Terralaboris asbl

Cotisations au statut social des travailleurs indépendants : rappel des règles concernant les mandataires de société et les associés actifs

Commentaire de C. trav. Mons, 14 décembre 2012, R.G. 2011/AM/450

Mis en ligne le mardi 16 avril 2013


Cour du travail de Mons, 14 décembre 2012, R.G. n° 2011/AM/450

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 14 décembre 2012, la Cour du travail de Mons reprend les principes applicables aux mandataires de société et aux associés actifs par rapport à leur obligation de cotiser au statut social des travailleurs indépendants. L’existence de présomptions réfragables permet cependant de ne pas y être assujettis.

Les faits

Monsieur M. a été administrateur d’une société coopérative, avec un mandat à titre gratuit, la société n’ayant par ailleurs aucune activité, et ce pour des raisons médicales le concernant. Une procédure est introduite contre lui, par sa caisse d’assurances sociales, en paiement des cotisations, majorations et accessoires à partir du 1er trimestre 1989. La citation date du 17 juin 1996.

Décision du tribunal du travail

Le Tribunal du travail de Tournai, statuant par jugement du 27 septembre 2011, considère que la présomption d’exercice d’une activité professionnelle n’est pas renversée, vu le mandat dont disposait l’intéressé dans une société belge assujettie à l’impôt des sociétés, non plus que celle de travailleur indépendant résultant de la qualité d’associé actif. Le tribunal rejette également un argument tiré de la prescription de la demande.

Décision de la cour du travail

La cour, saisie de l’appel de l’intéressé, va essentiellement rappeler les règles en matière de prescription ainsi que pour ce qui est de l’assujettissement des mandataires de société et des associés actifs.

En ce qui concerne les modes interruptifs de prescription - parmi lesquels la cour du travail rappelle l’importance du recours à la lettre recommandée en la matière -, l’on admet, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, qu’est un acte équivalent à une sommation celui qui contient une interpellation dont le débiteur a nécessairement compris qu’il était mis en demeure (Cass., 28 mars 1994, p. 317). Pour la cour du travail, l’acte en question ne peut dès lors laisser planer aucun doute dans l’esprit du débiteur quant à son obligation. C’est la condition de l’effet interruptif de prescription de l’acte en cause. C’est dès lors sa formulation qui doit être examinée et celle-ci doit exprimer clairement la volonté du créancier de voir exécuter l’obligation.

La cour rappelle encore les obligations de la caisse (ou de l’INASTI) en matière de notification : elle n’a pas à prouver la réception de l’envoi recommandé mais celle du rappel recommandé et, revenant à sa propre jurisprudence (C. trav. Mons, 12 décembre 2001, R.G. n° 16.754), la cour précise que l’envoi est prouvé par le dépôt du réquisitoire postal établissant l’envoi des plis recommandés repris dans la liste figurant sous la signature de celui dont émane la réquisition. La preuve de la non réception appartient au destinataire, la non réception exigeant que l’envoi n’ait pas été présenté à son domicile.

Examinant ces principes, la cour va conclure qu’aucune des cotisations réclamées n’est prescrite.

Sur le fond, elle se livre également à un rappel des principes, examinant d’abord la situation des mandataires de société, telle qu’organisée par l’arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 (article 3, § 1er, alinéa 4) : il y a présomption irréfragable d’assujettissement au statut social dès lors qu’ils ont été désignés comme mandataires d’une société établie en Belgique. Ce caractère irréfragable a été battu en brèche par un arrêt de la Cour constitutionnelle du 3 novembre 2004 (C. Const., 3 novembre 2004, arrêt n° 176/2004).

Si la gratuité du mandat est invoquée, ceci signifie que l’intéressé entend renverser la présomption de l’article 2, ce qu’il peut faire par toutes voies de droit témoignages exceptés sauf l’hypothèse où des revenus professionnels ont été admis de ce chef par l’administration des contributions directes. Comment, cependant, établir cette gratuité ? La cour rappelle que ceci ne peut se faire que si elle prévue dans les statuts ou dans une délibération de l’organe compétent pour fixer les rémunérations des mandataires en cas de silence de ceux-ci.

En l’occurrence, il y a contradiction entre les statuts (gratuité) et l’exercice du mandat (revenus obtenus par l’INASTI auprès de l’administration des contributions directes dont l’inexactitude n’est pas alléguée). La cour conclut à l’absence de renversement de la présomption. L’on se trouve dans cette hypothèse dans un cas d’application de l’article 3, § 1er, alinéa 2 de l’arrêté royal (autres présomptions), et ce du fait que des rémunérations ont été attribuées de facto. Ceci implique le but de lucre. Cette seconde présomption est également réfragable mais l’intéressé reste en défaut de ce faire en l’espèce.

La cour rappelle en outre, qu’en sa qualité d’associé actif, l’intéressé est également assujetti : c’est l’article 3, § 1er, alinéa 2 qui est aussi visé. Par associé actif, il faut entendre non seulement celui qui détient une part du capital et en recueille les fruits mais celui qui exerce dans la société une activité non salariée dans le but de faire fructifier le capital qui lui appartient en partie. L’absence de bénéfice est sans incidence, et même en admettant – quod non – la gratuité du mandat, celle-ci n’implique pas qu’il ne puisse y avoir assujettissement en cette qualité d’associé actif.

La cour relève encore que sur 20 parts, il en possède 14 et que de ce fait il ne peut que se voir reconnaître la qualité d’associé actif.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Mons rappelle très utilement et de manière bien structurée les règles en matière de cotisations au statut social des travailleurs indépendants agissant dans le cadre d’une société, abordant à la fois la situation du mandat gratuit et celle d’associé actif. L’arrêt est également utile pour les règles de prescription et particulièrement leur interruption.


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