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Amendes administratives et décimes additionnels : calcul en cas de concours d’infractions

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 2 mai 2013, R.G. 2012/AB/1.018

Mis en ligne le mercredi 4 septembre 2013


Cour du travail de Bruxelles, 2 mai 2013, R.G. n° 2012/AB/1.018

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 2 mai 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle la règle de concours d’infractions, qui entraîne l’application de l’amende la plus forte (uniquement) et le mode de calcul de cette dernière s’agissant d’une amende administrative.

Les faits

Un contrôle de police effectué sur un chantier fait apparaître que quatre personnes de nationalité équatorienne sont occupées au travail, ne possédant ni titre de séjour valable, ni permis de travail. Aucune DIMONA n’a pas par ailleurs été rentrée.

Procès-verbal est dressé et les infractions entraînent une amende administrative fixée à 12.000€ en application des règles du concours eu égard aux infractions constatées : occupation irrégulière de travailleurs qui ne sont pas admis ou autorisés à séjourner plus de trois mois en Belgique, absence de DIMONA et absence d’établissement d’un compte individuel. L’amende a été fixée à 3.000€ par travailleur et multiplié par 4. Un sursis partiel est accordé à concurrence de 1.800€.

Une procédure est introduite devant le Tribunal du travail de Bruxelles. La société ne conteste pas la matérialité des faits mais elle demande, essentiellement, que la sanction soit revue et ramenée à un avertissement ou, à titre subsidiaire, qu’un sursis plus large soit accordé.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 12 septembre 2012, le tribunal du travail confirme la décision mais ramène l’amende à 6.000€.

Appel est interjeté par l’administration.

Décision de la cour du travail

Devant la cour, la matérialité des faits n’est toujours pas contestée mais uniquement la sanction. La société demande une application clémente de la loi, au motif qu’elle a voulu aider des compatriotes équatoriens de son gérant et que leur situation a été régularisée dans la mesure du possible.

La cour constate que les infractions visées sont sanctionnées par le Code pénal social en ses articles 181 (déclaration immédiate de l’emploi), 175 (occupation de main d’œuvre étrangère) et 187 (compte individuel).

Les deux premières infractions sont punies d’une sanction de niveau 4, la troisième d’une sanction de niveau 2.

L’article 101, 5e alinéa du Code pénal social dispose que la sanction de niveau 4 est soit un emprisonnement de six mois à trois ans et une amende pénale de 600 à 6.000€ ou l’une de ces peines seulement ou encore une amende administrative de 300 à 3.000€. Il y a lieu d’ajouter les décimes additionnels et ce pour les amendes administratives également. La cour relève que pour les infractions commises avant le 1er janvier 2012, les décimes sont de 45, soit un multiplicateur de 5,5 et pour celles commises à partir de cette date, ils sont de 50, soit un multiplicateur de 6.

En ce qui concerne la hauteur de l’amende, la cour rappelle la règle du concours (article 113 du Code pénal social), qui prévoit que, si un même fait constitue plusieurs infractions ou si différentes infractions constituent la manifestation successive et continue de la même intention délictueuse, seule l’amende la plus forte est infligée. En l’occurrence, les comportements incriminés constituent la manifestation successive et continue d’une même intention délictueuse et une seule amende doit dès lors être prononcée.

La cour constate que le tribunal a appliqué l’amende la plus lourde, étant celle prévue en cas d’occupation illégale d’un travailleur étranger.

Elle suit le premier juge lorsque, pour apprécier le montant à prendre en considération pour déterminer la peine la plus forte, en cas d’existence d’un minimum et d’un maximum, c’est ce maximum qui est la référence.

Elle s’écarte cependant de l’appréciation du tribunal en ce qui concerne les décimes additionnels, pour lesquels le premier juge n’a pas tenu compte des décimes additionnels applicables aux amendes administratives en vertu du code pénal social, l’infraction ayant été commise avant son entrée en vigueur. La cour considère que le montant des amendes administratives (non soumises au décimes additionnels avant l’entrée en vigueur du Code pénal social) a été déterminé en tenant compte du fait qu’il y aurait multiplication par les décimes additionnels et que, dès lors, le montant de ces amendes a été volontairement diminué par le législateur en conséquence.

Elle considère dès lors qu’il faut comparer le montant des amendes dans les deux systèmes, soit dans la loi du 30 juin 1971 d’une part (le calcul donnant 12.500€ x 4 = 50.000€) et dans le Code pénal social de l’autre (le calcul étant ici de 3.000€ x 5,5 x 4 = 66.000€). Il en découle que la peine existant au moment de l’infraction est la peine la moins forte. La décision administrative a correctement procédé à la comparaison entre les deux montants maximum et a appliqué les décimes additionnels comme prévu par le Code pénal social.

Enfin, la cour examine les questions des circonstances atténuantes et du sursis (articles 115, alinéa 1er et 116, § 1er du Code pénal social). En cas de circonstances atténuantes, l’amende administrative peut être réduite au-dessous du montant minimum porté par la loi sans pouvoir être inférieur à 40% du montant minimum prescrit et l’administration peut admettre le sursis à l’amende administrative (sursis total ou partiel) si le contrevenant n’a pas eu d’amende administrative (de niveau 2, 3 ou 4) ou n’a pas été condamné à une sanction pénale correspondante au cours des cinq années précédant la nouvelle infraction.

La cour constate dès lors qu’en théorie ces conditions peuvent être réunies. Elle examine le sursis octroyé par l’administration (et justifié par l’introduction d’un recours au Conseil d’état par un des travailleurs concernés).

Vu la gravité des infractions, dont la elle rappelle qu’elles portent atteinte au droit des travailleurs à la protection sociale ainsi qu’au droit des entreprises d’exercer leurs activités dans des conditions de concurrence non rendues déloyales par le recours à la main d’œuvre étrangère moins coûteuse car non déclarée, la cour considère l’amende adéquate, raisonnable et proportionnée. Elle rappelle encore que la sanction d’une telle infraction doit être dissuasive et qu’elle ne voit aucune raison de réduire davantage celle-ci ni d’accorder un sursis plus large.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour de travail de Bruxelles est l’occasion d’appliquer les règles du concours d’infractions en matière d’amendes administratives et de rappeler l’application des décimes additionnels à celles-ci depuis le Code pénal social. La cour y reprend également les modes de calcul de la comparaison des maxima.


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