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Détermination du CPAS compétent en cas de changement de domicile : date de l’installation ou inscription dans les registres ?

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 20 novembre 2012, R.G. 2012/AN/70

Mis en ligne le mardi 22 janvier 2013


Cour du travail de Liège, Section de Namur, 20 novembre 2012, R.G. n° 2012/AN/70

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 20 novembre 2012, la Cour du travail de Liège, Sect. Namur, rappelle la règle en cas de changement de domicile d’une commune vers une autre pour ce qui est de la condition de résidence en matière de revenu d’intégration sociale : est compétent le CPAS de la commune sur le territoire de laquelle se trouve l’intéressé et pour lequel l’indigence a été reconnue.

Les faits

Une Dame K., résidant chez sa mère, conclut un contrat de bail à partir du 1er novembre 2011 pour une nouvelle adresse et est inscrite dans les registres de la commune de son nouveau domicile dès le 21 octobre. Son déménagement s’organise et interviendra le 1er novembre. Le CPAS de la commune où elle s’installe (Floreffe) lui alloue le revenu d’intégration à partir de cette date. L’inscription dans les registres a cependant lieu avant la date réelle du déménagement et de l’installation effective.

Le CPAS de Jemeppe (résidence initiale) prend une décision le 10 janvier 2012, étant la suppression du revenu d’intégration (alloué) à dater du 21 octobre 2011, et ce au motif d’incompétence territoriale.

Un recours est introduit devant le tribunal du travail de Namur.

Décision du tribunal du travail

Pour le tribunal du travail, dans son jugement du 23 mars 2012, c’est la date d’installation qui doit être prise en compte et non celle de l’inscription dans les registres. En outre, à supposer que le CPAS s’estime incompétent, il était tenu de transférer le dossier au CPAS présumé compétent. En conséquence, le tribunal considère que le revenu d’intégration est dû.

Décision de la cour du travail

La cour tranche à la fois la question de la compétence territoriale, celle des conséquences en cas de décision d’incompétence pour ce motif, ainsi que la catégorie de bénéficiaires à appliquer.

En ce qui concerne la compétence territoriale, celle-ci est déterminée par l’article 18 de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale, qui entend par centre compétent celui visé à la loi du 2 avril 1965 relative à la prise en charge de l’aide sociale accordée par les CPAS. Le CPAS secourant est ainsi celui de la commune sur le territoire de laquelle se trouve la personne qui a besoin d’assistance, dont il a reconnu l’état d’indigence et à qui il a fourni des secours. Le CPAS compétent tant pour le revenu d’intégration sociale que pour l’aide sociale est dès lors celui où se trouve la personne et dont le centre a reconnu l’indigence. La cour relève les difficultés induites du terme « se trouve » et conclut qu’il faut voir par là la résidence habituelle. Celle-ci ne peut dès lors être occasionnelle ou accidentelle.

La cour va rappeler, ensuite, les principes en ce qui concerne les règles de preuve et, particulièrement en cas de déménagement, et souligne qu’il faut parfois des solutions de bon sens pour assurer la transition entre les deux résidences. En tout cas, la date d’inscription n’est qu’un élément d’appréciation.

Elle confirme dès lors le jugement en ce qu’il a retenu la situation de fait.

Par ailleurs, à supposer que le CPAS saisi s’estime incompétent, il a l’obligation, en vertu de l’article 18 de la loi du 26 mai 2002, de renvoyer au CPAS compétent, la demande étant validée à la date de l’introduction. La cour rappelle que ceci doit intervenir dans les cinq jours et, à défaut, le centre est débiteur du revenu d’intégration (et non de dommages et intérêts). Et la cour de relever que la Charte de l’assuré social prévoit également des obligations de transmission et d’information. Un dommage spécial peut découler de l’absence de transmission mais il doit se distinguer de la perte du revenu d’intégration et, en l’espèce, l’intéressée ne se prévaut pas d’un tel dommage complémentaire.

Enfin, en ce qui concerne la catégorie de bénéficiaire, la cour rappelle la modification apportée à la loi du 26 mai 2002 (article 14) par l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 14 janvier 2004 (C. Const., 14 janvier 2004, arrêt n° 5/2004), ce qui a amené le législateur à fixer actuellement trois nouvelles catégories de bénéficiaires : le cohabitant, l’isolé et la personne vivant exclusivement avec charge de famille. Le terme « exclusivement » a été supprimé ensuite (voir C. Const., 28 juillet 2006, arrêt n° 123/2006) et actuellement, le droit au taux de personne avec charge de famille s’ouvre si le bénéficiaire vit avec un ascendant pour autant qu’il ait au moins un enfant mineur à charge. En l’espèce, la cour relève que l’intéressée a vécu pendant le mois d’octobre 2011 dans le ménage de sa mère. Ayant elle-même hébergé ses enfants pendant une partie de cette période, elle bénéficie pour celle-ci de l’octroi au taux avec famille à charge, nonobstant la présence du beau-père dans le ménage de la mère. Ce taux est limité à la période pendant laquelle elle a hébergé ses enfants.

Intérêt de la décision

Dns cette espèce, visant un changement de domicile, l’inscription dans les registres a eu lieu à une date largement antérieure à celle du déménagement. La cour rappelle qu’en vertu de la loi du 26 mai 2002, le CPAS secourant est celui de la commune sur le territoire de laquelle se trouve l’intéressée et qui a reconnu son état d’indigence. Même si l’inscription était déjà intervenue dans le nouveau domicile mais que l’intéressée se trouvait toujours dans sa résidence antérieure, ce CPAS restait compétent pour la courte période de battement.

L’arrêt rappelle également le mécanisme de transmission du dossier si le CPAS saisi ne s’estime pas compétent. Les obligations à cet égard figurent tant dans la loi du 26 mai 2002 que dans la Charte de l’assuré social. La cour souligne qu’en cas de défaut de transmission, c’est le revenu d’intégration qui est dû et non des dommages et intérêts mais que, en sus, des dommages et intérêts complémentaires peuvent intervenir si la responsabilité du Centre est retenue. Comme pour toute affaire de ce type, il faut néanmoins établir un préjudice distinct de la seule privation du revenu d’intégration.


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