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Reclassement professionnel : attention aux délais pour mettre en demeure l’employeur en défaut de respecter ses obligations

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 25 octobre 2012, R.G. 2011/AB/60

Mis en ligne le lundi 14 janvier 2013


Cour du travail de Bruxelles, 25 octobre 2012, R.G. n° 2011/AB/60

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 25 octobre 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle le mécanisme des dispositions en matière de reclassement professionnel : le travailleur licencié doit veiller de manière stricte au respect du délai légal (un mois) fixé par la réglementation pour mettre son employeur en demeure de respecter ses obligations.

Les faits

Suite à son licenciement, un employé arrive au terme de son préavis le 10 mai 2009 et il sollicite le bénéfice des allocations de chômage le lendemain.

En date du 1er juillet 2009, l’employeur est mis en demeure de respecter ses obligations en matière de reclassement professionnel. Le dossier chômage n’étant pas complet, l’ONEm contacte l’organisme de paiement et celui-ci expose que l’intéressé n’a pas encore reçu d’offre de la cellule d’outplacement.

L’ONEm auditionne l’intéressé, ultérieurement et celui-ci expose que la société a été mise en demeure de respecter ses obligations en la matière, tant par le syndicat que par lui-même, séparément.

Malgré ces explications, l’intéressé est exclu pour une période de treize semaines. La motivation de la sanction est l’absence de demande d’outplacement dans un délai de deux mois (sic) à partir de la fin du contrat de travail.

Un recours est introduit contre cette décision.

Décision du tribunal du travail

Le Tribunal du travail de Bruxelles fait droit à la demande de l’intéressé par jugement du 17 décembre 2010 et annule la sanction. Appel est introduit par l’ONEm.

Décision de la cour du travail

La cour reprend les termes de la convention collective de travail n° 82 (CCT n° 82 du 10 juillet 2002 relative au droit au reclassement professionnel pour les travailleurs de 45 ans et plus qui sont licenciés – modifiée par la CCT n° 82bis du 17 juillet 2007). Celle-ci prévoit que le travailleur âgé de 45 ans ou plus au moment du licenciement et qui compte au minimum une ancienneté ininterrompue d’un an auprès de l’employeur a droit à une procédure de reclassement professionnel à charge de celui-ci.

Le texte actuel de l’article 7 de la CCT dispose qu’après la fin du contrat de travail, l’employeur doit faire une offre valable de reclassement professionnel dans un délai de quinze jours. Cette offre doit intervenir d’initiative. A défaut, le travailleur doit adresser une mise en demeure écrite dans le délai d’un mois suivant l’expiration de ce délai.

En ce qui concerne le cas de l’intéressé, son préavis étant terminé le 10 mai 2009, l’offre de reclassement aurait dû intervenir pour le 25 mai au plus tard. Une mise en demeure, devait, en conséquence, être faite dans le délai d’un mois. La cour relève que cette mise en demeure a été faite en dehors de ce délai, puisque datée du 1er juillet 2009.

Il y a dès lors mise en demeure tardive.

Reste ainsi à examiner les conséquences de cette tardivité et la cour se retourne, logiquement, vers les articles 51 et 52bis de l’arrêté royal du 25 novembre 1991. Est en effet visé par l’article 51, § 1er, alinéa 2, 9° dans la notion de « chômage par suite de circonstances dépendant de la volonté du travailleur » le cas du travailleur licencié âgé d’au moins 45 ans qui, en cas d’absence d’offre d’outplacement, n’a pas mis son employeur en demeure par écrit, et ce dans les délais et conformément à la procédure prévue par la convention collective n° 82. La sanction de l’absence de mise en demeure dans le délai figure à l’article 52bis, 7°, étant la possibilité d’une exclusion pendant une période de 4 à 52 semaines, sanction qui peut être remplacée par un avertissement.

En l’occurrence, c’est cet avertissement qui sera retenu par la cour, dans la mesure où le dépassement est de minime importance. La cour relève encore que vu l’absence de réponse de l’employeur à la lettre recommandée de l’organisation syndicale, l’intéressé a pris le soin de faire un courrier lui-même.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle une obligation du travailleur licencié de plus de 45 ans peut être insuffisamment connue. Il n’échappera pas que, à défaut pour l’employeur de faire dans le délai de quinze jours une offre de reclassement professionnel, conforme aux conditions fixées par la CCT n° 82, le travailleur licencié bénéficie d’un délai très court, étant un délai d’un mois (délai commençant à l’expiration du délai de quinze jours donné à l’employeur) pour remplir ses propres obligations. Le dépassement de ce délai est, du fait de la réglementation, sanctionné, le seul tempérament réglementaire étant le remplacement d’une sanction effective par un avertissement.

En l’occurrence la cour souligne les démarches effectuées par le travailleur, directement ou par l’intermédiaire de son organisation syndicale, motivant ainsi sa décision vu le comportement du travailleur.

En ce qui concerne la sanction du non respect par la société de ses obligations, il y a lieu de rappeler l’article 15 de la loi du 5 septembre 2001 visant à améliorer le taux d’emploi des travailleurs. Celui-ci dispose qu’à défaut de respecter ses obligations, l’employeur est tenu de payer une contribution en faveur de l’ONEm. Celle-ci est affectée au reclassement professionnel des travailleurs qui n’ont pas bénéficié de la procédure de reclassement. Le montant de cette contribution est fixé par le Roi. Elle est assimilée à une cotisation de sécurité sociale, notamment en ce qui concerne les délais de paiement, l’application des sanctions civiles et des dispositions pénales, la surveillance, la désignation du juge compétent en cas de litige, la prescription en matière de procédure judiciaire, le privilège et la communication du montant de la déclaration de la créance des institutions chargées de la perception et du recouvrement des cotisations (article 15 de la loi du 5 septembre 2001).

En application de cette disposition, signalons que la Cour du travail de Liège a décidé dans un arrêt du 15 janvier 2010 (C. trav. Liège, 15 janvier 2010, R.G. n° 036.352/2009) que le dossier devait être communiqué à l’auditorat général afin que le ministère public soit saisi des faits susceptibles de constituer une infraction et d’entamer les poursuites qu’il appartiendra. La cour s’est fondée sur l’article 35, § 1er de la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté royal du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs salariés (qui érige en délit passible de sanctions pénales le fait pour l’employeur, ses préposés ou mandataires de ne pas se conformer aux obligations prescrites par la loi et ses arrêtés d’exécution).

Par contre, la cour a décidé que le travailleur ne dispose pas de l’intérêt requis au sens des articles 17 et 18 du Code judiciaire pour postuler à son profit la condamnation de la société aux contributions (et majorations) dont elle serait redevable envers l’ONEm.


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