Terralaboris asbl

Lombalgies et causes de revision pour aggravation

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 16 avril 2007, R.G. 47.217

Mis en ligne le vendredi 22 février 2008


Cour du travail de Bruxelles, 16 avril 2007, R.G. n° 47.214

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 16 avril 2007, la Cour du travail de Bruxelles a rappelé que l’action en revision ne sert pas à procéder à l’évaluation d’une incapacité engendrée par une lésion qui n’aurait pas été reconnue en son temps.

Les faits

Le demandeur originaire, ouvrier chauffagiste – plombier, avait été victime d’un accident du travail survenu sur la route en 1996.

Par jugement du 18 septembre 2001, le tribunal du travail entérina le rapport d’expertise ordonnée par un jugement précédent, fixant le taux de l’I.P.P. à 15% à partir du 1er avril 1998.

En avril 2004, l’entreprise d’assurances notifia à l’intéressé que le taux d’incapacité octroyé n’était pas modifiable et qu’il lui restait, par conséquent, définitivement acquis.

Le médecin traitant, toutefois, considérait qu’après examen de l’état clinique et à la lecture des conclusions du rapport de l’expert judiciaire désigné en son temps, des éléments nouveaux étaient apparus, qui devaient faire reconsidérer le taux fixé.

L’intéressé lança dès lors citation en août 2004.

La position du tribunal

Le tribunal constata, sur la base du rapport médical déposé par le demandeur, que le rapport de l’expert judiciaire ne retenait les lombalgies ni au titre de séquelles objectives, ni au titre de séquelles subjectives, ni comme étant en relation causale avec l’accident du travail. Il en déduisait que celles-ci ne constituaient pas un fait médical nouveau, puisque déjà signalées lors de l’expertise initiale et l’expert n’ayant à cet égard pas retenu le lien de causalité.

Par ailleurs, le demandeur faisant état d’une déformation au niveau de l’astragale droit, le tribunal reprit les constatations de l’expert et, celles-ci étant comparées à la situation qui lui était présentée, estima que si ce fait (déformation) était établi, il pourrait s’agir d’une modification de l’état physique justifiant l’examen requis dans le cadre d’une procédure en revision.

Le demandeur interjeta appel du jugement.

La position des parties en appel

Le demandeur contesta essentiellement les conclusions du jugement en ce qu’il considérait que les lombalgies ne constituaient pas un fait médical nouveau puisque déjà signalées lors de l’expertise initiale.

Il fournissait, par ailleurs, des éléments médicaux relatifs à la déformation au niveau de l’astragale droit.

Quant à l’entreprise d’assurances, elle postulait la confirmation du jugement, en ce qu’il avait refusé de tenir compte des douleurs lombaires comme pouvant constituer un motif de revision.

La position de la Cour

La Cour reprend les principes en matière de revision.

Le jugement ayant été signifié le 5 novembre 2001, la Cour rappelle que le délai de revision prend cours lorsque le jugement statuant sur les séquelles est passé en force de chose jugée. La période de revision se situe donc entre le 5 décembre 2001 (soit date de la signification plus un mois) et le 5 décembre 2004.

Elle rappelle également que cette action est fondée sur une modification de la perte de capacité de travail de la victime (ou sur son décès). Il y a dès lors lieu de constater l’apparition d’un fait médical nouveau ayant entraîné une modification des répercussions économiques de l’accident. L’action en revision est soumise à des conditions légales : modification de l’état physique de la victime de nature à entraîner une modification du taux d’I.P.P., exigence que cette modification ait constitué un fait un nouveau qui n’était pas connu ou ne pouvait pas être prévu de façon certaine à la date de l’accord ou de la première décision fixant le taux de l’I.P.P., modification de l’état de santé due aux conséquences de l’accident survenue pendant le délai de revision.

Dans le cadre de cette action, la victime ne bénéficie pas de la présomption contenue dans l’article 9 de la loi du 10 avril 1971 et supporte, en conséquence, la charge de la preuve de la réalisation de ces quatre conditions.

Pour le demandeur originaire, le « réveil » des lombalgies après la clôture du rapport d’expertise constitue un élément nouveau et imprévu, susceptible de donner lieu à l’action e revision. Il fait valoir que le terme de « lombalgie » n’est qu’un symptôme et que la pathologie peut quant à elle être de nature diverse. Lors de la fixation des séquelles, ni l’expert judiciaire, ni les autres médecins intervenants ne se sont interrogés sur cette pathologie, qui causait les lombalgies en question. Le fait médical nouveau est, ainsi, pour la Cour un fait médical qui a été omis lors de la détermination du taux de l’I.P.P. Or, pour la Cour, l’action en revision ne sert pas à procéder à l’évaluation d’une incapacité engendrée par une lésion qui n’aurait pas été reconnue en son temps alors qu’elle existait, ou dont l’incidence sur l’incapacité de travail aurait mal été appréciée.
La Cour rappelle les principes selon lesquels, si une lésion existait lors de la fixation du taux et que dans la constatation des séquelles le juge n’en tient pas compte, il ne peut y avoir lieu à revision. L’action en revision n’est en effet pas une voie de recours contre une première évaluation, ni une action en rectification d’une erreur ou d’une omission commise à ce moment.

Vu ces éléments, la Cour confirmera le jugement dont appel.

Toutefois, en ce qui concerne la question de l’astragale droit, elle constatera qu’il y a une contestation d’ordre médical et qu’il y a lieu de désigner un expert.

Intérêt de la décision

La décision reprend de manière stricte les principes applicables lors de l’intentement d’une action en revision pour aggravation, dont elle rappelle les quatre conditions légales, dont la preuve appartient au demandeur – qui ne bénéficie pas de la présomption de causalité prévue dans l’article 9 de la loi sur les accidents du travail.

Elle confirme également le principe selon lequel l’action en revision n’est pas à confondre avec une voie de recours contre une première évaluation ni avec une action en rectification d’une erreur ou d’une omission commise lors de la fixation des séquelles.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be