Terralaboris asbl

L’employeur peut-il revenir sur les conditions d’un régime de licenciement plus favorable que le régime légal octroyé conventionnellement ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 16 juillet 2013, R.G. 2011/AB/508

Mis en ligne le mercredi 4 septembre 2013


Cour du travail de Bruxelles, 16 juillet 2013, R.G. n° 2011/AB/508

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 16 juillet 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle qu’un engagement unilatéral ne peut être retiré qu’aux conditions prévues par le droit civil, étant une source d’obligations.

Les faits

Dans le cadre d’une restructuration de ses activités en Belgique, une compagnie d’assurances signe avec la délégation syndicale une convention interne relative aux diverses possibilités de départ ou de poursuite d’activités (avec diminution du temps de travail). Il est prévu, pour les employés qui acceptent la réduction de leur temps de travail (dans le cadre de l’interruption de carrière), que l’indemnité compensatoire de préavis due en cas de licenciement serait basée sur la rémunération à 100%. Des discussions interviennent ultérieurement, dans le cas du licenciement d’un employé. Celui-ci est en effet licencié avec paiement d’une indemnité de rupture de 6,5 mois, ainsi que de l’indemnité de sécurité d’emploi de 6 mois de salaire. Les deux indemnités sont calculées sur la base de la rémunération réduite.

L’intéressé va dès lors être contraint d’introduire une procédure devant le tribunal du travail, en demande de correction des deux indemnités, ainsi qu’en paiement d’autres sommes.

Le tribunal fait droit en très grande partie à sa demande par jugement du 28 mars 2011. La société interjette appel.

La décision de la cour

La cour est amenée à trancher diverses questions, la première d’entre-elle étant l’assiette de l’indemnité compensatoire de préavis : 100% ou rémunération perçue après la réduction du temps de travail ?

La cour rappelle que, de manière générale, en cas d’interruption de carrière, la rémunération en cours servant à calculer l’indemnité compensatoire de préavis est la rémunération réduite en proportion du temps de travail. C’est la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 11 décembre 2006, J.T.T., 2007, p. 86). La cour du travail renvoie également à divers arrêts de la Cour constitutionnelle sur la question (dont C. const., 8 mai 2008, arrêt n° 77/2008).

Le débat se centre dès lors sur l’existence ou non d’un régime plus favorable applicable au sein de l’entreprise. L’intéressé renvoie d’une part à l’usage au sein de celle-ci, ainsi qu’à l’accord syndical conclu. La société fait valoir qu’un traitement plus favorable que le droit commun requiert une convention ou un engagement unilatéral souscrit par elle, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

La cour va dès lors examiner la convention conclue avec la délégation syndicale, relevant qu’il ne s’agit pas d’une convention collective, n’ayant pas été signée par les permanents syndicaux, ainsi que le requiert la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives et les commissions paritaires, mais bien par les délégués d’entreprise. Pour la cour, elle ne contient par ailleurs pas d’éléments permettant de trancher.

Figure cependant au dossier un écrit de la Responsable des ressources humaines, allant clairement en ce sens, et deux employés licenciés à la même époque ont d’ailleurs bénéficié de la mesure. Il s’avère cependant que d’autres employés n’en ont plus bénéficié ultérieurement, soit après une réunion avec la délégation syndicale, au cours de laquelle la Direction avait contesté la validité de l’engagement pris par le département des ressources humaines. Pour la cour du travail, cette contestation de la Direction est intervenue à tort, les premiers licenciements ayant été ratifiés, en ce qui concerne le calcul des indemnités, par le Directeur général. Pour la cour du travail, il y a eu engagement unilatéral et celui-ci a force obligatoire.

Se pose alors la question de savoir s’il pouvait être retiré.

La cour rappelle les principes généraux relatifs à l’engagement unilatéral, étant qu’il a un caractère irrévocable, sauf (i) si son auteur s’est réservé la faculté de le révoquer et (ii) s’il produit des obligations successives et a été pris sans limitation de durée, explicite ou implicite. La cour renvoie à diverses opinions de doctrine, confirmant, précisément sur ce deuxième point, que la possibilité de résiliation est une application du principe qui interdit toute obligation à durée illimitée.

En l’occurrence, l’engagement ayant été pris et ayant été valable, la cour constate qu’il n’avait pas été prévu que la société pourrait le révoquer. En outre, il a été pris pour une durée limitée, ne trouvant à s’appliquer que dans le cadre des licenciements liés à la restructuration. Pour la cour, ce processus avait nécessairement une durée limitée.

La société n’était dès lors pas autorisée à revenir sur celui-ci et il restait d’application. Elle procède alors au calcul des sommes revenant à l’intéressé.

En ce qui concerne l’indemnité sectorielle de sécurité d’emploi, elle applique la même solution.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle qu’un engagement unilatéral est une source d’obligations et qu’il est irrévocable sauf dans les deux hypothèses classiques admises en droit civil, étant que la possibilité de révocation doit avoir été prévue de la part de l’auteur de l’engagement et qu’il ne peut s’agir d’un engagement pris à durée illimitée.

L’arrêt est également l’occasion de rappeler qu’en cas d’interruption de carrière, l’indemnité compensatoire de préavis ne se calcule par sur la rémunération complète, mais bien sur la rémunération réduite en fonction du temps de travail presté.


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