Terralaboris asbl

Chômage et exercice d’une activité accessoire non déclarée : que faut-il rembourser en cas de bonne foi ?

Commentaire de C. trav. Mons, 20 mars 2013, R.G. 2010/AM/450

Mis en ligne le lundi 22 juillet 2013


Cour du travail de Mons, 20 mars 2013, R.G. n° 2010/AM/450

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 20 mars 2013, la Cour du travail de Mons écarte pour illégalité l’article 169, alinéa 5, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, au motif de l’absence non justifiée de consultation du Conseil d’Etat.

Les faits

Une activité accessoire est exercée par un bénéficiaire d’allocations de chômage. Celui-ci est convoqué par les services de l’ONEm et explique qu’il ignorait devoir faire une déclaration préalable. Il fait valoir sa bonne foi, précisant qu’en général l’activité est exercée dans la plage horaire autorisée et que lorsqu’il y a des prestations en journée, il biffe la case correspondante de sa carte de pointage.

L’ONEm décide de l’exclure pour la période correspondante, soit onze mois. Il admet la bonne foi, limitant ainsi la récupération aux 150 dernières journées et prend également deux sanctions d’exclusion sur pied des articles 153, 154 et 157bis, § 2 de l’arrêté royal. L’indu est notifié. Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Charleroi.

Dans son recours, l’intéressé fait grief de ne pas avoir appliqué l’article 169, alinéa 5 de l’arrêté royal (limitation de la récupération au montant brut des revenus non cumulables avec le chômage) et d’avoir cumulé les sanctions des articles 153 et 154, seule la sanction la plus élevée (154) devant être retenue.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 3 décembre 2010, l’exclusion pour la période d’exercice de l’activité en cause est maintenue. Sur la base des montants générés par l’activité en cause, le tribunal considère cependant qu’il n’y a lieu à aucune récupération, appliquant ainsi l’article 169, alinéa 5 de l’arrêté royal. Il réforme également la décision administrative sur les sanctions appliquées.

L’ONEm interjette appel.

Position des parties en appel

L’ONEm fait essentiellement valoir que l’article 169, alinéa 5, ne peut s’appliquer lorsque les conditions de l’alinéa 2 de la même disposition sont remplies. Il s’agit d’une dérogation aux alinéas précédents. L’alinéa 2 contient une possibilité de limitation de la récupération d’un nombre maximal d’allocations indues tandis que l’alinéa 5 vise la limitation à un montant déterminé, et ce indépendamment du nombre d’allocations en cause. Subsidiairement, l’ONEm fait valoir que, à supposer qu’il faille appliquer l’alinéa 5, le calcul effectué par le premier juge est erroné, les frais généraux déduits ne devant pas l’être, de telle sorte que reste en tout état de cause un solde d’indu, correspondant au bénéfice brut dégagé par l’activité exercée. L’ONEm fixe celui-ci à un montant de l’ordre de 1.900€.

Quant à l’intimé, il demande confirmation du jugement, considérant que le juge a fait une correcte interprétation de l’alinéa 5 de l’article 169.

Décision de la cour du travail

La cour soulève d’office un moyen tiré de l’absence de consultation du Conseil d’Etat lors de l’insertion de l’alinéa 5 dans l’article 169 par l’arrêté royal du 27 avril 2001.

Elle rappelle que, en vertu de l’article 3, § 1er, alinéa 1 des lois coordonnées du 12 janvier 1973 sur le Conseil d’Etat, le texte de tous avant-projets de lois ou de projets d’arrêtés réglementaires doit être soumis à l’avis motivé de la section de législation du Conseil d’Etat hors les cas d’urgence. L’urgence doit, en vertu du texte légal, être spécialement motivée.

En l’espèce, cette motivation a résidé dans le fait que les organismes de paiement des allocations de chômage et les services de l’ONEm devaient être mis au courant sans délai des mesures prévues par l’arrêté, et ce afin de pouvoir adopter à temps les procédures administratives nouvelles.

La cour constate qu’il faut examiner s’il n’y a pas eu en l’espèce détournement de pouvoir, c’est-à-dire si la notion d’urgence a été respectée. Elle examine, ainsi, la pertinence de la motivation de l’urgence invoquée. Pour la cour, celle-ci est tautologique et ne répond pas aux critères de pertinence exigés par la loi. En conséquence, la norme ne peut être appliquée. La cour l’écarte, renvoyant à un arrêt du 25 novembre 2002 de la Cour de cassation (Cass., 25 novembre 2002, S.02.0016.F).

Elle constate ensuite qu’il n’y a pas lieu d’apprécier la situation eu égard à la disposition applicable auparavant, puisqu’il s’agissait d’une nouvelle mesure destinée à atténuer la rigueur des effets du cumul prohibé. En conséquence, elle fait droit à la demande de l’ONEm mais pour d’autres motifs que ceux que l’Office avait fait valoir.

Reste encore une question, étant le montant dont la récupération est demandée. L’ONEm a fixé celui-ci à ce qu’il considère être le bénéfice brut global, soit une somme précisément calculée conformément à l’article 169, alinéa 5, eu égard à la bonne foi de l’intéressé. Cette disposition étant écartée, la référence au bénéfice brut n’est dès lors pas adéquate mais la cour constate ne pas pouvoir statuer ultra petita et accorder davantage que ce qui est réclamé.

Intérêt de la décision

Cet arrêt a conclu à l’écartement de l’article 169, alinéa 5 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 sur le chômage, qui prévoit, par dérogation aux aliénas précédents de la même disposition, que le montant de la récupération peut être limité au montant brut des revenus dont le chômeur a bénéficié et qui n’étaient pas cumulables avec les allocations de chômage, lorsque le chômeur prouve qu’il a perçu de bonne foi des allocations auxquelles il n’avait pas droit, ou lorsque le directeur décide de faire usage de la possibilité de ne donner qu’un avertissement au sens de l’article 157bis du même arrêté. Le motif de l’écartement est l’absence de consultation du Conseil d’Etat, que la cour a rappelé être une formalité substantielle. La cour a également renvoyé à un arrêt de la Cour de cassation, qui avait conclu pour les mêmes motifs à l’illégalité de l’article 8, § 5, 1° de l’arrêté ministériel d’application du 26 novembre 1991 (version postérieure à l’arrêté ministériel du 27 avril 1994).


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