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La soustraction volontaire à un contrôle médical pendant l’incapacité de travail est-elle un motif grave ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 18 juin 2013, R.G. 2012/AB/33

Mis en ligne le lundi 16 septembre 2013


Cou du travail de Bruxelles, 18 juin 2013, R.G. n° 2012/AB/33

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 18 juin 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que la soustraction volontaire à un contrôle médical pendant l’incapacité de travail n’est pas nécessairement un motif grave, cette sanction n’étant pas automatique. Le juge doit examiner l’ensemble des faits et circonstances de la cause.

Les faits

Un employé, licencié moyennant préavis à prester se trouve en incapacité de travail pendant celui-ci. Cette incapacité est justifiée par certificats. L’employeur fait appel à un médecin-contrôleur qui, lors d’un premier examen, confirme l’incapacité de travail.

L’employé remettant des certificats de prolongation, un second contrôle médical est opéré quelques semaines plus tard. L’intéressé n’est pas à son domicile et est convoqué au cabinet du médecin-contrôleur. Il ne réagit pas à la convocation.

Un courrier est alors immédiatement adressé à l’intéressé par son employeur, qui le convoque aux fins d’entendre ses explications sur le refus de contrôle médical. Celui-ci ne se rend pas à la convocation, envoyant un certificat médical de prolongation. Il prend dans le même temps contact avec son employeur afin de l’informer de celle-ci.

Il fait intervenir, par ailleurs, son conseil, qui précise que l’adresse à laquelle la convocation a été envoyée n’est pas exacte, l’intéressé habitant au 46 de la rue alors que le courrier est envoyé au 42 (immeuble inoccupé).

La société envoie par la suite un nouveau télégramme à l’adresse exacte et l’intéressé ne réagit de nouveau pas, adressant, ultérieurement, encore un certificat médical de prolongation. Une nouvelle convocation est encore envoyée, à l’adresse correcte et n’entraine aucune réaction de la part du travailleur. L’employeur décide alors de le licencier pour motif grave, vu qu’il s’est soustrait volontairement au contrôle médical.

Une procédure est introduite devant le tribunal du travail de Bruxelles, qui déboute l’intéressé, confirmant le motif grave.

Appel est interjeté devant la cour.

Parmi les chefs de demande, figure le salaire garanti pour plusieurs périodes, ainsi que l’indemnité compensatoire de préavis.

Décision de la cour

Sur le salaire garanti, la cour reprend les articles 70 ainsi que 31, § 3 et 4 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail. Cet article fixe les règles en matière de contrôle en cas d’incapacité de travail. Le travailleur malade ne peut refuser de recevoir le médecin-contrôleur délégué par l’employeur ni de se faire examiner par celui-ci. Si les sorties sont autorisées, il doit se présenter chez le médecin-contrôleur si ce dernier l’y invite.

La doctrine rappelle que le travailleur doit prendre les dispositions pour que le contrôle puisse s’effectuer dans des conditions normales et que notamment il doit communiquer l’adresse où il se trouve (la cour renvoyant à M. DAVAGLE, « L’incapacité de travail de droit commun constatée par le médecin traitant ou par le médecin du travail et les obligations qui en découlent pour l’employeur et le travailleur », Kluwer, E.P.D.S., 2013, p. 49). En cas de contestation par le travailleur des constatations du médecin-contrôleur, il peut y avoir refus du salaire garanti sauf pour la période d’incapacité admise. La même sanction s’applique en cas de soustraction volontaire au contrôle médical. La cour rappelle que, par son comportement, le travailleur rend en effet impossible la vérification de cette condition essentielle du droit au salaire garanti, étant la constatation de l’incapacité de travail.

La cour va dès lors examiner les périodes pour lesquelles le salaire garanti est réclamé. La première période vise les convocations à l’adresse erronée, convocations non reçues. La cour constate ici que l’intéressé habitait bel et bien précédemment au n° 42 et qu’il a omis d’aviser l’employeur de son changement d’adresse en temps utile. Cette abstention entraîne la perte du droit au salaire garanti.

Pour les périodes suivantes, pour lesquelles le travailleur a adressé des certificats de prolongation et n’a pas réagi aux convocations, la cour constate pour l’une d’entre elles une impossibilité matérielle, vu le court laps de temps entre la visite de contrôle et l’envoi de la convocation. Le droit au salaire garanti est dès lors maintenu pour cette période.

Par contre, pour la dernière période, aucune réaction n’a été enregistrée et il y a, pour la cour, soustraction volontaire au contrôle médical. La sanction est dès lors l’absence de droit au salaire garanti.

La cour en vient ensuite à l’examen du motif grave, étant de savoir si la faute commise est susceptible d’entraîner la rupture du contrat sur le champ sans préavis ni indemnité. La cour rappelle les principes devant guider l’appréciation du juge, étant qu’l faut prendre en considération l’ensemble des éléments de fait relatifs à l’acte lui-même et au contexte dans lequel il s’est déroulé, le fait pouvant justifier le licenciement sans indemnité ni préavis étant le fait accompagné de toutes les circonstances de nature à lui conférer le caractère d’un motif grave. C’est la jurisprudence de la Cour de cassation (la cour du travail renvoyant à Cass., 20 novembre 2006, R.G. S.050.117.F).

La cour précise ensuite qu’elle doit notamment passer par un contrôle de proportionnalité entre la gravité de la faute et la sanction que constitue le licenciement sans indemnité et préavis. Si la soustraction volontaire peut, dès lors, entraîner une impossibilité immédiate et définitive de poursuivre la collaboration professionnelle, cette sanction n’est pas automatique et le juge doit prendre en considération l’ensemble des faits et circonstances qui lui sont soumis.

Elle va, en l’espèce, conclure que pour la dernière convocation, il y a un comportement fautif, aucune justification n’étant donnée. Les convocations précédentes sont soit écartées (mauvaise adresse ou tardivité), soit considérées comme laissant la porte ouverte au doute, la cour constatant qu’il n’était pas certain que le travailleur ait pu prendre connaissance de l’une d’entre elles. S’il y a faute dans son chef, le doute doit lui profiter et la cour relève que si celui-ci a eu le tort de ne pas informer l’employeur de son changement d’adresse - comportement fautif -, celui-ci est moins grave que s’il s’était agi de refuser délibérément de répondre à une convocation. La cour retient qu’il peut en fin de compte s’agir d’une négligence de la part du travailleur et que les faits doivent être ramenés finalement à un seul refus de contrôle médical aggravé par la négligence de celui-ci, qui a fait échouer l’autre convocation. Il y a faute mais la gravité de celle-ci n’est pas considérée comme suffisante pour entraîner le licenciement sans préavis ni indemnité. La cour rejette dès lors, dans ces circonstances, le motif grave.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt, la cour rappelle la sanction légale en cas de contestation de l’incapacité de travail et de soustraction au contrôle médical : la loi prévoit que le travailleur doit être privé du salaire garanti. Il n’y a cependant pas nécessairement motif grave en cas de soustraction au contrôle. La cour renvoie aux principes généraux en matière d’appréciation du motif grave, étant qu’elle est tenue d’examiner l’ensemble de circonstances et faits de nature à conférer au comportement du travailleur ce caractère.


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