Terralaboris asbl

Détachement dans le cadre de la Convention belgo-américaine sur la sécurité sociale et droit aux vacances annuelles

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 20 novembre 2012, R.G. 2009/AB/52.585

Mis en ligne le mardi 23 avril 2013


Cour du travail de Bruxelles, 20 novembre 2012, R.G. n° 2009/AB/52.585

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 20 novembre 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que, en droit international privé, une convention internationale ayant des effets directs en droit interne prime une loi de police ou de sûreté, telle que celle en matière de vacances annuelles.

Les faits

Un citoyen de nationalité américaine, prestant en Belgique dans le cadre d’un détachement pour compte d’une société américaine reste assujetti à la législation des Etats-Unis en matière de sécurité sociale. Suite à la rupture du contrat de travail, intervenue en septembre 2006, une contestation va surgir en ce qui concerne divers montants restant dus. La cour du travail prononce, sur ceux-ci un arrêt en date du 6 septembre 2011 mais ordonne la réouverture des débats sur une demande relative aux pécules de vacances conformément à la législation belge relative aux vacances annuelles, ainsi qu’à une correction de l’indemnité compensatoire de préavis, tenant compte du pécule ainsi demandé.

Ces chefs de demande avaient été accordés par le premier juge et ils sont contestés par la société, appelante.

Décision de la Cour

La cour du travail examine dès lors la convention bilatérale Belgique / Etats-Unis sur la sécurité sociale signée le 19 février 1982.

Son champ d’application inclut la matière des vacances annuelles. La convention prévoit à cet égard que les travailleurs qui exercent une activité professionnelle sur le territoire d’une des parties sont uniquement soumis à la législation de cette partie même s’ils résident sur le territoire de l’autre partie ou si leur employeur ou le siège de l’entreprise qui les occupe se trouve sur le territoire de cette dernière partie. En ce qui concerne le travailleur détaché sur le territoire de l’autre partie contractant par son employeur afin d’y effectuer un travail pour son compte, il demeure soumis uniquement à la législation de la première partie contractante, à la condition que la durée prévisible de ce travail n’excède pas cinq ans (articles 5.1 et 6.1 de la Convention).

En conséquence, et en application de la convention, les parties ont décidé qu’il y avait détachement et, dès lors, que la législation des Etats-Unis en matière de sécurité sociale continuait à s’appliquer.

La veuve de l’employé (qui a repris l’instance suite au décès de ce dernier) conteste que les conditions de l’article 6.1 (détachement) soient remplies. La cour examine dès lors s’il y a (i) occupation sur le territoire des Etats-Unis par une entreprise dont le travailleur relève normalement, (ii) détachement vers la Belgique, (iii) travail en Belgique pour compte de la société américaine et (iv) respect de la durée maximale fixée à cinq ans. La cour aboutit à la conclusion que ces quatre conditions sont remplies et que si, en Belgique, l’intéressé a vu la relation de travail élargie à une société belge devenue co-employeur aux côtés de la société américaine, ceci ne fait pas obstacle à la validité du détachement au sens de la convention internationale. Il ne peut dès lors être exigé que la notion de détachement ne soit retenue qu’en l’absence de contrat de travail avec une société belge, qui intervient comme co-employeur. Pour la cour, il s’agit là d’ajouter au texte une condition qu’il ne contient pas.

La cour constate encore que la relation de travail avec la société américaine n’a pas été rompue et que l’élargissement à un autre employeur n’a pas porté atteinte à celle-ci. Elle renvoie à la doctrine en la matière (Y. JORENS, « Detachering en sociale zekerheid : het juridisch kader », Y. JORENS (red.), Handboek Europese detachering en vrij verkeer, Brussel, Die Keure, 2009, p. 57).

La validité du détachement est dès lors admise et, en conséquence, la loi applicable pour la question des vacances annuelles est la loi américaine.

Cependant, la cour doit encore examiner si, en fonction des règles du Code de droit international privé (article 20), il n’y a pas lieu d’appliquer des règles impératives ou d’ordre public du droit belge, et ce quel que soit le droit désigné par les règles de conflits de lois.

En d’autres termes, même si c’est la loi américaine qui est désignée, ceci n’implique-t-il quand-même pas l’application de la loi belge ?

La cour répond par la négative : en cas de conflit entre une norme de droit interne (étant l’article 3, alinéa 1er du Code civil remplacé par l’article 20 du Code de droit international privé) et une disposition de droit international qui a des effets directs dans l’ordre juridique interne, c’est la règle du traité qui doit prévaloir. C’est la jurisprudence LE SKI (Cass., 27 mai 1971). La cour rappelle encore un autre arrêt du 21 décembre 2009 (Cass., 21 décembre 2009, J.T.T., 2010, p. 81). Cette règle est, bien entendu, soumise à la condition que le traité ait reçu l’assentiment du pouvoir législatif.

La cour va dès lors conclure que le Code de droit international privé ne peut primer la convention bilatérale, dans la mesure où il a valeur législative au même titre que le Code civil. Par ailleurs, la cour relève qu’il prévoit lui-même en son article 2 qu’il vaut sous réserve de l’application de traités internationaux.

La conclusion de l’arrêt à cet égard est que le caractère de la loi de police et de sûreté de la loi de législation belge sur les vacances annuelles ne fait pas obstacle à la loi américaine en l’espèce.

Intérêt de la décision

Ce bref arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle un principe important, en cas de conflit de lois et particulièrement la primauté du traité international ayant des effets directs dans l’ordre juridique interne sur une disposition de droit interne, même s’il s’agit d’une loi de police ou de sûreté.


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