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Chômage : mentions du C4 et conditions d’une sanction pour motif équitable

Commentaire de C. trav. Mons, 28 juin 2012, R.G. 2011/AM/437

Mis en ligne le lundi 11 février 2013


Cour du travail de Mons, 28 juin 2012, R.G. n° 2011/AM/437

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 28 juin 2012, la Cour du travail de Mons a rappelé les conditions pour qu’existe un motif équitable, ainsi que les obligations de preuve. Elle a également considéré qu’une mesure d’exclusion prise suite à la fin anticipée d’une formation ne peut viser que le chômeur indemnisé et non le « demandeur libre ».

Les faits

Une informaticienne, au service d’un secrétariat social depuis plusieurs années, se voit confrontée, après un transfert vers un autre service de l’entreprise, à des faits qu’elle impute à du harcèlement. Une procédure interne est entamée, des réunions sont organisées avec l’auteur de ces faits et, quelques semaines plus tard, l’intéressée est licenciée, moyennant versement d’une indemnité compensatoire de 10 mois, celle-ci étant majorée d’un complément exceptionnel de 2 mois.

Après la rupture du contrat, pendant la période couverte par l’indemnité compensatoire de préavis, l’intéressée suit des formations à distance et une formation professionnelle organisée par le FOREm. L’opérateur auprès de qui cette formation est suivie va résilier le contrat, vu des absences injustifiées.

L’ONEm va, dans le même temps, s’intéresser au motif du licenciement, constatant que le motif repris sur le C4 est que le profil de l’intéressée ne correspond plus aux attentes de la fonction. Il interroge l’employeur, qui donne quelques éléments de précision (comportement non adéquat, non-respect de règles de fonctionnement et de délais). Il communique également les PV des réunions tenues dans le cadre des difficultés dont question ci-dessus.

L’intéressée est convoquée et ne donne pas suite. L’ONEm décide dès lors, le 23 février 2010, de l’exclure pour motif équitable pendant une période de 10 semaines (articles 51 et 52bis de l’arrêté royal), ainsi que pour une période de 8 semaines, vu la fin anticipée de la formation suivie (article 51 de l’arrêté royal), cette deuxième sanction étant assortie d’un sursis complet.

Suite au recours introduit, le Tribunal du travail de Charleroi statue par jugement du 12 octobre 2011, réduisant la première sanction à 4 semaines et annulant la seconde. Pour le Tribunal, la preuve du caractère équitable du motif est apportée par l’employeur, l’intéressée n’ayant fourni aucun commencement de preuve de faits de harcèlement moral au travail. La réduction de la sanction est fondée sur les efforts de reclassement fournis par elle malgré une situation familiale qualifiée de difficile. La seconde sanction est annulée, vu qu’elle n’avait pas la qualité de chômeuse au moment où il a été mis fin à la formation en cause.

Position des parties devant la cour

L’ONEm interjette appel en faisant, sur la première question, longuement valoir la chronologie des faits (réunions, comptes-rendus qui en ont été faits, précisions apportées par l’employeur). Il sollicite le rétablissement de la sanction administrative, considérant que celle-ci est proportionnelle au manquement.

Sur la deuxième question, il y a, de la part de l’intéressée, manquement à la réglementation en matière de chômage, celle-ci ne distinguant pas selon que la formation est suivie en qualité de chômeur ou de demandeur d’emploi libre.

Quant à l’intimée, elle plaide également longuement les faits et, notamment, le caractère neutre du motif du C4. Pour elle, le motif équitable ne peut ressortir des éléments déposés. Par ailleurs, elle considère ne pas avoir eu la qualité de chômeur au sens de l’article 51 de l’arrêté royal, pour la formation qu’elle a suivie.

La décision de la cour

La cour rappelle les principes en matière de motif équitable eu égard à l’attitude fautive du travailleur. Il s’agit des articles 44 et, surtout, 51 et 52 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991.

La cour reprend les éléments constitutifs du motif équitable, selon la doctrine (Ch.-E. CLESSE, « Motif du C4 : incidence sur les notions de motif équitable et de licenciement abusif », Ors., 11/2006, p. 10). Il faut en effet une attitude fautive du travailleur, un lien de causalité entre la faute et le licenciement, ainsi que la conscience, par le travailleur, du risque de licenciement. Il y a lieu, comme le rappelle la cour, d’apprécier le motif en tenant compte de tous les éléments du dossier, la version des faits fournie par l’employeur ne pouvant se voir accorder systématiquement la préférence et ne pouvant non plus être écartée d’office (la cour rappelant l’arrêt rendu le 15 septembre 2005, C. trav. Mons, 15 septembre 2005, R.G. 18.669).

Quant à la charge de la preuve, elle repose sur l’ONEm et la cour rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 17 septembre 1999, Pas., I, p. 664), selon laquelle, en cas de doute ou d’incertitude subsistant à la suite de la production d’une preuve, ceux-ci doivent être retenus au détriment de celui qui a la charge de la preuve.

Examinant les éléments de l’espèce, la cour considère qu’il n’est pas établi que l’intéressée ait eu une attitude fautive, les éléments déposés étant par ailleurs de nature à amener l’ONEm à plus de circonspection. La cour considère qu’il aurait notamment dû réinterpeller l’employeur pour bénéficier d’une version objective des faits. Mais la cour va surtout retenir que, s’il y a eu octroi d’un complément d’indemnité compensatoire de préavis (celui-ci étant accordé de manière « conventionnelle et exceptionnelle »), il s’agit d’un avantage que l’employeur n’aurait pas alloué à un travailleur qui aurait démérité. Pour la cour, l’ONEm échoue dans la charge de la preuve qu’il doit rapporter.

Par ailleurs, reprenant le texte de l’article 51 de l’arrêté royal, la cour rappelle que celui-ci vise le chômeur et qu’à la date où l’intéressée a mis fin à la formation professionnelle, elle était inscrite comme demandeur libre, ce qui n’est pas contesté. L’ONEm ne peut dès lors sanctionner cet abandon, dès lors que cette sanction vise quelqu’un qui n’a pas la qualité de chômeur.

La cour va dès lors débouter l’ONEm de son appel sur ce second point. La décision administrative est dès lors annulée et l’intéressée est rétablie dans l’intégralité de ses droits.

Intérêt de la décision

Deux questions sont abordées dans cet arrêt, étant d’une part les conditions du motif équitable, avec les exigences légales requises, ainsi que les règles en matière de preuve. En outre, la cour précise que la notion de « chômeur » visée à l’article 51 de l’arrêté royal vise le chômeur indemnisé uniquement.


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