Terralaboris asbl

Conditions d’octroi de l’allocation d’aggravation

Commentaire de C. trav. Mons, 5 mars 2007, R.G. 19.883

Mis en ligne le vendredi 22 février 2008


Cour du travail de Mons – 5 mars 2007 – R.G. n° 19.883

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 5 mars 2007, la Cour du travail de Mons a rappelé les conditions d’octroi de l’allocation d’aggravation, et ce tenant compte de la jurisprudence de la Cour de cassation, dans son arrêt du 12 décembre 2005.

Les faits

Une travailleuse est victime d’un accident du travail en 1986, accident consolidé le 6 septembre 1988 avec un taux de 5% d’I.P.P. Ce taux fait l’objet d’un entérinement par le Fonds des accidents du travail le 21 janvier 1991.

Le 9 février 1994, l’intéressée assigne l’entreprise d’assurances afin de faire constater l’aggravation de son état de santé.

Cette action aboutit à un jugement d’irrecevabilité, ayant été introduite en dehors du délai de trois ans, étant le délai de revision visé par l’article 72 de la loi du 10 avril 1971.

L’intéressée introduit, ultérieurement, le 25 février 1997, une demande en aggravation auprès du F.A.T., en vue de faire reconnaître celle-ci.

Suite au refus du F.A.T., l’intéressée lance citation le 7 septembre 2000.

La position des parties devant le premier juge

Le F.A.T. considère ne pas devoir donner suite à la demande, vu que, sur la base des éléments médicaux, le nouveau taux d’incapacité permanente serait de 8%, à savoir le taux admis de 10%, dont il faut déduire 2% correspondant à l’aggravation intervenue pendant le délai de revision. Le taux définitif n’atteindrait, ainsi, pour le F.A.T. pas le seuil légal.

Quant à la victime, elle soutient que son incapacité permanente partielle excède nettement les 10% et pourrait se situer dans une fourchette entre 15 et 18%.

La position du tribunal

Le tribunal du travail désigne un expert.

Le tribunal charge celui-ci de déterminer, dans un premier temps, s’il y a aggravation produite durant le délai de revision et, l’expert ayant constaté dans ses préliminaires que l’état de la victime s’est aggravé après celui-ci, sa mission est étendue à la période ultérieure. Le tribunal demande à l’expert de préciser si les aggravations se sont produites durant le délai de trois ans ou après l’expiration de celui-ci.

Les conclusions de l’expert relevant plusieurs aggravations survenant à des dates différentes durant et en dehors du délai de revision, le tribunal conclut à l’octroi d’une allocation d’aggravation de 13%, en application de l’article 9, alinéa 1er et 2 de l’arrêté royal du 10 décembre 1987.

La position des parties devant la Cour

Le Fonds interjette appel du jugement, faisant essentiellement valoir qu’une partie de l’aggravation, à savoir celle survenue pendant le délai de revision, ne peut être mise à sa charge. Il s’agit de 2%, de telle sorte qu’il estime ne devoir indemniser qu’à concurrence de 11%. A titre subsidiaire, il considère que l’allocation d’aggravation, à la supposer de 13%, ne pourrait prendre cours que le 1er jour du mois au cours duquel la demande d’aggravation a été introduite, soit le 1er février 1997.

L’intimée fait, quant à elle, référence à l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 12 décembre 2005, selon lequel l’aggravation qui prend naissance pendant le délai de revision – mais dont il est établi qu’elle n’est définitive qu’après l’expiration de celui-ci – peut donner lieu à ouverture du droit à ladite allocation. Pour elle, l’aggravation est devenue définitive après l’expiration de ce délai et il y a dès lors lieu de fixer le pourcentage à 13%.

Sur l’arrêt de la Cour de cassation, le Fonds en limite l’enseignement à ce qu’il aurait considéré qu’une aggravation qui est née pendant le délai de revision mais qui se consolide après celui-ci peut faire l’objet d’une indemnisation via une allocation d’aggravation, mais qu’il ne peut servir de référence dans le cas d’espèce, dès lors qu’une première aggravation a été consolidée pendant le délai de revision.

La position de la Cour

La Cour procède, d’abord, à un rappel des principes guidant l’action en revision prévue par l’article 72 de la loi du 10 avril 1971. Elle poursuit en énonçant les conditions de l’introduction de la demande d’allocation d’aggravation, prévues par l’arrêté royal du 10 décembre 1987, qui vise les accidents survenus avant le 1er janvier 1988 (ce qui était le cas en l’espèce) et qui conditionne l’octroi de ladite allocation à la condition que le taux d’incapacité de travail consécutif à celle-ci soit au moins de 10%.

Combinant les règles ci-dessus avec l’enseignement de la Cour de cassation dans son arrêt du 12 décembre 2005, la Cour considère que l’allocation d’aggravation par rapport à un accident survenu avant le 1er janvier 1988 est due par le Fonds de accidents du travail lorsque, comme en l’espèce, elle a pris naissance pendant le délai de revision mais n’est devenue définitive qu’à l’expiration de celui-ci.

Elle considère dès lors sans intérêt de s’employer à vérifier la date de prise de cours de l’aggravation, dès lors que sa stabilisation a été constatée, par l’expert, après le délai visé à l’article 72 de la loi.

En conséquence, la Cour fixe à 13% le taux de l’allocation, sans déduction des 2%.

Intérêt de la décision

L’espèce commentée ci-dessus vise l’hypothèse de l’aggravation qui survient après l’expiration du délai de revision et elle a l’intérêt de rappeler que la victime peut encore être indemnisée, dans cette hypothèse, à la double condition que le taux d’incapacité permanente soit fixé à 10% au minimum, à la suite de ladite aggravation, et qu’elle devienne définitive après l’expiration du délai de revision. En l’espèce, la chose était importante, puisque l’action en revision était tardive.

Soulignons encore que pour les accidents survenus à partir du 1er janvier 1988, l’allocation d’aggravation est à charge de l’entreprise d’assurances.


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