Terralaboris asbl

Frais forfaitaires et cotisations de sécurité sociale

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 10 avril 2008, R.G. 47.351

Mis en ligne le jeudi 13 juin 2013


Cour du travail de Bruxelles, 10 avril 2008, R.G. 47.351

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 10 avril 2008, confirmant sa jurisprudence, la Cour du travail de Bruxelles estime qu’il appartient à l’ONSS, même assigné en remboursement d’un avis rectificatif payé sous toute réserve, de prouver que les frais forfaitaires alloués au travailleur constituent de la rémunération. En l’espèce, il s’agissait de frais liés aux déplacements d’ouvriers (frais des repas à prendre à l’extérieur). Pour ce qui est des repas, le montant étant à peine plus élevé que 22 chèques repas, le forfait est retenu comme raisonnable.

Les faits

La société X. est active dans le secteur de la publicité, créant et plaçant chez les clients des enseignes, bâches, autocollants, … Elle occupe une quinzaine d’ouvriers et deux employés. Le personnel, tant ouvrier qu’employé, se déplace en clientèle (étude du projet et placement). Ils ne peuvent rentrer à l’entreprise tous les midis. Certains membres du personnel effectuent les déplacements avec leur propre véhicule.

La société n’offre pas de chèques-repas, mais elle octroie un remboursement mensuel forfaitaire de frais, de 123,95 € (5.000 BEF).

En novembre 2001, la société fait l’objet d’un contrôle par le service d’inspection de l’ONSS, qui, dans un premier temps n’examine que la situation de deux employés (qui effectuaient des déplacements avec leur propre véhicule). A l’issue de ce contrôle, l’ONSS estime que le montant du remboursement de frais doit être soumis aux cotisations pour l’ensemble du personnel.

Il émet en conséquence un avis rectificatif, que la société paye sous toute réserve, signalant son opposition quant à la position de l’ONSS. Elle cite ensuite l’ONSS en remboursement.

La décision du tribunal

Le Tribunal fait droit à la demande de la société, sauf pour ce qui concerne les périodes de suspension du contrat pendant lesquelles l’indemnité était accordée. Il réserve à statuer, demandant des documents et décomptes pour que puissent être calculés les frais soumis aux cotisations.

La décision de la Cour

Quant au rappel des principes, la Cour se réfère à l’avis de l’Avocat général donné dans une autre affaire et reproduit dans un arrêt du 28 avril 2005 (R.G. 44.277), ainsi qu’à l’arrêt lui-même.

Il en ressort les principes suivants :

1. les frais professionnels sont exclus de la notion de rémunération pour autant qu’ils constituent des dépenses entraînées par l’exercice de l’activité professionnelle du travailleur ou par l’existence du contrat ou qu’ils correspondent à des frais réels supplémentaires que l’employeur est tenu de rembourser (Cass., 15 janv. 2001, S.99.0074.F. ; Cass., 19 juin 2000, J.T.T., 2000, p. 313).

2. La charge de la preuve repose sur l’ONSS, qui doit justifier du bien-fondé de sa position (et ce même s’il n’est pas partie au procès en qualité de demandeur, l’arrêt citant Cass., 14 janv. 2002, R.G. S000193F) et ne peut se limiter à contester les éléments avancés par la société.

Dans le cas d’espèce, la Cour retient les explications fournies par la société quant au fait que les déplacements professionnels imposés aux travailleurs leur imposent de prendre leurs repas hors de l’entreprise, et ce même si cette explication n’a été avancée que dans un second temps (au départ, la société invoquant le remboursement des frais de déplacement eux-mêmes, explication qui ne justifie pas le forfait pour les ouvriers se déplaçant avec les véhicules de l’entreprise). La Cour retient que la succession des explications provient de la manière dont a été faite l’enquête (portant d’abord sur deux employés - qui utilisaient leur véhicule pour les déplacements professionnels - puis sur les ouvriers qui doivent manger hors de l’entreprise du fait des déplacements professionnels). Elle constate par ailleurs que l’ONSS a reçu des explications détaillées et circonstanciées à cet égard.

La Cour examine ensuite le caractère raisonnable du forfait, c’est-à-dire si elle peut constater un rapport de proportionnalité entre le forfait et le montant des frais que l’on peut estimer.

Vu le caractère raisonnable du montant, comparable à la part patronale dans les chèques repas (22 x 4,91 €), elle admet le montant du forfait, et ce sans tenir compte des éventuelles périodes de suspension du contrat, dès lors que le forfait peut être justifié sur la base d’une moyenne de missions en extérieur inférieure à la moitié des jours ouvrables par mois.

Elle fait donc droit à la demande originaire de la société (remboursement du montant de l’avis rectificatif).

Elle examine par ailleurs les chefs de demande incidents, étant d’une part la demande de la société de répétibilité des honoraires de son conseil et d’autre part les dommages et intérêts pour appel téméraire et vexatoire dans le chef de l’ONSS.

Sur le premier point, elle dit devoir appliquer les nouvelles règles en matière d’indemnité de procédure, dès lors que le nouveau régime était applicable au moment des plaidoiries. Elle rouvre les débats pour permettre aux parties de s’expliquer sur ce point.

Quant au second point, elle rejette la demande de la société, estimant qu’elle ne démontre ni l’intention de nuire dans le chef de l’ONSS, ni que celui-ci n’avait aucune chance raisonnable de voir aboutir son appel.

Intérêt de la décision

La décision reprend la jurisprudence habituelle de la Cour quant à l’assujettissement des remboursements forfaitaires de frais, confirmant que l’ONSS supporte la charge de la preuve du caractère rémunératoire. Elle constitue par ailleurs une illustration d’un cas d’espèce principal étant celui des travailleurs accomplissant des missions à l’extérieur du siège de l’entreprise (en clientèle).


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