Terralaboris asbl

Centre organisant des camps de vacances, classes vertes, … : commission paritaire compétente pour les conditions de travail et de rémunération du personnel

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 5 septembre 2012, R.G. 2010/AB/1.064

Mis en ligne le mercredi 5 décembre 2012


Cour du travail de Bruxelles, 5 septembre 2012, R.G. n° 2010/AB/1.064

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 5 septembre 2012, la Cour du travail de Bruxelles, statuant après cassation, rappelle que les conditions d’application de l’arrêté royal du 4 octobre 1974 instituant la commission paritaire n° 302 de l’industrie hôtelière font une référence générale à la prestation de services (hôteliers ou restauration) contre paiement. Dès lors que cet élément est accessoire, la commission paritaire ne peut être la 302.

Les faits

Un couple de particuliers crée un projet éducatif en 1985, dans une commune de la province de Namur. Ce projet se développe et organise toute une série d’activités à destination des enfants (classes vertes, classes de cirque, …).

Occupant du personnel, l’employeur affilie celui-ci à la CP n° 100 (pour les ouvriers) et à la CP n° 218 (pour les employés)

Suite à une enquête de l’ONSS, relative à la nature précise de l’activité, un rapport est rédigé, concluant à l’appartenance à la CP n° 302 de l’industrie hôtelière pour l’activité « organisation de classes vertes ». Suite à la contestation de l’intéressé, qui soutenait que son activité principale était de nature culturelle et artistique et n’avait rien à voir avec l’industrie hôtelière, un avis est demandé au SPF Emploi et Travail, qui confirme le rapport de l’inspecteur social. En conséquence, l’ONSS établit un avis rectificatif de cotisations. Après avoir payé à titre conservatoire, l’intéressé introduit une action devant le Tribunal du travail de Marche-en Famenne.

Par la suite, le projet est agréé en tant que Centre de rencontre et d’hébergement et relève du secteur socioculturel dépendant de la Communauté française (CP n° 329.02).

La procédure

Le tribunal du travail confirme la thèse de l’ONSS par jugement du 9 janvier 2003. Ce jugement est confirmé par un arrêt de la Cour du travail de Liège (section de Neufchâteau) du 14 décembre 2005, arrêt cassé par arrêt de la Cour de cassation du 14 mai 2007.

Décision de la cour du travail

La cour du travail rappelle qu’il y a lieu de tenir compte, pour la solution du litige, à la fois du jugement rendu par le Tribunal du travail de Marche-en-Famenne, de l’arrêt de la Cour de cassation du 14 mai 2007 et de l’article 1er de l’arrêté royal du 4 octobre 1974 instituant la commission paritaire n° 302 sur l’industrie hôtelière.

Le tribunal du travail avait relevé que l’activité principale à laquelle le personnel était affecté était, malgré l’organisation de classes à thèmes et d’hébergement dans ce cadre, des fonctions relevant de « la cuisine, l’entretien et l’éducation ». Le tribunal du travail avait relevé qu’à l’époque une seule personne était concernée et que toute considération autre que réglementaire (même importante sur le plan humain) était sans pertinence.

Dans son arrêt du 14 septembre 2007, la Cour de cassation a rappelé que le ressort d’une commission paritaire est en règle déterminé par l’activité principale de l’entreprise sauf critères autres dans l’arrêté d’institution. Dans le cadre de l’industrie hôtelière, il n’y a pas de critères déterminant le ressort de la commission paritaire. En conséquence, pour la Cour suprême, le juge du fond n’a pas en l’espèce légalement justifié sa décision selon laquelle l’entreprise dépend de celle-ci.

La cour examine ensuite l’article 1er de l’Arrêté royal du 4 octobre 1974, qu’elle reproduit in extenso, étant la disposition énumérant les exploitations admises comme dépendant de l’Horeca (hôtels, restaurants et débits de boissons).

Elle va reprendre ensuite les principes relatifs à la détermination de la commission paritaire compétente, étant qu’il y a lieu de rechercher l’activité principale de l’entreprise et que pour avoir cette qualité, il faut d’abord occuper du personnel et celui-ci doit en outre être affecté à cette activité.

Elle recherche dès lors l’activité principale de l’ASBL et constate qu’elle a toujours été présentée comme une entreprise d’animation culturelle et artistique. Diverses personnes étant affectées à des tâches éducatives et d’animation, la cour renvoie à l’arrêt de la Cour suprême du 14 mai 2007, rappelant que le fait que certains des contrats en cours soient limités dans le temps n’a pas pour conséquence de faire de l’activité en cause une activité non permanente, contrairement aux tâches qui seraient exercées par des personnes sous contrat à durée indéterminée. L’activité principale de l’entreprise ne dépend nullement de la nature des contrats de travail.

Elle examine dès lors les fonctions des divers membres du personnel pour conclure que plusieurs personnes salariées étaient affectées à des tâches relevant de l’activité principale de l’ASBL. En outre, la cour relève que l’activité déployée ne correspond pas à la définition de l’article 1er de l’arrêté royal du 4 octobre 1974. Elle s’appuie sur la gratuité offerte à de nombreux participants envoyés par des organisations actives dans le secteur de la précarité (ATD quart-monde, maisons médicales, etc.), constatant également que les animateurs, accompagnateurs ou professeurs (classes vertes) ne payaient pas leur séjour et que la gratuité des services ne pouvait dès lors correspondre au concept d’hôtel, qui suppose un paiement.

Se fondant en outre sur le rôle actif des enfants dans la vie quotidienne (participation à des nombreuses activités), la cour conclut que, ce qui est hébergement, dans les conditions qu’elle a constatées, est l’accessoire de l’organisation des stages, classes vertes ou autres camps et s’apparente davantage à des « camps scouts ou de louveteaux », étant très éloignés de l’énumération de l’article 1er de l’arrêté royal. S’agissant d’un accessoire obligé des activités figurant dans le projet éducatif, il n’y a pas d’activité dépendant de l’industrie hôtelière. La cour reforme dès lors le jugement et condamne l’ONSS à rembourser le montant versé par l’ASBL.

Intérêt de la décision

La détermination par l’administration de la commission paritaire compétente est certes une conclusion surprenante, vu l’ensemble de l’activité déployée, qui est manifestement peu conforme à la notion de services hôteliers.

La Cour de cassation a eu, à l’occasion de cette affaire, l’occasion de rappeler que l’arrêté royal du 4 octobre 1974 instituant la commission paritaire de l’industrie hôtelière ne prévoit pas de critères déterminant son ressort. Il appartient dès lors de vérifier si l’on se trouve dans l’une des hypothèses énumérées à l’article 1er. L’on constate – et cet arrêt le confirme – que le critère régulier (quel que soit le type de service rendu dans le secteur Horeca), est celui du service rendu contre paiement. Ce critère était fondamentalement non déterminant en l’espèce.


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