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Rapport annuel sur le fonctionnement du Service interne pour la prévention et la protection au travail : force probante

Commentaire de Trib. trav. Bruxelles, 31 janvier 2013, R.G. 11/10.297/A

Mis en ligne le jeudi 4 avril 2013


Tribunal du travail de Bruxelles, 31 janvier 2013, R.G. n° 11/10.297/A

TERRA LABORIS ASBL

Dans un jugement du 31 janvier 2013, le Tribunal du travail de Bruxelles a considéré, à partir des mentions figurant dans un rapport annuel sur le fonctionnement du Service interne pour la Prévention et la Protection au travail, que la personne y reprise comme telle, avait effectivement la qualité de conseiller en prévention. Le tribunal du travail y relève le caractère d’ordre public de la matière.

Les faits

Une procédure est introduite devant le Tribunal du travail de Bruxelles par une employée, qui réclame divers montants, suite à son licenciement. Parmi ceux-ci figure l’indemnité de protection due aux conseillers en prévention. L’intéressée expose qu’elle a été désignée en cette qualité en septembre 2009 et qu’elle a été licenciée près d’un an plus tard avec paiement de l’indemnité compensatoire de préavis de six mois. Elle considère avoir droit à l’indemnité de protection au motif du non respect de la procédure de licenciement.

Décision du tribunal

Le tribunal du travail axe l’essentiel de son jugement sur le droit pour l’intéressée à cette indemnité, dont le fondement se trouve dans la loi du 20 décembre 2002 portant protection des conseillers en prévention.

En cas de rupture du contrat, l’employeur est tenu de payer au conseiller en prévention une indemnité spéciale lorsque les procédures prescrites ne sont pas respectées (article 10, 1°).

Le tribunal se réfère, ensuite, à l’arrêté royal du 27 mars 1998 relatif au Service interne pour la Prévention et la Protection au Travail. Celui-ci organise en ses articles 13 et suivants le mode de fonctionnement du Service interne. C’est l’employeur qui fixe le mode de composition de celui-ci (article 17, § 1er) et il est tenu de déterminer, après accord préalable du Comité, la durée minimale des prestations des conseillers en prévention, et ce afin que les missions attribuées au Service interne puissent toujours être accomplies de manière complète et efficace (article 17, § 2). Par durée des prestations, il convient d’entendre, selon cette même disposition, le temps minimal devant être consacré à l’accomplissement des missions et activités attribuées aux conseillers en prévention.

La désignation des conseillers en prévention (ou de leurs représentants temporaires) intervient à l’initiative de l’employeur, de même que leur remplacement ou la décision de les écarter de leurs fonctions. Ceci requiert cependant l’accord préalable du Comité (article 20, § 1er, alinéa 1er).

Une restriction est apportée par l’article 57 de la loi du 4 août 1996 sur le bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail en ce qui concerne la désignation du conseiller : le conseiller en prévention ne peut être ni délégué de l’employeur, ni délégué du personnel.

Se pose en l’espèce la question de savoir si l’intéressée avait effectivement été désignée en qualité de conseiller en prévention, ce que la société conteste et plus particulièrement du fait que, selon elle, elle avait la qualité de représentante de l’employeur. La demanderesse soutient ne pas avoir eu cette qualité et se réfère aux fonctions de direction données au titre d’information par la société dans le cadre des élections sociales de 2008.

Elle ne siège pas davantage au conseil d’entreprise ou au CPPT, ce à quoi la société rétorque que la fonction a été créée après les élections sociales, ce qui expliquerait également la non inclusion de la fonction dans le personnel de direction lors des élections sociales.

Elle expose que la demanderesse avait la qualité de directeur RH pour l’Europe et qu’elle était dès lors responsable des directeurs RH de l’ensemble des sociétés du groupe, dont la Belgique, ceux-ci rapportant directement à elle-même. La société donne encore toute une série d’explications de fait, notamment que la personne qui dépendait directement de la demanderesse siégeait elle-même en qualité de représentante de l’employeur dans les organes de concertation. Le tribunal constate cependant que les personnes désignées pour les élections sociales de 2008 étaient les responsables européens, sauf précisément pour la fonction de HR, où est repris le responsable pour la Belgique.

La demanderesse relève encore à cet égard le caractère d’ordre public de la loi sur le bien-être et considère que la preuve de sa désignation figure dans un rapport de réunion du CPPT de septembre 2009. Le tribunal renvoie également au caractère d’ordre public de la loi et pointe plus particulièrement le rapport annuel du Service interne pour l’année 2009 : c’est un document officiel, signé par la direction de la société. Ce rapport est un document confirmatif de la correcte application de la loi et toute information « erronée » qui y figurerait est d’ailleurs pénalement punissable.

S’appuyant également sur d’autres éléments de fait (destinataire au sein de la société de données d’ergonomie, …) au dossier, le tribunal conclut que l’intéressée a effectivement été désignée comme conseiller en prévention.

Le rapport annuel constitue cependant l’élément essentiel qui fonde la conviction du tribunal, au motif qu’il a été rédigé in tempore non suspecto et a été signé par la direction de l’entreprise.

Le tribunal fait dès lors droit à la demande sur ce point.

Intérêt de la décision

Dans ce cas d’espèce, où la période litigieuse est de moins d’un an (désignation en tant que conseiller en prévention en septembre 2009 et licenciement en août 2010), le tribunal du travail a fondé sa conviction sur un élément essentiel de la protection du bien-être au travail, étant le rapport annuel du Service interne de prévention.

Il y a lieu de rappeler que l’employeur doit transmettre le modèle complété de rapport annuel signé par lui-même et par le chef du service de prévention dans les trois mois qui suivent l’année civile à laquelle il se rapporte. Il s‘agit d’une obligation fixée par l’article 30 de l’arrêté royal du 27 mars 1998 relatif à la politique du bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail. Ce rapport doit être adressé au fonctionnaire chargé de la surveillance (direction générale, contrôle du bien-être au travail). C’est le conseiller en prévention qui doit établir ce rapport, et ce en vertu de l’article 7, § 1er, 2°, b). En l’occurrence, le tribunal a constaté que la matière est d’ordre public et que toute information qui y figure doit être fidèle. A défaut, des sanctions pénales sont possibles.


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