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L’action en revision et l’état de stress post-traumatique : l’évolution légère du syndrome justifie-t-elle la revision du taux d’incapacité permanente ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 22 janvier 2007, R.G. 46.411

Mis en ligne le vendredi 22 février 2008


Cour du travail de Bruxelles, 22 janvier 2007, R.G. 46.411

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 22 janvier 2007, la Cour du travail de Bruxelles répond par la négative, estimant que, quoique l’action en revision ne doit pas se fonder nécessairement sur un fait imprévisible (un fait nouveau suffisant), une légère évolution du syndrome de stress post-traumatique est une possibilité qui a normalement dû être prise en compte.

Les faits

Mme V. est victime d’un accident du travail en date du 13 février 1993. Il s’agit d’une agression à main armée dans l’exercice de ses fonctions (conductrice de tram).

Les séquelles de cet accident ont été fixées par jugement du 2 septembre 1997, sur la base d’un rapport d’expertise, qui préconisait un taux d’incapacité permanente de 20 %, eu égard aux séquelles de l’état de stress post-traumatique développé par la travailleuse ensuite de l’agression.

Juste avant l’issue de la période de revision, l’entreprise d’assurances introduisit une action en revision, se fondant une amélioration de l’état de Mme V. Elle produisait à cette fin un rapport de son médecin-conseil psychiatre, qui décrit une atténuation de l’état de stress post-traumatique ainsi qu’une légère régression des syndromes anxio-dépressifs y associés. Il conclut son rapport en estimant que le tableau psychique de la travailleuse est légèrement amélioré.

L’entreprise d’assurances sollicitait que le Tribunal désigne le même expert que celui désigné dans le cadre de la fixation des séquelles de l’accident, avec la mission de « revoir le taux d’incapacité permanente ».

La décision du tribunal

Le Tribunal refusa la demande d’expertise et débouta l’entreprise d’assurances, estimant que l’élément nouveau exigé par la loi n’est pas établi.

La position des parties

L’entreprise d’assurances interjeta appel du jugement. Elle faisait grief à la décision d’avoir retenu l’absence de caractère imprévisible de l’évolution de la situation de la victime, estimant que le critère d’imprévisibilité n’est pas requis. Pour elle, il y matière à revision dès lors qu’une modification de l’état de la victime n’était pas hautement vraisemblable lors de la consolidation.

Pour elle, il y a amélioration de l’état psychique de la victime, qui ne pouvait pas être envisagée lors de la consolidation.

Mme V. sollicita quant à elle la confirmation du jugement, soutenant que même s’il y a légère amélioration, celle-ci ne constitue pas un fait nouveau, inconnu et imprévisible au moment de la consolidation, la seule modification de l’état de la victime ne suffisant pas.

La décision de la cour

Sur le plan des principes, la Cour relève que, en application de l’article 72 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail et la jurisprudence de la Cour de cassation, la demande en revision suppose une modification de la perte de capacité de travail de la victime, se fondant sur des faits nouveaux qui n’étaient pas ou ne pouvaient pas être connus des parties au moment de la fixation des indemnités.

Dans ce cadre, la Cour rappelle qu’une amélioration ou une aggravation liée à une évolution normale (inévitable) de la pathologie ne peut donner lieu à revision. Il faut encore qu’apparaisse, non pas nécessairement un fait imprévisible mais, en tout cas, un fait nouveau par rapport aux constatations ayant donné lieu à l’indemnisation, fait nouveau inconnu des parties et du juge et que ceux-ci ne pouvaient raisonnablement prévoir.

Examinant le rapport d’expertise judiciaire ayant donné lieu à la fixation des indemnités ainsi que celui du médecin-conseil psychiatre de l’entreprise d’assurances (fondant sa demande de revision), la Cour constate une légère amélioration de l’état de santé de Mme V.

Cette évolution du syndrome de stress post-traumatique est considérée par la Cour comme constituant une possibilité qui a normalement dû être prise en compte lors de la fixation des indemnités. En conséquence, cette évolution ne peut être considérée comme le fait médical nouveau exigé.

Par ailleurs, la Cour relève qu’aucun élément probant et circonstancié n’établit que la légère évolution pointée ait modifié la perte de capacité de travail de la victime.

La Cour confirme ainsi le jugement entrepris, déboutant l’entreprise d’assurances de son action.

Intérêt de la décision

Ainsi que rappelé par l’arrêt, l’action en revision suppose un « fait nouveau », c’est-à-dire que l’action doit reposer sur une modification dans l’état de la victime qui résulte d’un fait médical qui n’était pas connu des parties au moment de la consolidation ou qui ne pouvait être connu d’elles.

Dans cet arrêt, la Cour du travail précise que ce fait nouveau ne doit pas nécessairement être imprévisible. Il faut qu’il ait été inconnu des parties et qu’il n’ait pu être raisonnablement prévu par elles. La Cour précise ainsi l’une des conditions – essentielles – de l’action en revision et se prononce sur le débat de la nature – imprévisible ou imprévu – de l’élément nouveau.

Confrontée à une évolution, légère, d’un état de stress post-traumatique, la Cour estime que cette évolution est une possibilité envisageable lors de la fixation des séquelles, de sorte qu’elle a ou aurait dû être prévue par les parties.

L’on peut en conséquence retenir de cet arrêt que, dès lors qu’une pathologie est normalement susceptible d’évoluer vers une légère amélioration ou aggravation, elle n’ouvre pas le droit à révision.


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