision est prise par l’ONEm d’exclusion du droit aux allocations comme travailleur ayant charge de famille, le taux adéquat étant celui d’un travailleur cohabitant. La décision porte sur une période de onze mois. Elle inclut également une récupération et une exclusion pendant une période de treize semaines. Le montant de l’indu est de l’ordre de 6.000€ pour la période.

Le Tribunal du travail de Charleroi confirme la décision administrative, au motif que les déclarations faites à la police par le couple sont concordantes.

Appel est interjeté du jugement.

Position des parties devant la cour

L’intéressé conteste le point de départ de la cohabitation et, en recoupant les déclarations de sa compagne et de lui-même, admet une période de quatre mois. Il demande que la récupération soit limitée à celle-ci et que des termes et délais les plus larges possibles lui soient accordés. Il sollicite également l’application d’un sursis pour la sanction d’exclusion, vu la précarité de sa situation. A titre subsidiaire, il sollicite une diminution de la sanction.

Quant à l’ONEm, il demande à la cour de confirmer le jugement dans toutes ses dispositions, constatant, en ce qui concerne la date de départ de la cohabitation, que l’intéressé n’établit pas qu’elle serait plus brève que celle indiquée par sa compagne.

En ce qui concerne la sanction, l’ONEm la considère adéquate vu la durée de la situation infractionnelle.

Décision de la cour

La cour va reprendre les principes régissant le droit de la preuve en cas de cohabitation. Elle se livre à un rappel très fouillé des règles telles que dégagées par la Cour de cassation dans ses deux arrêts de principe du 14 septembre 1998 (publiés tous deux au J.T.T. 1998, l’un p.441 et l’autre p.443). Rappelant la doctrine (ROULIVE, D., « Evolution récente de la jurisprudence en matière de chômage – Examen des arrêts principaux rendus par la Cour de cassation, la Cour de justice des Communautés Européennes et la Cour d’arbitrage de 1998 à 2003 », J.T.T. 2004, p. 150), la cour signale qu’il faut se reporter à la situation décrite sur le formulaire remis à l’organisme de paiement mais que, si l’ONEm établit que cette déclaration est inexacte, étant que soit le chômeur réside avec une autre personne dont la présence sous son toit n’a pas été déclarée, soit qu’il ne réside pas à l’adresse indiquée, c’est à lui d’établir que malgré les apparences il se trouve dans une situation permettant d’obtenir l’allocation majorée.

Ce mécanisme va dès lors répartir la charge de la preuve entre l’ONEm et le chômeur, étant que (i) le montant des allocations est déterminé sur la base de la déclaration de la situation familiale faite par lui, (ii) si l’ONEm conteste le taux, il lui appartient d’établir la situation exacte et (iii) s’il est avéré que la déclaration du chômeur est inexacte, la charge de la preuve est renversée : c’est à lui d’établir qu’il se trouve dans une situation lui permettant de bénéficier de l’allocation majorée.

La cour va alors reprendre la définition de la cohabitation et constater que, selon le document C1, le chômeur a déclaré vivre avec ses quatre filles mineures et son père pensionné, éléments qui se sont avérés inexacts, vu les faits examinés par la police suite au vol à l’étalage. Le débat devant la cour du travail a été focalisé sur la date de prise de cours de la cohabitation non déclarée et, dans l’examen de cet élément, la cour rappelle encore que la loi n’exclut aucun mode légal de preuve, l’intéressé pouvant également recourir à la preuve par présomption au sens des articles 1349 à 1353 du Code civil, étant les présomptions de l’homme. La cour va cependant constater qu’il reste en défaut d’apporter le moindre élément de preuve relatif à une mise en ménage à une date autre que celle avancée par sa compagne dans son audition et, le couple ayant eu un enfant dans le cours de la même année, il peut être déduit avec un haut degré de certitude que le couple était déjà constitué au moment de la naissance de celui-ci. Il y a dès lors des présomptions graves, précises et concordantes selon lesquelles c’est la déclaration de la compagne qui correspond à la réalité et c’est celle-ci qui est dès lors privilégiée.

La cour va encore conclure à la mauvaise foi de l’intéressé et en tirer comme conclusion qu’il ne peut bénéficier de termes et délais. Enfin, vu que la période infractionnelle est particulièrement longue, la cour considère que la sanction est adéquate.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle les règles en matière de cohabitation, ainsi que le partage de la preuve entre l’ONEm et le chômeur, tout en soulignant que, dans un premier temps, le montant des allocations est déterminé sur la base de la déclaration de la situation familiale effectuée par celui-ci dans son document C1.


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