Terralaboris asbl

Cotisations de sécurité sociale : imputation des paiements

Commentaire de C. trav. Mons, 13 septembre 2012, R.G. 2012/AM/26

Mis en ligne le mardi 18 décembre 2012


Cour du travail de Mons, 13 septembre 2012, R.G. n° 2011/AM/26

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 13 septembre 2012, la Cour du travail de Mons examine dans une affaire complexe ayant donné lieu à de nombreuses procédures en paiement de cotisations d’une part les règles d’imputation des paiements et d’autre part les conditions d’examen par le juge d’une demande de réduction.

Les faits

L’ONSS poursuit le paiement de cotisations sociales, dues vu le résultat d’un contrôle mené par le Comité supérieur de contrôle suite à une dénonciation anonyme relative à diverses irrégularités en matière sociale au sein d’une société. Il s’agissait essentiellement de recours à du travail non déclaré et de fraude au chiffre d’affaires. Le dossier fait l’objet d’une information pénale mais l’action publique sera déclarée éteinte par prescription par ordonnance de la Chambre du conseil de Tournai.

Au fil des ans, les dettes de cotisations s’accumulent et diverses procédures sont lancées.

La société interjette appel de plusieurs décisions devant la Cour du travail de Mons.

Décision de la cour du travail

La cour constate que pour certaines procédures la société fait valoir que les procès-verbaux de l’inspection sociale ne lui ont pas été notifiés conformément à l’article 9 de la loi du 16 novembre 1972 et qu’ils sont uniquement destinés à constater les infractions pénales, ne faisant foi jusqu’à preuve du contraire que dans l’intérêt de l’action publique et de l’action en réparation du dommage causé par les infractions constatées. La cour du travail précise sur cette question que d’une part la société n’a pas la qualité de « contrevenant » au sens légal et que de l’autre, si ces procès-verbaux ne font foi jusqu’à preuve du contraire que dans l’intérêt ci-dessus exposé, ils peuvent néanmoins être retenus au titre de simples renseignements dans un litige civil, et ce sur la base des articles 22 et 22bis de la loi du 27 juin 1969. Ils peuvent dès lors permettre au juge d’asseoir sa conviction.

La société, qui a effectué certains paiements, fait une demande de remboursement (ou de compensation) de ceux-ci, qui ont été imputés sur des dettes prescrites. La cour est ainsi amenée à rappeler les règles en matière d’imputation des paiements, étant que les dispositions du Code civil (articles 1253, 1254 et 1256) sont supplétives. Les parties peuvent dès lors conventionnellement décider de la manière dont l’imputation interviendra et ce n’est qu’à défaut d’un tel accord que, s’il y a plusieurs dettes à régler, le débiteur peut déclarer, lorsqu’il paie, quelle dette il entend acquitter (article 1253). Le paiement doit s’imputer sur les intérêts par priorité au capital (article 1254) et en cas d’absence d’imputation sur la quittance, il est imputé sur la dette que le débiteur avait le plus d’intérêt à acquitter. Si celles-ci sont d’égale nature, l’imputation se fait sur la dette la plus ancienne (article 1256).

Examinant les paiements effectués, la cour constate d’abord l’absence de mention d’une imputation sur les extraits de compte et admet que l’ONSS pouvait imputer les versements sur les intérêts des cotisations les plus anciennes.

Pour d’autres procédures, la société fait encore valoir que l’ONSS n’a pas respecté le contrat d’administration approuvé par arrêté royal du 19 juillet 2006 en s’abstenant de lui adresser un rappel avant de l’assigner. La cour rappelle ici que l’objectif poursuivi par le contrat d’administration est d’améliorer l’efficacité de la gestion des institutions de sécurité sociale (responsabilisation accrue et obligation de rendre compte de leur performance). Ces règles de conduite visent dès lors la performance de l’action de l’administration et ne créent pas de droit ou d’obligation dans le chef des tiers. En tout état de cause, la cour conclut qu’il ne se conçoit pas qu’une demande soit non fondée du fait de l’absence de mise en demeure avant citation.

Enfin, la cour examine une demande formée par la société par voie de conclusions, relative à la remise des majorations et intérêts. Celle-ci fait valoir que pendant plusieurs années, l’ONSS a eu une attitude fautive, n’apportant aucun élément neuf au dossier, ayant commis des erreurs d’imputation, etc.

La cour constate qu’il ne s’agit pas, par une telle demande, de solliciter la suspension du cours des intérêts judiciaires, mesure dont elle rappelle qu’elle peut dans certains cas réparer le préjudice découlant de l’accumulation des intérêts en cas de durée anormale d’une procédure due à la faute d’une partie (inertie) mais qu’il s’agit d’une demande visant à obtenir la remise de la totalité des majorations et intérêts.

Les majorations, intérêts de retard (ou indemnité forfaitaire) peuvent faire l’objet d’une réduction, et ce en vertu de l’article 55, § 2 de l’arrêté royal du 28 novembre 1969. La cour rappelle que, en cas de refus de réduction par l’ONSS et de contestation de ce refus par un employeur, il y a une contestation relevant de la compétence matérielle des juridictions du travail visée à l’article 580, 1° du Code judiciaire. La circonstance que la décision contestée relève du pouvoir discrétionnaire d’appréciation de l’Office n’affecte ni l’attribution de la contestation aux cours et tribunaux ni la compétence du tribunal du travail au sein de ceux-ci. L’étendue du contrôle du juge est, en outre, étrangère à la détermination de sa compétence. Elle renvoie ici à un arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 2011 (Cass., 30 mai 2011, Chron. D.S., 2011, p. 321). Elle constate cependant qu’aucune demande de renonciation de tout ou partie des majorations et intérêts n’a été introduite auprès de l’administration et que, à défaut de préalable administratif, la cour ne peut connaître de la demande.

Intérêt de la décision

Diverses questions sont abordées par cet arrêt, manifestement rendu aux termes d’une longue saga judiciaire. Outre que la cour y reprend les règles en matière d’imputabilité des paiements (règles dont elle souligne le caractère supplétif), elle rappelle qu’une demande de réduction des majorations et intérêts doit faire l’objet d’un préalable administratif et qu’à défaut de celui-ci les juridictions du travail ne peuvent connaître de la demande.


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