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Admissibilité aux allocations de chômage : dispense de permis de travail pour les parents d’enfants belges

Commentaire de Trib. trav. Bruxelles, 5 juillet 2012, R.G. 10/15.551/A et 11/6.870/A

Mis en ligne le mardi 11 décembre 2012


Tribunal du travail de Bruxelles, 5 juillet 2012, R.G. n° 10/15.551/A et 11/6.870/A

Terra Laboris asbl

Dans un jugement du 5 juillet 2012, le Tribunal du travail de Bruxelles rappelle qu’en application de la jurisprudence RUIZ ZAMBRANO de la Cour de Justice de l’Union européenne, les parents étrangers (non européens) d’enfants belges sont dispensés de l’obligation d’être couverts par un permis de travail pour les journées comptant pour le stage d’admissibilité.

Les faits

Un couple non européen est installé en Belgique depuis le début des années 2000. Il a ensuite deux enfants, de nationalité belge. En conséquence, il fait une demande d’établissement sur la base de la nationalité belge de leurs enfants et se voit délivrer une attestation d’immatriculation.

La demande d’établissement, refusée, fait l’objet d’un recours devant le Conseil d’Etat et la mère (demanderesse dans la procédure devant le tribunal du travail) est sous annexe 35. En 2010, elle bénéficie enfin d’une autorisation de séjour à durée illimitée, sur la base des articles 9 et 13 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers. Elle est alors titulaire d’une carte B (CIRE). Entretemps, elle a exercé une activité professionnelle à temps partiel, dans le cadre des titres-services et a sollicité le bénéfice des allocations de chômage temporaire, demande qui a fait l’objet d’un refus.

En 2011, elle demande les allocations de chômage complet suite à la fin de son contrat. Celui-ci a en effet été résilié au motif que la situation de séjour n’était pas régulière et que celle-ci constituerait une infraction, entraînant pour l’employeur l’obligation de mettre un terme au contrat de travail sans préavis ni indemnités ( !).

Un recours est introduit par l’intéressée contre deux décisions prises par ACTIRIS (refus d’inscription comme demandeuse d’emploi) et contre l’ONEm (non admissibilité).

Décision du tribunal du travail

Le tribunal constate que ACTIRIS a refusé d’inscrire l’intéressée comme demandeuse d’emploi vu l’absence de permis de travail. Pour le tribunal, ce refus d’inscription n’est pas justifié, au motif que l’intéressé était dispensée d’obtenir un permis de travail, notamment eu égard au fait que, étant mère de deux enfants belges nés en 2003 et 2004, elle pouvait faire valoir son droit de circulation et de séjour sur le territoire des Etats membres (en application de l’article 23 de la Directive 2004/38/CE du 29vril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, lu en combinaison avec l’arrêt ZHU et CHEN de la Cour de Justice des Communautés européennes du 19 octobre 2004).

Par ailleurs, étant en possession d’une attestation d’immatriculation et, ensuite d’une carte B (CIRE) l’autorisant au séjour illimité, elle disposait d’un document d’identité valable lors de sa demande d’inscription auprès d’ACTIRIS.

Ce dernier ne pouvait davantage lui faire grief de ne pas avoir un permis de travail et le tribunal constate d’ailleurs que, depuis l’arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes RUIZ ZAMBRANO du 8 mars 2011, ACTIRIS a d’ailleurs modifié sa position dans ce type de situation, puisqu’il inscrit actuellement les personnes non européennes qui ont des enfants belges / européens.

La Cour de Justice a en effet précisé dans cet arrêt, sur la base de l’article 20 TFUE, qu’un Etat membre ne peut refuser à un ressortissant d’un Etat tiers qui assume la charge de ses enfants en bas âge, citoyens de l’Union, le séjour dans l’Etat membre de résidence de ces derniers et dont ils ont la nationalité. Il ne peut davantage refuser à celui-ci un permis de travail dans la mesure où de telles décisions priveraient les enfants de la jouissance effective de l’essentiel des droits attachés au statut de citoyen de l’Union.

Le tribunal rappelle in extenso cette conclusion de la Cour de Justice.

Il s’en déduit que, étant l’auteur d’enfants belges, la demanderesse était dispensée d’obtenir un permis de travail.

Le tribunal examine ensuite le fondement du recours à l’égard de l’ONEm et rappelle les conditions d’admissibilité au chômage, dans l’hypothèse d’un temps plein ou d’un temps partiel. A celles-ci, s’en ajoute une autre, concernant les travailleurs étrangers, étant qu’ils doivent satisfaire à la législation relative aux étrangers et à celle relative à l’occupation de main d’œuvre étrangère. La réglementation chômage considère en effet que le travail effectué en Belgique n’est pas pris en considération s’il n’a pas été effectué conformément à la législation relative à l’occupation de main-d’œuvre étrangère. L’examen des conditions d’admissibilité impose dès lors, dans le cas de travailleurs étrangers, d’examiner ces conditions sauf s’ils sont dispensés du permis de travail.

Le tribunal énumère, ensuite, les catégories d’étrangers visées, telles que reprises à l’article 2 de l’arrêté royal du 9 juin 1999, parmi lesquelles sont repris les ascendants d’un ressortissant de l’Etat membre de l’Espace Economique Européen.

Le tribunal constate dès lors que, le nombre de journées de travail accomplies étant suffisant, se pose uniquement la question du permis de travail, qui a amené l’ONEm à refuser l’admission au bénéfice des allocations de chômage comme travailleuse à temps partiel volontaire au motif qu’elle ne disposait pas d’un permis de travail pendant son occupation. Ici également, référence étant faite à l’arrêt RUIZ ZAMBRANO de la C.J.U.E., il n’y a plus matière à litige, l’ONEm se référant à justice.

Le tribunal conclut dès lors que, étant auteur d’enfants belges et ayant accompli des prestations de travail sous couvert d’une annexe 35, l’intéressée, qui aurait dû avoir un permis de travail, en était dispensée du fait de sa qualité d’auteur d’enfants belges et qu’elle est donc admissible aux allocations.

Intérêt de la décision

Cette décision du tribunal du Travail de Bruxelles est emblématique du tournant intervenu dans les règles applicables à ce type de situation.

Lorsque la décision a été prise par ACTIRIS et par l’ONEm, était applicable la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 25 février 2009, R.G. n° P.08.1671.F), selon laquelle la dispense de l’obligation d’obtenir un permis de travail accordée aux ascendants, à charge d’un ressortissant belge (ou de son conjoint) et installés avec lui, concerne l’ascendant étranger se trouvant à charge d’un ressortissant belge et non l’étranger qui a la charge en Belgique d’enfants nés sur le territoire du Royaume dont ils ont acquis la nationalité pour éviter l’apatridie.

L’arrêt de la Cour de Justice RUIZ ZAMBRANO du 8 mars 2011 a diamétralement modifié les principes.


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