Terralaboris asbl

Conditions d’octroi de l’indemnité d’éviction due au représentant de commerce

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 12 septembre 2012, R.G. 2011/AB/303

Mis en ligne le mardi 18 décembre 2012


Cour du travail de Bruxelles, 12 septembre 2012, R.G. n° 2011/AB/303

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 12 septembre 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les conditions d’octroi de l’indemnité d’éviction prévue à l’article 101 de la loi du 3 juillet 1978 en cas de rupture du contrat de travail d’un représentant de commerce.

Les faits

Une société pharmaceutique engage un représentant dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée. Il est licencié quelques mois plus tard moyennant paiement d’une indemnité compensatoire de préavis de trois mois de rémunération.

Surgit un litige dans le cadre duquel se pose notamment la question de savoir si l’intéressé a droit à une indemnité d’éviction, les parties ayant précédemment été liées dans le cadre de contrats d’intérim successifs. Les parties vont également être opposées sur une délicate question de droit à des commissions, n’étant pas d’accord sur le fait que le représentant bénéficiait – ou non - d’une exclusivité.

Décision de la cour du travail

La question des commissions – et partant de l’exclusivité dont bénéficiait le représentant – fait l’objet d’une réouverture des débats, ordonnée par la cour avec une production de documents.

Celle relative à l’indemnité d’éviction est cependant tranchée définitivement. La cour rappelle les termes de l’article 101 de la loi du 3 juillet 1978, qui fixe le droit pour le représentant de commerce à une indemnité d’éviction en cas de rupture du contrat par l’employeur sans motif grave ou par le représentant pour un tel motif. Cette indemnité implique un apport de clientèle. Elle peut n’être pas due si l’employeur établit l’absence de préjudice dans le chef du représentant suite à la rupture du contrat en ce qui concerne celle-ci.

L’octroi de cette indemnité est cependant lié à une condition d’occupation d’un an minimum au service de l’employeur.

En l’espèce, le contrat de travail à durée indéterminée n’a pas eu cette durée mais la question à examiner est celle des contrats d’intérim successifs dans le cadre desquels le représentant a presté pour la période qui immédiatement précédé la conclusion du contrat de travail.

La cour rappelle les termes de l’article 20.2 de la loi du 24 juillet 1987 sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à disposition d’utilisateurs, en vertu duquel l’occupation d’un travailleur intérimaire en violation des conditions légales doit être considérée comme un contrat de travail à durée indéterminée liant directement l’utilisateur et l’intérimaire. Ces conditions, fixées aux articles 21 et 23 de la loi, renvoient à la définition du travail temporaire de l’article 1er, celui-ci déterminant les conditions de remplacement temporaire d’un travailleur de l’entreprise. Le représentant fait en effet valoir qu’il n’a pas été engagé, comme intérimaire, aux fins d’exécuter un travail temporaire au sens de cette disposition. La cour relève que, dans les faits, c’est la société pharmaceutique qui a recherché des délégués et a été intéressée par le profil du demandeur. Elle note également que la société reste en défaut d’établir qui celui-ci aurait remplacé. Les mentions formelles des contrats (conclus avec une société d’intérim) sont dès lors écartées, le remplacement dont question étant inexistant. La cour conclut que la condition d’un an est dès lors remplie, l’addition des périodes d’occupation étant supérieure à cette durée.

La cour examine également s’il y a apport de clientèle, l’article 105 de la loi facilitant cette preuve, en présence d’une clause de non concurrence. Dans cette hypothèse il y a en effet une présomption, certes réfragable, d’apport. En l’espèce, elle n’est nullement renversée par la société et la cour fait dès lors droit à la demande d’indemnité d’éviction.

Reste une question à régler, la rupture étant intervenue avant le 1er juillet 2005. Le demandeur sollicite que les intérêts soient calculés sur les montants nets jusqu’au 30 juin 2005 et sur les montants bruts pour la période suivante. La cour rappelle ici l’arrêt de la Cour de cassation du 17 mars 2008 (Cass., 17 mars 2008, R.G. n° S.07.0015.F), selon lequel l’assiette des intérêts dus est régie par la loi en vigueur au moment où est né le droit au paiement.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles, statuant après une très longue procédure et un détour par la Cour de cassation, rappelle les conditions d’octroi de l’indemnité d’éviction et, en outre, les conditions strictes de la loi du 24 juillet 1987 sur le travail temporaire. Ne peut être considéré comme tel que celui qui vise le remplacement temporaire d’un travailleur dont l’exécution du contrat est suspendue (sauf en cas de manque de travail résultant de causes économiques ou en cas d’intempéries) ou celui d’un travailleur dont le contrat a pris fin. Y a été ajoutée l’hypothèse du remplacement temporaire d’un travailleur qui a réduit ses prestations en application de l’article 102 de la loi de redressement du 22 janvier 1985 pour autant que la modification des conditions de travail n’ait pas été conclue pour une durée indéterminée.


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