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Droit d’un travailleur indépendant à des indemnités d’incapacité temporaire : quid d’une activité qui continue à être exercée ?

Commentaire de C. trav. Mons, 9 novembre 2012, R.G. 2011/AM/471

Mis en ligne le jeudi 14 mars 2013


Cour du travail de Mons, 9 novembre 2012, R.G. n° 2011/AM/471

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 9 novembre 2012, la Cour du travail de Mons rappelle que, pour être reconnu incapable de travailler, dans le cadre de l’incapacité temporaire, l’indépendant doit avoir cessé son activité professionnelle selon les termes de la réglementation. Ceci ne signifie cependant pas une cessation complète, des activités accessoires ou de minime importance étant autorisées.

Les faits

Un travailleur indépendant (gérant d’une S.P.R.L.) est victime d’un accident professionnel en février 2008. Faisant le commerce de gros d’animaux, il est renversé par un taureau et est sérieusement blessé.

Début juillet 2008, il est autorisé par le médecin-conseil de son organisme assureur à exercer une partie de son activité, et ce jusqu’à la fin du mois de septembre.

L’INASTI effectue ultérieurement une enquête (dans le cadre du contrôle de l’incapacité de travail – article 63 de l’arrêté royal du 20 juillet 1971 instituant une assurance indemnités et une assurance maternité en faveur des travailleurs indépendants et des conjoints-aidants). L’Institut constate que l’intéressé est resté gérant de la société, qu’il est responsable de sa gestion journalière et a conservé tous ses pouvoirs. En conséquence, la mutuelle annule la reconnaissance d’incapacité et réclame le remboursement d’un indu de l’ordre de 5.700€ pour quasi toute la période. Une deuxième notification sera effectuée en ce qui concerne l’indemnité extralégale dont il a bénéficié pour la période immédiatement consécutive à la date de l’accident.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Tournai.

Par jugement du 22 novembre 2011, le tribunal déboute l’intéressé, au motif qu’il a appert qu’il a poursuivi ses activités de gérant de société pendant la période concernée et qu’il n’avait ainsi pas mis fin aux tâches relatives à son activité d’indépendant.

Appel est interjeté.

Décision de la cour du travail

La cour rappelle les règles posées par l’arrêté royal du 20 juillet 1971 en son article 19. Il faut qu’il y ait cessation des tâches afférentes à l’activité de titulaire indépendant exercée avant le début de l’incapacité de travail, existence de lésions ou de troubles fonctionnels, cessation des tâches suite à ceux-ci et absence d’exercice d’une autre activité professionnelle.

La cour se livre alors à une longue analyse du Rapport au Roi précédant cet arrêté royal (Bulletin législatif belge, 1971, p. 697), qui a eu à cœur d’éviter la prise en considération de situations fictives ainsi que des spéculations, tout en tenant compte des exigences de la réalité sociale et économique. L’attention y est attirée sur le fait que, si l’indépendant n’est plus en mesure d’assumer son activité professionnelle, ceci aura à terme des répercussions fâcheuses sur l’entreprise. Aussi, la notion de cessation des tâches n’implique-t-elle pas une notion d’inactivité totale à 100%. Dans plusieurs arrêts, la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur la question et, dans une décision du 20 décembre 1993 (Cass., 20 décembre 1993, Pas., 1993, I, p. 1087), elle a rappelé, se fondant sur le Rapport au Roi, que l’incapacité de travail n’est pas une notion absolue et que l’inactivité doit être appréciée avec bon sens, l’inactivité totale ne se rencontrant que dans certains cas extrêmes. Pour la cour du travail, la Cour de cassation a ainsi admis que pouvaient être accomplies des tâches minimes afférentes à l’activité professionnelle, et ce sans qu’il n’y ait d’obstacle à la reconnaissance de l’incapacité.

Nombreuses sont, par ailleurs, les décisions de fond qui ont admis l’accomplissement de tâches accessoires et de minime importance ou encore des activités résiduelles ou marginales. La cour va dès lors examiner les éléments de l’espèce, en appréciant l’importance de l’activité déployée pendant la période concernée. Elle constate que les activités liées au mandat de gérant ont été poursuivies et qu’il n’a pas été mis fin aux tâches afférentes à l’activité de titulaire indépendant elle-même. Il y a au contraire reprise de l’activité professionnelle au-delà des limites autorisées par le médecin-conseil (maintien du pouvoir de décision, des contacts avec la clientèle, direction du personnel, etc.). Par ailleurs, les éléments d’ordre fiscal indiquent la perception de rémunérations de l’ordre de 5.000€, ainsi que de charges professionnelles déclarées à l’IPP pour un montant de plus de 7.600€.

Il ne s’agit dès lors pas, pour la cour, d’activité accessoire ou de minime importance. Elle renvoie encore à diverses décisions de fond, qui ont conclu que les fonctions administratives de gestion ne sont pas des activités accessoires et ne peuvent entraîner une reconnaissance d’incapacité.

Elle relève en outre que l’intéressé était gérant unique et qu’il n’apparaît pas qu’il aurait confié des tâches relatives à la fonction de gérant à un tiers.

Elle conclut qu’il échoue dans la charge de la preuve qui lui incombe, étant qu’il ne démontre pas qu’il a mis fin à l’accomplissement des tâches qu’il exerçait auparavant.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle la règle dans le secteur des travailleurs indépendants : l’incapacité temporaire de travail peut être reconnue même si elle n’inclut pas la cessation de toutes les activités du travailleur indépendant. Celui-ci ne peut cependant maintenir que des activités accessoires ou de minime importance et il ne peut continuer à exercer son activité normalement, comme il le faisait avant la survenance de la cause d’incapacité de travail.


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