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CPAS : examen de la disposition au travail, condition d’octroi du revenu d’intégration sociale

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 17 avril 2012, R.G. 2011/AN/97

Mis en ligne le mardi 18 décembre 2012


Cour du travail de Liège, section Namur, 17 avril 2012, R.G. n° 2011/AN/97

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 17 avril 2012, la Cour du travail de Liège, Section Namur, rappelle la distinction opérée dans la loi du 26 mai 2002 entre les jeunes de moins de 25 ans et ceux ayant atteint cet âge, ainsi que les obligations dans le cadre des stages préalables à la mise au travail.

Les faits

Un étranger d’origine tchétchène est pris en charge par le CPAS, qui lui propose diverses modalités d’insertion. Suite à quelques tentatives avortées, il est dirigé vers des cours de français, suite à quoi un stage préalable à l’article 60 (chauffeur) lui est proposé au sein d’une asbl. Suite à diverses difficultés (appuyées par certificat médical), il est réentendu par le comité spécial et y fait des réserves quant aux fonctions qu’il peut assumer, déclarant notamment des allergies. Le CPAS lui retire le revenu d’intégration le 29 mars 2011 vu l’absence de disposition au travail. Lui est reproché le fait de ne pas avoir maintenu une démarche d’insertion professionnelle.

Un recours est introduit et le Tribunal du travail de Namur le rejette par jugement du 10 juin 2011. Il considère que l’intéressé a manifesté sa non-disposition au travail sans aucun motif légitime.

Décision de la cour du travail

La cour reprend longuement les dispositions pertinentes de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale, et notamment la différence entre les bénéficiaires de moins de 25 ans et ceux à partir de cet âge.

Elle rappelle que pour des personnes âgées de moins de 25 ans, il y a une condition d’octroi spécifique au bénéfice du revenu d’intégration (situation qui touche également les jeunes scolarisés suivant des études de plein exercice), étant qu’ils doivent conclure une convention contenant un projet individualisé d’intégration sociale. Ce projet est obligatoire lorsqu’il mène dans une période déterminée à un contrat de travail, mais uniquement pour cette catégorie de personnes. La cour rappelle l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 14 janvier 2004 (C. Const., 14 janvier 2004, arrêt n° 5/2004), selon lequel l’exclusion sociale des jeunes a pu être considérée par le législateur comme un problème qu’il faut s’attacher à résoudre en priorité et qu’il peut y avoir une différence de traitement justifiée dans le système mis en place, qui invite les CPAS à mobiliser leurs efforts en matière d’intégration sociale en faveur des plus jeunes. Pour la Cour constitutionnelle le critère de l’âge est à cet égard objectif et pertinent.

Le jeune ayant 25 ans et plus peut être mis au travail par le biais préalable d’un stage qui ne va dès lors pas requérir la conclusion d’un projet individualisé. La cour souligne cependant qu’il peut se révéler utile.

La mise au travail va ainsi pouvoir se faire dans le cadre de l’article 60, §7 (engagement par le CPAS ou mise à disposition d’un utilisateur dans le cadre d’un stage préalable à une mise à l’emploi et conclusion ultérieure d’un contrat), ou dans celui de l’article 61 (possibilité de collaboration notamment avec des entreprises privées). La cour examine les conditions de cette mise à l’emploi sur le plan de la fonction et relève que celle-ci, lorsqu’il ne s’agit encore que d’un projet menant à terme à un contrat, ne peut être considérée comme étant un élément essentiel intangible, dont la modification entraînerait un acte équipollent à rupture. Pour la cour il faut tenir compte de la finalité du contrat, qui est de permettre au travailleur de bénéficier au terme de cette occupation des prestations sociales et d’être réinséré sur le marché. Le but essentiel est la remise au travail et non l’accomplissement de tâches bien déterminées dans le cadre d’une fonction précise. Ceci n’implique cependant pas que la fonction ne doive pas être adaptée à la situation de l’intéressé (capacités professionnelles et physiques). Par ailleurs, le refus d’emploi ne peut être opposé que pour des raisons médicales ou d’équité.

En cas de non respect du contrat le revenu d’intégration peut être retiré.

La cour rappelle encore qu’il faut distinguer le non respect des conditions d’octroi de celui d’obligations contenues dans le contrat (situation qui peut entraîner une sanction administrative de suspension temporaire – article 30 de la loi). La question de savoir si l’intéressé remplit les conditions d’octroi peut être examinée par les juridictions du travail, celles-ci ne pouvant par contre ordonner une suspension temporaire du droit (la cour rappelant plusieurs arrêts, notamment C. trav. Liège, sect. Namur, 23 août 2011, R.G. n° 2010/AN/191).

En cas de perte du revenu d’intégration sociale au motif de non-disposition au travail, le droit peut être récupéré ultérieurement si l’intéressé établit avoir entrepris des efforts ou s’il se trouve, selon la cour, dans « un meilleur état d’esprit » envers une mise au travail.

L’ensemble de ces principes, appliqué au cas d’espèce, amène la cour à considérer que le contrat de stage était adapté au profil de l’intéressé. Il s’agissait d’un travail de chauffeur et celui-ci était titulaire du permis autorisant cette activité. Il souhaitait d’ailleurs travailler dans ce secteur. Etant conforme à ses possibilités, ce travail ne pouvait être considéré comme inadapté du fait de contraintes accessoires (il lui fut ainsi demandé d’effectuer exceptionnellement un autre travail). Cependant, ses réticences pourraient s’expliquer si les activités proposées étaient incompatibles avec son état de santé.

Il faut dès lors vérifier si l’abandon de stage était ou non justifié. Relevant que la procédure de retrait est régulière (le CPAS ayant auditionné l’intéressé avant de prendre sa décision) et que les autres garanties procédurales liées au projet individualisé ne sont pas applicables, la cour constate encore que la décision n’a pas été limitée dans le temps et qu’elle peut ainsi perdurer aussi longtemps que l’intéressé ne justifiera pas de sa réelle disposition au travail.

Elle va dès lors ordonner une réouverture des débats aux fins d’examiner la compatibilité entre l’état de santé de l’intéressé et l’offre de stage.

Dans l’attente de l’arrêt à intervenir, la cour examine d’office et à titre subsidiaire le droit à une aide sociale et constate que la suppression du revenu d’intégration a entraîné des difficultés financières, et notamment le non paiement du loyer.

Tout en relevant que la perte du revenu d’intégration ne peut cependant être compensée par l’octroi automatique d’une aide sociale équivalente, ce qui reviendrait à déresponsabiliser le bénéficiaire, la cour ordonne ici également la production d’éléments lui permettant de statuer en pleine connaissance de cause.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle, avec force références doctrinales et jurisprudentielles, les diverses formules de mise à l’emploi par les CPAS et leur cadre juridique.


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