Terralaboris asbl

A qui s’étend la solidarité légale ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 8 février 2013, R.G. 2011/AB/970

Mis en ligne le jeudi 4 avril 2013


Cour du travail de Bruxelles, 8 février 2013, R.G. n° 2011/AB/970

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 8 février 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle qu’une société est redevable d’une cotisation forfaitaire annuelle et que certaines personnes physiques agissant pour son compte sont solidairement responsables de celle-ci. La solidarité ne s’étend cependant pas aux mandataires généraux ou spéciaux.

Les faits

Une société de droit luxembourgeois désigne Monsieur T. comme représentant légal d’une succursale qu’elle ouvre en en Belgique en 1989.

La société ne paye cependant pas la cotisation sociale annuelle et elle est condamnée par jugement du Tribunal du travail de Bruxelles en mars 2006 pour les cotisations et majorations dues entre les années 1993 et 2005. En février 2010, Monsieur T. reçoit un courrier de l’huissier de justice instrumentant, lui signalant que, en sa qualité d’administrateur de la société, il est débiteur solidaire des cotisations sociales. Ceci est contesté, au motif que seuls les associés actifs, administrateurs et gérants sont solidairement tenus au paiement de celles-ci et précise que la loi ne prévoit pas de solidarité envers le représentant légal.

Une contrainte est signifiée à l’intéressé, qui fait opposition devant le tribunal du travail.

Par jugement du 20 juin 2010, le tribunal déboute celui-ci. Il interjette appel.

Décision de la Cour

La cour du travail examine, dans un bref arrêt, les dispositions applicables, étant le fondement légal de la cotisation annuelle forfaitaire due par les sociétés. Celle-ci a été instaurée par la loi du 30 décembre 1992 portant des dispositions sociales et diverses (articles 91 et suivants) et vise la société assujettie à l’impôt des sociétés ou à l’impôt des non résidents. La cotisation est due annuellement et doit être payée avant le 1er juillet.

La cour du travail rappelle que, par arrêt du 16 juin 2011 (C. Const., 16 juin 2011, arrêt n° 103/2011), la Cour constitutionnelle a considéré que cette cotisation a le caractère d’un impôt.

La solidarité légale (contenue à l’article 98 de la loi) vise les associés actifs ainsi que les administrateurs ou gérants. Elle porte sur la cotisation elle-même, les majorations et les frais.

La cour du travail relève que cette disposition ne vise pas d’autres mandataires, que ce soient des mandataires généraux ou spéciaux, de telle sorte que le représentant légal, comme en l’occurrence, étant le représentant légal d’une succursale, qui n’a pas la qualité d’associé actif, n’est ni administrateur, ni gérant de la société représentée, ne peut être visé.

La cour relève qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier que l’intéressé pourrait avoir une de ces qualités.

La Caisse soulevant, cependant, que le code des sociétés peut fonder le principe de la responsabilité solidaire du représentant légal, la cour examine la disposition invoquée, étant l’article 81, 6°. Celui-ci détermine en effet les formalités de publicité à respecter à l’occasion de l’ouverture d’une succursale et, parmi celles-ci il impose à une société étrangère relevant du droit d’un autre Etat membre de l’Union européenne, de déposer, et ce préalablement à l’ouverture de celle-ci, la nomination et l’identité des personnes qui ont le pouvoir d’engager la société à l’égard des tiers et de la représenter en justice, soit en tant qu’organe de la société légalement prévu ou en tant que membre de cet organe, soit en tant que représentant de la société pour l’activité de la succursale, avec indication des pouvoirs de ces représentants (article 81, 6°, a) et b)).

Pour la cour du travail, cette disposition confirme précisément que le représentant légal est un mandataire de la société en ce qui concerne les activités de la succursale et que, selon les règles de droit civil, le mandataire ne contracte aucune obligation personnelle.

La cour renvoie à la jurisprudence de la Cour de cassation (dont Cass., 29 septembre 2006 n° C.030.502.N), qui rappelle les conditions dans lesquelles l’organe, le préposé ou l’agent peut voir sa responsabilité mise en cause sur le plan extracontractuel : il faut que la faute mise à sa charge constitue un manquement à l’obligation générale de prudence (et non à une obligation contractuelle) et cette faute doit avoir causé un dommage autre que celui résultant de la mauvaise exécution du contrat.

Rappelant encore le principe de la quasi-immunité des mandataires à l’égard des tiers, la cour conclut à l’absence de fondement légal de la solidarité invoquée par la Caisse.

Intérêt de la décision

Cette décision de la Cour du travail de Bruxelles renvoie très justement à l’article 98 de la loi du 30 décembre 1992, qui a fixé les règles en matière de cotisations annuelles forfaitaires dues par les sociétés, prévoyant une solidarité légale pour les associés actifs, administrateurs ou gérants de la société. Cette disposition n’inclut pas les autres mandataires, qu’il s’agisse de mandataires généraux (comme en l’occurrence) ou spéciaux.

Ni la loi du 30 décembre 1992, ni le Code des sociétés, ni les principes généraux du mandat ne permettent d’étendre la solidarité légale à ceux-ci.


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