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Soins de santé et indemnités : comment vérifier la capacité de travail initiale ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 6 février 2013, R.G. 2011/AB/814

Mis en ligne le mercredi 22 mai 2013


Cour du travail de Bruxelles, 6 février 2013, R.G. n° 2011/AB/814

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Dans un arrêt du 6 février 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les éléments de référence dans l’appréciation de l’existence d’une capacité de travail initiale. La cour renvoie également à la notion de « équivalence des faits » afin de tenir compte de prestations à l’étranger.

Les faits

Une dame Y. bénéficie d’indemnités d’incapacité de travail depuis juin 2010 à charge de sa mutuelle. Quelques semaines plus tard, lui est notifiée une décision de fin d’incapacité, décision qu’elle conteste devant le tribunal du travail de Bruxelles.

Dans le cadre de la procédure, le médecin-conseil de la mutuelle précise qu’il ne s’agit pas de constater l’amélioration de la capacité de travail de l’intéressée mais au contraire de relever que celle-ci n’en aurait jamais eue. En conséquence, il ne peut y avoir réduction de deux tiers de cette capacité (celle étant inexistante).

Décision de la cour du travail

La cour rappelle les termes de l’article 100 de la loi coordonnée le 14 juillet 1994 sur l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, disposition qui exige trois conditions pour la reconnaissance de l’incapacité de travail étant que (i) le travailleur doit avoir cessé toute activité, (ii) ceci doit être la conséquence directe du début ou de l’aggravation (la cour souligne) de lésions ou troubles fonctionnels et (iii) ceux-ci doivent entraîner une réduction de plus de deux tiers de la capacité de gain.

Elle reprend l’historique de cette disposition, étant que l’exigence d’un lien direct entre la cessation du travail et le début ou l’aggravation de lésions ou troubles fonctionnels a été introduite par l’arrêté royal n° 22 du 23 mars 1982. Le législateur a ainsi voulu exclure de ce régime les personnes qui présentaient déjà une capacité de travail fortement diminuée au moment de leur mise au travail : pour celles-ci, l’interruption ne peut être considérée comme l’aggravation de l’état de santé.

La cour va dès lors examiner les critères de référence, étant de savoir quand une cessation de travail peut-elle être considérée comme liée à une capacité existante ou inexistante ? En effet, en l’absence de capacité de gain au sens de l’article 100, l’aggravation de l’état de santé n’ouvre pas le droit aux indemnités.

La cour va ici apporter une précision importante étant que la disposition légale n’exige pas que la capacité de gain initiale soit celle sur le marché normal de l’emploi, à savoir celle d’une personne apte à 100%. Elle renvoie ici à sa propre jurisprudence ((C. trav. Bruxelles, 21 décembre 2006, R.G. n° 43.978). Il faut dès lors qu’une capacité existe au départ et qu’elle soit susceptible d’être affectée par une aggravation.

Reprenant diverses décisions rendues, la cour fait sienne la méthode adoptée dans celles-ci étant qu’il faut suivre une méthode empirique, à savoir qu’il faut vérifier au cas par cas l’existence de cette capacité. La cour reprend quelques exemples, dans lesquels l’absence de capacité initiale a été retenue, ainsi le fait d’avoir travaillé comme étudiant pour une durée de quinze jours et ce pendant trois années consécutives, le fait d’exercer une activité occasionnelle, la conclusion d’un contrat d’apprentissage ou encore de brèves prestations comme travailleur intérimaire.

Par contre, à partir du moment où une occupation plus importante a été exercée, l’on s’oriente vers la constatation de l’existence de cette capacité et la cour renvoie ainsi à une période de travail de quinze mois, admise dans une décision du Tribunal du travail de Liège (Trib. trav. Liège, 6 mars 2007, R.G. n° 359.534-363.714), qui a certes conclu à l’existence d’une situation fragile au départ (schizophrénie) mais à la confirmation de cette capacité vu les quinze mois de travail. D’autres exemples sont donnés et la cour cite notamment une durée de dix-huit mois (C. trav. Bruxelles, 31 mars 2010, R.G. n° 51.596 et 51.621).

C’est sur la base de ces critères qu’elle examine la situation de l’intéressée, qui dans son dossier a de nombreux certificats médicaux. Cependant, il faut relever qu’elle a travaillé pendant une période d’environ six mois dans le cadre de titres-services, même si cette période a été interrompue à différentes reprises pour raisons médicales.

La cour relève cependant qu’auparavant, l’intéressée a travaillé de manière plus importante en Espagne, ce qui est dûment attesté par l’intéressée, étant une occupation supérieure à 500 jours à partir de 2001. Ceci est de nature à confirmer, pour la cour, l’existence d’une capacité de travail significative à l’origine.

À l’organisme assureur, qui soutient que l’on ne peut tenir compte de prestations effectuées à l’étranger, la cour répond qu’il faut se référer au principe d’équivalence des faits. Ce principe a été consacré par la Cour de Justice dans divers arrêts et il figure actuellement en tant que tel dans le Règlement européen n° 883/2004 en son article 5,b). La cour réforme dès lors le jugement.

Intérêt de la décision

Cet arrêt est intéressant à deux égards, étant qu’il conclut à l’existence de la capacité de travail initiale dès lors qu’une période significative de travail est constatée (référence étant faite à une décision qui a retenu quinze mois de travail), même si aucune règle n’existe fixant une limite inférieure à celle-ci.

Par ailleurs, c’est très judicieusement que la cour renvoie au principe de l’équivalence des faits, consacré dans le Règlement 883/2004, et ce à partir de la jurisprudence de la Cour de Justice. Il faut, en vertu de ce principe, tenir compte des faits ou événements survenus dans tout autre Etat membre, et ce comme s’ils étaient survenus sur le territoire de l’Etat membre compétent lorsque, survenus dans l’Etat compétent, ils sont de nature à produire des effets juridiques (article 5, b) du règlement 883/2004).


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