Terralaboris asbl

Aide sociale et disposition au travail

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 24 octobre 2012, R.G. 2011/AB/207

Mis en ligne le mardi 22 janvier 2013


Cour du travail de Bruxelles, 24 octobre 2012, R.G. n° 2011/AB/207

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 24 octobre 2012, la Cour du travail de Bruxelles répond à la question de savoir si un demandeur d’aide doit prouver une disposition au travail. Elle examine également la nature des formations pouvant être suivies dans le cadre de l’insertion sur le marché du travail.

Les faits

Une camerounaise, mère de trois enfants dont deux sont nés et vivent avec elle en Belgique, séjourne régulièrement sur le territoire depuis septembre 2007. Elle a un diplôme d’humanités inférieures non reconnu en Belgique. Elle a été à diverses reprises aidée par le CPAS. En date du 28 septembre 2009, l’aide sociale dont elle bénéficie lui est refusée au motif d’un manque de collaboration. L’année suivante, elle se voit octroyer une aide équivalente au revenu d’intégration au taux de bénéficiaire avec personne à charge. Le CPAS demande qu’elle entreprenne une recherche active d’emploi, et ce en lien avec le département d’insertion professionnelle. Elle doit également transmettre des preuves de recherche d’emploi mensuellement.

Le 30 août 2010, le CPAS refuse d’intervenir dans le cadre de l’aide sociale au motif d’un manque de disposition au travail et d’un non respect des conditions posées au maintien de l’aide.

Un recours est introduit devant le tribunal du travail, qui va confirmer la décision administrative par jugement du 20 janvier 2011, jugement dont appel.

En mars 2011, le CPAS décide de réintervenir à partir du 1er mars 2011 et, en août 2011, il prend la décision de refuser une formation d’auxiliaire de l’enfance que l’intéressée se proposait d’entreprendre auprès de la COBEFF. Un recours est également introduit contre cette décision, recours qui aboutit.

Décision de la cour du travail

La cour est saisie du recours contre la décision du 30 août 2010, l’intéressée demandant condamnation du CPAS au paiement d’une aide sociale équivalente au revenu d’intégration pour la période du 1er août 2010 au 28 février 2011.

Elle va dès lors examiner les conditions de l’octroi de l’aide sociale, la décision administrative étant motivée par un manque de disposition au travail et par le non respect des conditions posées au maintien de l’aide.

En ce qui concerne l’aide sociale, la cour rappelle que l’on ne se trouve pas dans le cadre de la loi du 26 mai 2002 mais dans celui de la loi du 8 juillet 1976, qui prévoit le droit pour toute personne de se voir accorder une aide sociale, celle-ci ayant pour but de permettre à chacun de mener une vie conforme à la dignité humaine. C’est ce critère de vie conforme à la dignité humaine qui est dès lors la pierre d’angle de la matière. Dans son article 60, § 3, alinéa 2, la loi du 8 juillet 1976 prévoit que la décision d’octroyer l’aide sociale (financière) peut être soumise au respect de certaines conditions du droit à l’intégration, dont celle d’être disposé à travailler.

Dès lors, si l’on se trouve dans le cadre de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale, il y a obligation de suivre l’esprit du législateur qui est de responsabiliser les CPAS autant que les demandeurs dans une vision active de la disposition au travail et, dans cette optique, la collecte d’attestations d’employeurs ne signifie pas disposition au travail, le CPAS devant également aider le demandeur à trouver un emploi. Par contre, en matière d’aide sociale, si la décision prise ne renvoie pas aux conditions de la loi du 26 mai 2002, la condition de disposition au travail s’examine au regard du caractère subsidiaire de l’aide sociale et la cour de renvoyer à la doctrine (F. BOUQUELLE et P. LAMBILLON, « La disposition au travail », in Aide sociale – intégration sociale, le droit en pratique, H. MORMONT et K. STANGHERLIN (coord.), La Charte, 2011, p. 319) qui fait valoir que l’octroi d’une aide financière à quelqu’un qui ne serait pas disposé à travailler se conçoit mal eu égard au caractère subsidiaire de l’aide sociale.

En l’espèce, la cour examine les démarches effectuées en vue de permettre à l’intéressée d’entrer sur le marché du travail. Elle constate que, depuis janvier 2009, un projet socioprofessionnel est en cours d’élaboration à cette fin. Les parties divergent en ce qui concerne les efforts faits par l’intéressée pour s’intégrer réellement sur celui-ci, le CPAS faisant état de refus de démarches de recherche d’emploi et l’intéressée considérant qu’elle a effectué de telles recherches mais faisant également valoir qu’elle a suivi des formations. Sur le plan médical, elle expose que des difficultés réduisent son marché du travail (canal carpien bilatéral).

Examinant les éléments du dossier, la cour constate que la décision du CPAS ne fait pas référence à la loi du 26 mai 2002 et qu’il y a dès lors lieu d’apprécier l’obligation de disposition au travail en fonction du caractère subsidiaire de l’aide, étant qu’il faut voir dans quelle mesure des efforts ont été entrepris par l’intéressée pour mener une vie conforme à la dignité humaine. Ceci amène la cour à examiner les formations suivies et elle constate qu’il s’agit de formations de base (formation professionnelle avec Bruxelles Formation pendant sept semaines avec stage d’observation en entreprise dans une crèche et une école, formation à l’école de promotion sociale des Femmes prévoyantes socialistes, formation professionnelle de base à Bruxelles Formation, formation auprès de Bruxelles Formation Tremplin (connaissance de base en informatique) et projet de formation d’auxiliaire de l’enfance auprès de la COBEFF).

La cour constate l’existence d’efforts de formation importants et continus et que ceux-ci témoignent d’une volonté certaine de s’insérer sur le marché de l’emploi.

Elle rejette les arguments du CPAS en ce qui concerne l’intérêt de ces formations, auxquelles le CPAS dit préférable de rechercher activement un emploi. Vu la situation de l’intéressée (mère avec enfants en bas âge, diplôme humanités inférieures non reconnu en Belgique, et problèmes de santé), ces formations suivies avant d’entamer une formation qualifiante d’auxiliaire de l’enfance était le seul choix que l’intéressée pouvait faire. Le parcours devait être accepté par le CPAS et la cour souligne que la position de celui-ci se justifie d’autant moins qu’il n’a pas apporté d’aide concrète dans la recherche d’un emploi.

Intérêt de la décision

Cet arrêt fait le lien entre les obligations relatives à la disposition du travail dans le cadre de l’aide sociale et dans celui du revenu d’intégration sociale.

Il examine en outre concrètement les formations suivies, eu égard au caractère subsidiaire de l’aide sociale et retient l’existence d’efforts importants et continus révélant une volonté certaine d’insertion.

Il est intéressant de rappeler qu’en cette matière, le juge dispose d’un pouvoir de pleine juridiction sur le parcours d’insertion professionnelle.


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