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Allocation pour l’aide aux personnes âgées : conditions et mode de calcul

Commentaire de C. trav. Liège, 10 septembre 2012, R.G. 2012/AL/232

Mis en ligne le jeudi 29 novembre 2012


Cour du travail de Liège, 10 septembre 2012, R.G. n° 2012/AL/232

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 10 septembre 2012, la Cour du travail de Liège examine les conditions d’octroi de l’allocation pour l’aide aux personnes âgées, tant en ce qui concerne les effets du choix opéré en faveur de cette allocation – alors qu’elle sera retirée très peu après – que son mode de calcul en cas de cession de biens immeubles à titre gratuit ou onéreux.

Les faits

Un bénéficiaire d’une allocation d’intégration fait l’objet d’une décision de révision suite au décès de son épouse en octobre 2006. Il perçoit, dans le cadre de la succession, l’intégralité de l’usufruit de celle-ci. Il introduit une demande d’aide aux personnes âgées, et ce sur conseil du Service des allocations aux personnes âgées, vu l’aggravation de sa perte d’autonomie. Il cède, ensuite, un terrain à un membre de sa famille et vend deux maisons.

Une première décision datée du 25 août 2008 lui accorde une allocation pour APA de 2e catégorie. Il s’agit d’un montant de l’ordre de 3.200€ par an avec effet au 1er mars 2007. Cette allocation est supérieure à celle antérieurement perçue et cette dernière est dès lors supprimée.

Il est également décidé, le même jour, de réduire cette allocation à partir du 1er juin 2007, celle-ci étant ramenée à un montant de l’ordre de 600€, et ce vu la prise en compte de trois cessions à titre onéreux.

Tout octroi est supprimé à partir du 1er juillet 2007 à la suite d’une nouvelle cession et la suppression est encore confirmée à partir de deux dates ultérieures, malgré la prise en compte de la majoration des abattements sur les revenus.

Un recours est introduit par l’intéressé, qui fait valoir que lorsque les allocations lui ont été octroyées (premier octroi), les immeubles en cause faisaient déjà partie de son patrimoine.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 23 mars 2012, le Tribunal du travail de Huy considère, en ce qui concerne les revenus, qu’il n’y a pas lieu de tenir compte d’une cession intervenue en 1999 (le bien cédé appartenant à l’épouse et aux enfants et l’épouse étant décédée à la date de prise de cours de l’allocation) mais non les trois autres cessions, pour lesquelles il y a lieu d’admettre certaines factures (étant celles correspondant à des dettes personnelles apurées à l’aide du profit de la cession) mais non d’autres, plus éloignées.

Position de parties en appel

Le Service interjette appel du jugement au motif que le paiement de certaines factures n’est pas établi et que d’autres ne constitueraient pas une dette personnelle mais une dette de la succession.

Quant à l’intéressé, il plaide qu’il s’agit de factures exigibles à l’époque. Il demande la prise en compte d’autres, écartées par le tribunal.

Décision de la cour du travail

La cour examine, dans un premier temps, les conditions de passage de l’allocation d’intégration à l’allocation pour l’aide aux personnes âgées. Il s’agit des articles 2, 5, 16, 17 et 23 de la loi du 27 février 1987 relative aux allocations aux personnes handicapées, articles que la cour reprend intégralement. Si, à l’âge de 65 ans, le droit à l’ARR et l’AI ne s’éteint pas, le calcul de l’AI reste cliché à ce moment, de telle sorte qu’un octroi ou une aggravation ne peut être accordé après cet âge.

Il faut dès lors admettre que l’intéressé conserve le degré de perte de capacité de gain ou d’autonomie qui lui était reconnu avant cet âge. Il y a cependant lieu de comparer les allocations qu’il percevrait dans le cadre de l’ARR et de l’AI ou dans celui de l’APA, cette dernière prenant cours à l’âge de 65 ans. C’est la plus avantageuse qui doit être allouée, pour autant que les premières soient payables avant que cet âge ne soit atteint. La cour précise que si, dans le cas contraire, il n’y a pas d’octroi avant l’âge de 65 ans c’est uniquement le droit à l’APA qui est examiné.

En l’espèce, l’intéressé espérait une majoration des allocations perçues et la cour constate que celle-ci n’a été accordée que pendant trois mois, pour être ramenée, très rapidement à un montant bien inférieur à l’octroi antérieur, et ce avant d’être supprimée totalement. Se pose, dès lors, la question de savoir si l’intéressé ne reste pas libre d’opter de refuser le passage à l’APA, vu qu’il remplit les conditions légales. Constatant que le droit à l’allocation d’intégration existait encore lorsqu’il a atteint l’âge de 65 ans, la cour demande aux parties de réexaminer la question, et ce dans le cadre d’une réouverture des débats, qu’elle ordonne.

Mais c’est essentiellement sur le calcul de l’allocation aux personnes âgées que la cour va se pencher, vu les cessions intervenues. Elle rappelle qu’en vertu de l’arrêté royal du 5 mars 1990 relatif à l’allocation pour l’aide aux personnes âgées, il doit y avoir enquête sur les revenus et que des dispositions particulières doivent être appliquées en cas de cession de biens immeubles, que ce soit à titre gratuit ou onéreux. Contrairement au calcul effectué lors de l’octroi d’une allocation d’intégration, où sont pris en compte les revenus taxés par l’administration fiscale aux cours des années précédant celui-ci, dans l’hypothèse de l’octroi d’une APA il faut tenir compte des revenus réels à la date de l’octroi. En cas de cession de biens immeubles, ceux-ci interviennent également, que la cession ait été effectuée par la personne handicapée ou par celle avec qui elle forme un ménage.

La cour procède ensuite à l’examen de la valeur vénale des biens cédés. Elle renvoie à diverses décisions de jurisprudence, ainsi qu’à la doctrine sur la question, en ce qui concerne l’hypothèse d’une donation effectuée par deux conjoints, dans le cas où le conjoint de la personne handicapée décède avant la demande d’octroi des allocations. Elle précise que dans un arrêt du 22 février 1999 (Cass., 22 février 1999, Bull., 1999, p. 246) la Cour suprême a considéré qu’il ne faut pas tenir compte de l’intégralité de la valeur du bien mais uniquement de la moitié.

Elle examine ensuite le sort des dettes et abattements, étant que trois conditions sont nécessaires mais suffisantes pour la déductibilité : les dettes doivent être (i) personnelles, (ii) antérieures à la cession et (iii) éteintes à l’aide du produit de la cession. Elle va dès lors examiner les dettes vantées, rappelant qu’une dette devrait être considérée comme antérieure même si elle n’était pas exigible à la date de la cession, dans la mesure où elle a été contractée avant elle. Il en va ainsi d’une dette consistant dans les frais de médiation pour la cession d’un bien immobilier à titre onéreux. Celle-ci peut être déduite de la valeur vénale du bien cédé. Il en va de même de la facture de l’agent immobilier, même si elle a été réglée avant la vente. Par contre, Il n’en va pas de même d’une radiation d’une inscription hypothécaire, qui n’est pas antérieure à la cession même si elle fait partie de la vente du bien.

La cour va dès lors examiner les factures soumises et vérifier si la dette a été réglée après la cession. Il s’agit en l’espèce de frais de l’agence immobilière qui a permis la vente ainsi que d’une facture de pompes funèbres. La cour constate enfin à propos d’une autre facture qu’étant libellée au nom de l’intimé, il ne peut s’agir d’une facture de la succession mais d’une dette personnelle.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Liège pose une question intéressante, étant de savoir si une personne handicapée bénéficiant d’un octroi peut voir celui-ci maintenu même si temporairement un autre régime est plus avantageux. C’est dès lors l’absence de caractère définitif du nouvel octroi qui est en cause. Le droit à percevoir l’allocation la plus élevée est en effet tenu en échec dans l’hypothèse où le choix a été exercé (en faveur de l’APA) et où l’allocation n’est allouée que pour peu de temps pour – comme en l’espèce – être rapidement supprimée. La cour rappelle en effet à cet égard qu’en vertu de l’article 5 de la loi le droit à l’allocation de remplacement de revenus ou à l’allocation d’intégration continue à exister après l’âge de 65 ans pour autant qu’il reste payable sans interruption.

Affaire à suivre donc …


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