Terralaboris asbl

Négligences de l’O.N.S.S. : incidence sur les intérêts judiciaires et les termes et délais

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 8 mai 2008, R.G. 49.924

Mis en ligne le jeudi 13 juin 2013


Cour du travail de Bruxelles, 8 mai 2008, R.G. n° 49.924

Terra Laboris Asbl

Dans un arrêt du 8 mai 2008, la Cour du travail de Bruxelles fait une application circonstanciée de la possibilité existant pour le juge de suspendre le cours des intérêts judiciaires, en cas de retard anormal de la procédure.

Les faits

L’intéressé exerçait la profession d’agriculteur et de fruiticulteur. Suite à une visite de l’inspection sociale en décembre 1995, il fut tenu d’affilier à l’O.N.S.S. des travailleurs occasionnels qu’il occupait. ( ?)

Un formulaire F33 fut rédigé aux fins de régularisation des cotisations et l’intéressé se dit prêt à se conformer à la demande de l’Office.

Après de nouveaux contacts, au cours desquels il manifesta son désir de régulariser la situation, le demandeur chargea cependant son conseil, en juillet 1997, de prendre contact avec l’O.N.S.S. au motif qu’une proposition de loi avait été déposée aux fins de modifier la réglementation, et ce même avec la possibilité d’effet rétroactif.

L’Office lança cependant citation et l’affaire fut renvoyée au rôle.

Un arrêté royal fut pris en date du 18 juillet 1997, modifiant la réglementation, dans le sens où la régularisation ne devrait pas toucher l’ensemble des travailleurs (et la Cour relèvera que l’administration aurait envisagé, à ce moment, de traiter les dossiers non clôturés à la lumière de la réglementation nouvelle).

Le texte fut à nouveau modifié par une loi du 12 août 2000 et ce n’est qu’à la mi-2003 que l’Office aurait communiqué à son conseil sa position, étant que le nouveau texte légal n’avait aucune incidence sur le dossier de l’intéressé. Deux ans plus tard, ce conseil informa le conseil de l’employeur. Une fixation judiciaire fut enfin demandée, de nouvelles conclusions déposées et, vu la relance du dossier, l’intéressé commença à s’acquitter à partir d’avril 2007 de mensualités de 125€.

Par jugement du 14 mai 2007, le tribunal du travail le condamna au paiement d’une somme d’environ 7.000€ à majorer des intérêts légaux et judiciaires sur le principal. Les termes et délais accordés étaient de 690€ par mois.

L’intéressé interjeta appel et l’arrêt porte uniquement sur la question des intérêts judiciaires et des termes et délais.

Position de la Cour

La Cour rappelle que le juge peut refuser d’accorder les intérêts judiciaires sur les cotisations sociales réclamées lorsqu’il est établi que le retard apporté à la décision judiciaire est du à la négligence du demandeur, en l’espèce l’O.N.S.S. La Cour se réfère à la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 27 juin 1994, Arr. Cass., p. 663) en ce qui concerne les intérêts sur la rémunération.

Dans cette hypothèse, le défendeur ne commet pas de faute lorsqu’il n’entreprend aucune initiative pour diligenter la procédure. Il peut en effet espérer que le demandeur, qui a laissé dormir la procédure pendant plusieurs années, n’entreprendra plus aucune démarche aux fins de la poursuivre. En l’espèce, la Cour relève qu’il y a eu des discussions pendant des années entre le secteur de l’agriculture et le ministère en ce qui concerne la modification des conditions de débition des cotisations de sécurité sociale pour les travailleurs occasionnels dans la cueillette des fruits et que de nombreuses modifications sont intervenues, et ce même avec effet rétroactif. Celles-ci ont duré jusqu’à la modification légale en août 2000. Après cette date, plus rien n’est intervenu qui eut pu concerner l’intéressé.
La Cour relève que ce ne fut qu’en 2005 que la procédure judiciaire fut reprise et que l’O.N.S.S. n’a aucune explication à donner en ce qui concerne les raisons de cet état de choses.
Le retard mis à l’issue de la procédure après la modification légale du 22 août 2000 est donc en grande partie dû à l’O.N.S.S. La Cour suspend dès lors les intérêts judiciaires entre le 1er septembre 2000 et le 29 juillet 2005. C’est en effet à ce moment que le conseil de l’O.N.S.S. reprit des initiatives dans le dossier.

Par ailleurs, en ce qui concerne les termes et délais, la Cour retient que la citation a été lancée plus de onze ans avant le moment où elle statue et que, dans ces onze années, cinq sont dues à la négligence de l’Office. Entre-temps, la situation financière et personnelle de l’intéressé s’est dégradée, celui-ci étant incapable de travailler à 100%. En conséquence, des termes et délais conformes à ceux proposés par lui sont acceptés, étant 125€.

Intérêt de la décision

La question de la suspension des intérêts judiciaires est maintes fois portée devant les juridictions du travail. La Cour rappelle ici que dans une telle hypothèse il ne peut être fait grief au défendeur de ne pas avoir pris des initiatives, et ce au motif qu’il peut légitimement penser que le demandeur peut se désintéresser de son action.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be