Terralaboris asbl

Qui est l’employeur du conseiller en prévention dans une commune ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 16 novembre 2012, R.G. 2012/CB/4

Mis en ligne le mardi 16 avril 2013


Cour du travail de Bruxelles, 16 novembre 2012, R.G. n° 2012/CB/4

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 16 novembre 2012, la Cour du travail de Bruxelles est saisie de la régularité d’une injonction faite par le Contrôle du bien-être, dans le cadre des dispositions en matière de Service Interne de Prévention et de Protection au travail, injonction adressée au bourgmestre d’une commune.

Les faits

Le Contrôle du bien-être au travail effectue plusieurs visites auprès des services de l’administration d’une commune de la région bruxelloise aux fins de vérifier le respect de la loi du 4 août 1996. Ayant constaté plusieurs infractions, essentiellement en ce qui concerne l’indépendance du SIPPT et du conseiller en prévention, une notification lui est faite en vue de faire cesser celles-ci.

Des contacts ont lieu ultérieurement avec l’inspecteur social compétent au sein du SPF Emploi, Travail et Concertation sociale, la commune ayant fait savoir qu’elle envisageait la création d’un SIPPT commun regroupant le personnel communal, le personnel enseignant et celui du CPAS.

Dans le cadre de ces échanges, le Contrôle du bien-être rappelle certaines dispositions en ce qui concerne la hiérarchie, le secrétaire communal étant le chef du personnel et étant ainsi le supérieur hiérarchique du conseiller en prévention sur le plan administratif ; par contre, dans le cadre de sa mission, ce conseiller dépend du Collège ou de l’Echevin ayant le bien-être du personnel dans ses compétences.

De nouvelles discussions surgissent, ensuite, quant à la durée de l’engagement du conseiller en prévention, l’arrêté royal du 27 mars 1998 relatif au Service Interne pour la Prévention et la Protection du Travail prévoyant en son article 2.2 que 100% d’un temps plein doit être consacré à des tâches de prévention et le Contrôle du bien-être considère qu’un temps partiel ne peut donc être admis. S’ensuivent encore divers échanges en ce qui concerne la responsabilité pénale : la loi du 4 mai 1999 instaurant la responsabilité pénale des personnes morales exclut explicitement de son champ d’application les communes et les CPAS. La commune ne peut dès lors, non plus que le CPAS, être tenue pénalement responsable, le bourgmestre étant à considérer comme l’employeur du personnel communal tout comme le président du CPAS l’est pour son personnel.

Par ailleurs, sur la question de la responsabilité hiérarchique à l’égard du conseiller en prévention, le Contrôle du bien-être rappelle que celui-ci relève directement de la personne chargée de l’institution journalière de l’entreprise ou de l’institution, étant, pour les communes, le Collège, représenté par le bourgmestre. Le Contrôle du bien-être rappelle ainsi que le projet soumis par la commune, en ce qu’il contient l’analyse des relations de travail entre le conseiller en prévention, chef du SIPP d’une part et le collège et autres autorités communales de l’autre n’est pas conforme à la loi.

Les parties restant en désaccord, une injonction est en fin de compte notifiée au bourgmestre, en application de l’article 3 de la loi du 16 novembre 1972 concernant l’inspection du travail. Celle-ci, reprenant les rétroactes ci-dessus, constate un manque de volonté de respecter l’article 16 de l’arrêté royal du 27 mars 1998 relatif au SIPP et impose, en application de l’article 3 de la loi du 16 novembre 1972 concernant l’inspection du travail, d’appliquer cet article sans délai ainsi que l’ensemble de l’arrêté royal. L’injonction rappelle que la personne chargée de la gestion journalière dans la commune est le bourgmestre ou un échevin nommément désigné et que c’est dès lors à lui que doit en référer le conseiller en prévention (hiérarchie fonctionnelle).

Une procédure est introduite en référé par le bourgmestre.

Décision du président du tribunal du travail siégeant en référé

Par ordonnance du 9 janvier 2012, le président du tribunal du travail déclare l’action irrecevable. Celle-ci tendait à entendre dire que l’injonction est nulle et non avenue, le bourgmestre se fondant sur l’article 4sexies de la loi du 16 novembre 1972, qui permet d’introduire un recours devant le président du tribunal du travail dans certaines hypothèses visées par la même loi.

Appel est dès lors interjeté.

Décision de la cour du travail

La cour tranche dans un premier temps la question de la recevabilité de l’action ainsi que de la qualité et de l’intérêt du bourgmestre à agir. Ayant admis que le bourgmestre peut s’estimer lésé par la décision querellée, la cour examine le fond.

Tant la commune que l’Etat belge développant une argumentation fouillée en ce qui concerne à la fois la question visée (hiérarchie fonctionnelle) que les pouvoirs de l’inspection sociale, la cour rappelle que l’article 3, § 1er de la loi du 16 novembre 1972 donne compétence aux inspecteurs sociaux pour prescrire des mesures adéquates en vue de prévenir les menaces pour la santé et la sécurité du personnel ou d’éliminer les défectuosités ou formes de nuisance. En outre, il peut ordonner de prendre des mesures organisationnelles concernant les SIPPT et fixer un délai dans lequel celles-ci doivent être prises. Il bénéficie d’un pouvoir d’appréciation, prévu par l’article 9 de la loi, étant que lorsqu’il constate une infraction, il peut soit donner un avertissement soit déterminer un délai pour permettre aux contrevenants de se conformer à la règle soit encore dresser un procès-verbal. La cour rappelle ici la doctrine (M. GRATIA et G. VAN DE MOSSELAER, « Loi concernant l’inspection du travail : après 2006, avant un code de droit pénal social (partie I) », Orientations n°8, octobre 2009, p.18). En l’espèce, la cour constate que l’inspecteur social a accompli sa mission et que l’injonction donnée est légale.

En ce qui concerne l’indépendance du conseiller en prévention, celle-ci est garantie par plusieurs dispositions, dont plus particulièrement l’article 16 de l’arrêté royal du 27 mars 1998. Pour la cour, l’injonction est également régulière à cet égard.

Elle l’est également par rapport à l’article 43 de la loi du 4 août 1996 (principe d’indépendance à l’égard de l’employeur), la commune ayant notamment précisé dans son projet (litigieux) que le conseiller en prévention devait se comporter avec loyauté envers les dirigeants et l’administration.

En résumé, la cour n’admettra qu’un seul point par rapport à la régularité de l’injonction, étant que, en vertu de la nouvelle loi communale (article 123), c’est le Collège qui doit être considéré comme étant chargé de la gestion journalière. Ce n’est pas le secrétaire communal, même si le conseiller en prévention dépend de lui, en tant que membre du personnel de la commune, pour le quotidien administratif. Dès lors, l’injonction ne peut viser le bourgmestre ou un échevin et le bourgmestre ne peut être considéré, dans ce cas, comme l’employeur du personnel communal.

L’injonction est dès lors annulée mais dans cette mesure seulement. Elle est confirmée pour le surplus.

Intérêt de la décision

Cet arrêt soulève une problématique rarement abordée, étant d’une part qu’il clarifie les relations hiérarchiques entre le conseiller en prévention et son « employeur » dans l’hypothèse d’une commune. Par ailleurs, il rappelle les pouvoirs des inspecteurs sociaux dans le cadre de la loi du 4 août 1996 et de son arrêté d’exécution relatif aux services internes de prévention de protection au travail.


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