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La qualité de représentant de commerce peut-elle se perdre en cours de contrat ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 23 octobre 2012, R.G. 2011/AB/425

Mis en ligne le mardi 26 février 2013


Cour du travail de Bruxelles, 23 octobre 2012, R.G. n° 2011/AB/425

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 23 octobre 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les conditions d’existence d’un contrat de représentant de commerce, précisant que, même si l’intéressé a pu être engagé en cette qualité, celle-ci peut avoir été perdue en cours de contrat vu l’évolution des fonctions.

Les faits

Un employé est engagé en 1993 par une société appartenant à un grand groupe électrique (électroménager,…) en tant que représentant de commerce.

Il est licencié en mai 2009 et, suite à cette rupture, qui intervient avec une indemnité compensatoire de préavis de 20 mois, il introduit une action devant le tribunal du travail aux fins d’obtenir une régularisation de l’indemnité compensatoire de préavis et, également, une indemnité d’éviction.

La discussion va ainsi porter essentiellement sur l’octroi d’un bonus et son inclusion dans l’indemnité compensatoire de préavis, ainsi que sur la qualité de représentant de commerce.

La décision du tribunal

Par jugement du 8 février 2001, le Tribunal du travail de Bruxelles fait droit à la demande en ce qui concerne le complément d’indemnité, mais n’alloue pas l’indemnité d’éviction.

Le tribunal considère que l’intéressé n’avait plus la qualité de représentant de commerce au moment du licenciement.

Appel est interjeté par celui-ci.

La décision de la cour

La cour va, dans un premier temps, reprendre les règles permettant de déterminer ce qu’il faut entendre par « rémunération en cours » au sens de l’article 39 de la loi du 3 juillet 1978 et examine, à la lumière de la jurisprudence de la Cour de cassation, le sort à réserver à un bonus spécial octroyé une seule fois et dont la moitié restait encore due au moment du licenciement. Pour la cour, il faisait dès lors partie de la rémunération en cours. La cour va également qualifier ce bonus de « prime » et considérer qu’elle doit être incluse (sur la base d’une moyenne calculée sur les 12 mois précédant la rupture).

En ce qui concerne l’indemnité d’éviction, la discussion porte d’une part sur les conditions d’engagement et, de l’autre, sur les fonctions exercées à la fin du contrat.

Il n’est pas contesté, pour la cour, que l’intéressé a été engagé comme représentant de commerce, mais la société fait valoir qu’il a occupé une fonction de cadre au sein de la division belge et qu’il a encore été promu en 2008 à la fonction de « Business group manager » au sein d’un groupe « Finance et services ».

Reprenant l’article 4 de la loi du 3 juillet 1978, la cour rappelle qu’un travailleur ne peut prétendre à la qualité de représentant de commerce que s’il exerce cette fonction de façon constante et à titre principal. La cour renvoie au titre IV de la loi du 3 juillet 1978, dont elle rappelle que le bénéfice ne peut être accordé qu’aux travailleurs qui exercent l’activité de représentant de commerce de manière prépondérante.

Examinant les fonctions de l’intéressé au moment du licenciement, la cour constate qu’il était responsable de dossiers « clientèle », qu’il signait des renouvellements de contrat, menait des négociations et rencontrait des clients à l’étranger aux fins de négociation d’affaires. De l’organigramme déposé, il ressort que l’intéressé était responsable de 49 travailleurs.

La cour constate que les parties divergent en ce qui concerne la nature des fonctions (fonctions de direction ou non). Elle conclut que l’octroi du bonus exceptionnel permet cependant d’appuyer la thèse selon laquelle il remplissait une fonction de cadre, étant au courant des stratégies commerciales de la société. La cour constate encore que, responsable d’un segment du marché et ayant la responsabilité de toute une équipe, il est très peu vraisemblable que l’intéressé ait pu s’occuper à titre principal de prospection et de visite de clientèle en vue de négocier et/ou de conclure des affaires.

Le fait d’être responsable d’une clientèle déterminée ne signifie pas, pour la cour, la visite de celle-ci en vue de conclure des affaires. Si ceci a pu être le cas, occasionnellement, ceci ne confère pas à l’intéressé la qualité de représentant de commerce, vu que cette activité devait être exercée de façon constante et permanente.

La cour va dès lors encore rappeler les fonctions de l’intéressé, telles que définies dans la description de fonctions : fixation d’objectifs financiers dans le secteur attribué, définition et organisation d’une stratégie de vente, organisation de formations des membres de l’équipe, rapport direct au directeur d’unité, etc.

L’ensemble de ces éléments ne rejoint pas les conditions des articles 4 et 88 de la loi du 3 juillet 1978.

La cour confirme dès lors le jugement en ce qui concerne l’absence de qualité de représentant de commerce.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle les exigences mises par la loi et confirmées par la jurisprudence pour que soient réunies les conditions d’exercice d’un contrat de travail de nature commerciale dans le cadre du statut de représentant de commerce.

Il s’agit de visiter et de prospecter la clientèle, activité qui doit être exercée de façon constante, permanente et principale.

Nous renvoyons également à un arrêt du 2 novembre 2012 de la Cour du travail de Bruxelles (voir E-zine Socialeye News du mardi 15 janvier 2013 pour une activité de vente commerciale exercée dans une grande surface).


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