Terralaboris asbl

Prestations à l’étranger pour une société n’ayant pas de siège d’exploitation en Belgique : droit à un pécule de vacances belge ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 18 avril 2013, 2012/AB/407

Mis en ligne le lundi 15 juillet 2013


Cour du travail de Bruxelles, 18 avril 2013, R.G. n° 2012/AB/407

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 18 avril 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que, en cas de prestations à l’étranger pour un employeur qui n’a pas de siège d’exploitation en Belgique, le contrat soumis à la loi belge emporte le droit aux vacances annuelles conformément aux conditions des aux lois coordonnées du 28 juin 1971.

Les faits

Un employé signe un contrat de travail en juin 2007 comme chef d’équipe d’une société de travaux, le contrat devant être exécuté à Dubaï. L’affiliation à l’OSSOM est prévue. Un an et demi plus tard, la société met fin au contrat au motif d’une diminution de la charge de travail. L’intéressé se voit allouer un préavis de 14 jours calendrier.

Il conteste assez rapidement, par la voie de son conseil, les conditions de la rupture, faisant valoir que le droit belge s’applique au contrat et non le droit des Emirats Arabes Unis. Il demande dès lors une indemnité compensatoire de six mois de préavis et un solde de jours de congé.

La société admet, dans le cadre de discussions ultérieures, l’application du droit belge mais considère que l’intéressé a, en qualité de chef d’équipe, le statut d’ouvrier.

Les discussions se poursuivent, le travailleur faisant référence au terme « employé » repris dans son contrat de travail. Il vise également le caractère intellectuel de ses fonctions. En ce qui concerne les jours de congé, il rappelle que pendant son occupation, il avait des congés payés par la société.

Les parties restant sur leur position, une procédure est introduite devant le tribunal du travail, en paiement d’une indemnité complémentaire de préavis, d’un solde de rémunération et de pécule de vacances.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 30 janvier 2012, le tribunal du travail alloue une indemnité de rupture et fait en principe droit au chef de demande relatif aux vacances, ordonnant sur cette question une réouverture des débats.

La société interjette appel.

Position des parties en appel

Les parties reviennent à leur position initiale, le travailleur contestant la limitation de l’indemnité compensatoire de préavis à 4 mois au lieu de 6.

La société considère pour sa part que si la loi belge s’applique au contrat il n’en va pas de même de la législation en matière de vacances annuelles, vu l’exécution du contrat à l’étranger. Elle renvoie à l’article 1er de la loi du 28 juin 1971 relative aux vacances annuelles, ainsi qu’à l’article 3 de la loi du 27 juin 1969. Pour elle, l’intéressé sort du champ d’application de celles-ci puisqu’il n’a pas travaillé en Belgique mais uniquement à Dubaï. Il ne peut, en conséquence, revendiquer l’application de la loi relative aux vacances annuelles des travailleurs salariés, et ce peu importe qu’il s’agisse en l’occurrence d’une loi de police. Elle fait particulièrement valoir que, même si le traité de Rome renvoie du droit belge (et donc à la loi du 28 juin 1971), l’application effective de celle-ci dépend de son propre domaine d’application matérielle : celui-ci vise les personnes soumises aux réglementations de sécurité sociale pour travailleurs salariés, étant ceux employés en Belgique ou liés à un siège d’exploitation établi en Belgique.

Décision de la cour du travail

La cour reprend, dans un premier temps, la question des vacances annuelles, rappelant qu’il n’y a pas lieu de se référer aux règles de la Convention de Rome pour déterminer la loi applicable au contrat. Les parties sont en effet d’accord de retenir le droit belge. En outre, il y a affiliation à l’OSSOM, destinée à pallier l’absence de couverture de sécurité sociale, vu que l’employeur n’est pas établi en Belgique et n’a par ailleurs pas de siège d’exploitation sur le territoire. Le régime OSSOM ne couvre cependant pas les prestations de vacances ou de pécules de vacances des employés belges travaillant à l’étranger.

Il faut, comme la cour le rappelle, renvoyer au champ d’application des lois coordonnées du 28 juin 1971 sur les vacances annuelles, qui vise les personnes assujetties aux régimes de sécurité sociale des travailleurs mais n’exigent pas un assujettissement au régime belge (la cour souligne) de sécurité sociale. Seules deux catégories de travailleurs sont exclues de son champ d’application : il s’agit des travailleurs manuels d’une part et des personnes qui bénéficient d’un autre régime de vacances annuelles de l’autre. Est visé dans le contrat en l’espèce un régime de congés, dont une partie peut d’ailleurs être considérée comme des congés compensatoires vu un régime de travail particulièrement lourd. La cour va dès lors demander aux parties, dans le cadre d’une réouverture des débats, de préciser si l’intéressé a ou non bénéficié d’un autre régime de vacances annuelles que le régime belge.

Reste encore à déterminer la qualification du travailleur : ouvrier ou employé ?

Se pose en effet un premier problème, étant la référence au terme « employé ». La société excipe de l’utilisation d’un terme peu approprié, repris de l’anglais (employee) ou destiné à faire la distinction avec un statut d’indépendant. En ce qui concerne les fonctions exercées, il s’agit d’un travail de « chef d’équipe ». En néerlandais, celles-ci correspondent à « ploegbaas » et en anglais à « foreman ». Elle renvoie également à la qualification professionnelle de la commission paritaire 124.

La cour va cependant se tourner vers les conditions contractuelles et relève notamment l’existence d’une clause d’essai de six mois, qu’elle considère comme incompatible avec le statut d’ouvrier. Elle rappelle également que le paiement de la rémunération intervenait à des échéances mensuelles, le contrat contenant également des avantages autres généralement octroyés à des employés. En outre, quant à la référence à la CP n° 124, la cour ne la retient pas comme adéquate, la société devant prouver que les tâches exécutées étaient d’ordre principalement manuelles. Conformément à la définition du chef d’équipe, la société devrait établir qu’il était aidé de plusieurs ouvriers et qu’il surveillait un travail requérant sa participation manuelle. Ceci n’est pas avéré et, en conséquence, le statut d’employé est retenu, ce que confirme encore la description des tâches attribuées par une description de fonctions produite pour la première fois en degré d’appel.

La cour statue encore sur d’autres chefs de demande, relatifs à l’assiette de base de l’indemnité compensatoire de préavis, parmi lesquelles une allocation mensuelle de l’ordre de 1.260€ par mois ainsi que la mise à disposition d’un logement. L’allocation fait, pour la cour, partie de la rémunération du travailleur, étant payée du fait de l’expatriation. Par contre, la mise à disposition d’un logement ne procure aucun avantage rémunératoire au travailleur, la cour retenant que, du fait de l’expatriation, il n’y a pas nécessairement économie d’un loyer dans le pays d’origine.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt, la cour du travail rappelle les conditions d’application de la loi sur les vacances annuelles belge en cas de prestations à l’étranger pour une société qui n’a pas de siège d’exploitation établi en Belgique. Est exclu du champ d’application le travailleur avec statut d’employé qui bénéficie d’un autre régime de vacances annuelles que le régime belge. La cour demande ici aux parties d’établir si tel est le cas. A défaut, la loi belge s’appliquera.


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