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Concurrence exercée après la rupture du contrat de travail : conditions

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 4 juin 2013, R.G. 2012/AB/968

Mis en ligne le lundi 9 septembre 2013


Cour du travail de Bruxelles, 4 juin 2013, R.G. n° 2012/AB/968

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 4 juin 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle, dans un cas d’espèce où ne figure pas de clause de non-concurrence dans le contrat de travail, les exigences jurisprudentielles pour qu’il y ait concurrence déloyale au sens de l’article 17, 3° LCT.

Les faits

Une importante société active dans le domaine des services aux petites entreprises constate qu’un employé (ayant, en fin de contrat, les fonctions de chef de mission) a, après sa démission de la société, entrepris une activité concurrente en tant que comptable/consultant financier indépendant.

Il s’avère qu’après ce départ, la société constate la perte d’une quarantaine de clients. Elle introduit une procédure devant le Tribunal de Première Instance de Leuven, faisant valoir une perte de chiffre d’affaires de l’ordre de 40%.

L’affaire est renvoyée devant le tribunal du travail, en application de l’article 661 du Code judiciaire.

Devant les juridictions du travail, la société plaide que sa demande, basée sur l’article 17, 3° de la loi du 3 juillet 1978, entend obtenir la condamnation de son ancien employé à cesser les actes de concurrence déloyale et à s’abstenir de tout comportement de nature à désorganiser son entreprise. Elle réclame des dommages et intérêts de 100.000 € suite au transfert de la clientèle, ainsi que 5.000 € de dommage complémentaire pour détournement de clients.

Elle est déboutée de sa demande par jugement du Tribunal du travail de Leuven du 8 décembre 2011.

Appel est interjeté devant la Cour du travail de Bruxelles. Elle formule devant celle-ci les mêmes demandes.

La décision de la cour

La cour est amenée à faire un rappel des conditions légales d’exercice d’une activité concurrente. Le fait qu’une clientèle suive l’employé n’est pas en soi fautif. Pour qu’il y ait déloyauté, sont exigés des comportements particuliers, tels que l’utilisation de listes de clients confidentielles, ainsi que de folders, de même encore que la création d’une confusion entre les entreprises (la cour renvoyant à C. trav. Brux., 27 avril 2011, J.T.T., 2012, pp. 28-29). En l’espèce, il n’est pas contesté qu’une partie de la clientèle a suivi l’intéressé et qu’il s’agit en réalité des sociétés dont il s’occupait en tant qu’employé au service de la société appelante. Il n’est pas établi, non plus que soutenu d’ailleurs, que d’autres clients de l’agence qui ne se trouvaient pas dans le portefeuille géré par celui-ci lui seraient actuellement acquis. En outre, l’ensemble des clients dont il s’occupait n’ont pas quitté la société, certains ayant mis un terme à leurs relations commerciales pour d’autres raisons, ainsi l’arrêt des activités par exemple.

La cour constate que l’intéressé admet avoir repris près de 40 clients et la société n’établit pas qu’il y en aurait d’autres. Elle relève qu’il n’est pas exclu que les clients aient pris la décision en cause de leur propre initiative, vu l’expérience de l’intéressé quant aux connaissances requises pour gérer leurs affaires.

Il ne résulte pas de la situation exposée que des actes de concurrence déloyale aient été posés.

La cour considère comme ne sortant pas davantage de la norme le fait que les clients aient été informés, dans les derniers temps du contrat de travail, de ce que l’intéressé allait quitter l’entreprise, vu qu’une autre personne allait reprendre la gestion de leurs dossiers. Elle relève que ceci ne peut constituer la preuve d’un détournement de clientèle.

Aucun comportement frauduleux, tel que le fait de s’être emparé de listes de clients ou d’autres données systématisées concernant la clientèle de l’entreprise, n’est davantage avéré. Par ailleurs, l’intéressé s’est adressé à la société afin de demander les dossiers informatisés des clients qui l’avaient rejoint et la cour voit ici également la preuve de ce qu’il n’avait pas préparé la chose avant son départ.

La cour examine encore d’autres éléments du dossier et constate qu’aucune pièce n’est déposée démontrant l’existence de manœuvres permettant de conclure à une concurrence déloyale.

La cour confirme dès lors le jugement du tribunal du travail.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles, essentiellement motivé en fait, rappelle que concurrence ne signifie pas concurrence déloyale. Aucune manœuvre et aucun comportement fautif n’est à constater en l’espèce, permettant de faire droit à la demande de la société d’obtenir des dommages et intérêts vu le départ d’une partie non négligeable de sa clientèle.


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