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Quelle est la nature de l’indemnité payée au titre d’allocation d’intégration pour les personnes handicapées ?

Commentaire de C. trav. Liège, 28 janvier 2013, R.G. 2012/AL/310

Mis en ligne le mardi 16 avril 2013


Cour du travail de Liège, 28 janvier 2013, R.G. n° 2012/AL/310

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 28 janvier 2013, statuant dans le cadre du droit à l’aide juridique, la Cour du travail de Liège examine la nature de l’allocation d’intégration prévue par la loi du 27 février 1987 relative aux allocations aux personnes handicapées.

Les faits

Le Bureau d’aide juridique de Liège refuse l’aide juridique de deuxième ligne (gratuité partielle) à un justiciable, vu les revenus pris en compte : il s’agit d’une pension de retraite (net mensuel de l’ordre de 1.070€) et d’une allocation d’intégration pour personne handicapée (290€). Le plafond légal (fixé à 1.164,99€) se trouve ainsi dépassé, si les deux revenus sont additionnés.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Liège.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 24 avril 2012, le tribunal dit que l’Ordre des Avocats du Barreau de Liège est tenu d’assurer l’aide juridique de deuxième ligne dans le cadre d’un litige en matière de logement. Le tribunal considère que l’allocation d’intégration constitue des dommages et intérêts et n’entraîne pas d’enrichissement pour leur destinataire, étant une compensation forfaitaire de la perte subie à l’intégrité corporelle, ainsi que des efforts supplémentaires à fournir pour accomplir les gestes de la vie quotidienne.

Moyens développés devant la cour

Pour l’Ordre des Avocats, appelant, cette allocation fait partie des moyens d’existence et doit dès lors intervenir dans le calcul de l’accès à l’aide juridique.

L’intéressé considère, quant à lui, que l’allocation d’intégration ne doit pas être prise en compte. Il ne s’agit pas d’un revenu net au sens de l’article 2, 1° de l’arrêté royal du 18 décembre 2003.

Décision de la cour du travail

La cour reprend les dispositions relatives à l’aide juridique, figurant dans le Code judiciaire. Elle constate que le Roi a été chargé en vertu de l’article 508/13 de déterminer les ressources à prendre en compte. Dans l’arrêté royal du 18 décembre 2003, figure ainsi la référence au revenu mensuel net, celui-ci devant tenir compte de tout moyen d’existence. Seules sont visées au titre d’exception les allocations familiales. La question est donc de savoir si l’allocation d’intégration est un revenu, donc un moyen d’existence à prendre en compte.

La loi du 27 février 1987 relative aux allocations aux personnes handicapées se réfère, pour l’octroi de cette allocation, à la réduction d’autonomie. La cour considère ne pas pouvoir admettre la conclusion du tribunal, au motif que le revenu vise tout montant pécuniaire perçu comme fruit d’un capital, d’un travail, de services rendus, ainsi que de produits fournis ou encore comme allocations de nature sociale. La cour relève encore que la plupart des prestations sociales consistent en revenus et elle reprend la distinction opérée entre les revenus de remplacement et les revenus de complément : les premiers compensent une perte ou une diminution d’un revenu professionnel (il s’agit des allocations de chômage, des pensions ou de l’ARR pour les personnes handicapées) tandis que les seconds sont destinés à faire face à des frais particuliers (ainsi les allocations familiales). La cour range l’allocation d’intégration dans ces derniers.

Elle rappelle également, conformément à l’avis de l’Avocat général, qu’il y a une exclusion légale et que, s’il s’était agi d’en ajouter d’autres, ceci aurait été fait par le Roi.

Enfin, en ce qui concerne le caractère indemnitaire de l’allocation, la cour rappelle également que c’est le cas de l’ensemble des prestations sociales et que ceci ne suffit pas à les exclure des notions de revenu et de moyen d’existence.

La conclusion du tribunal, selon laquelle il s’agirait de dommages et intérêts ne peut, en conséquence, pour la cour être suivie. Le revenu de complément perçu par les personnes handicapées doit dès lors figurer parmi les revenus à prendre en compte aux fins de déterminer le montant visé à l’article 2 de l’arrêté royal du 18 décembre 2003.

Intérêt de la décision

Cette décision, rendue dans le cadre de l’aide juridique de seconde ligne, dépasse celui-ci puisqu’elle se penche sur la nature de l’allocation d’intégration.

La cour rappelle également que la généralité des prestations sociales a un fond indemnitaire et que l’allocation d’intégration ne se distingue, dès lors, pas des autres prestations, sur ce plan. Elle doit par conséquent être prise en compte dans les revenus permettant de déterminer la gratuité totale ou partielle de l’aide juridique de seconde ligne, comme en l’espèce.


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