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Incompatibilité d’allocations de chômage avec l’exercice à titre gratuit d’un mandat d’administrateur d’une société ayant une activité réelle

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 26 juin 2013, R.G. 2011/AB/1.090

Mis en ligne le mercredi 16 octobre 2013


Cour du travail de Bruxelles, 26 juin 2013, R.G. n° 2011/AB/1.090

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 26 juin 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle qu’il y a incompatibilité entre l’octroi d’allocations de chômage et l’exercice, même à titre gratuit, d’un mandat d’administrateur de société si celle-ci a une activité réelle.

Les faits

Monsieur D. exerce un mandat d’administrateur de société anonyme à titre gratuit. Il bénéficie ultérieurement d’allocations de chômage et omet de faire état de cette activité accessoire. Il sollicite ensuite la dispense prévue pour les chômeurs de plus de 50 ans. Il démissionne de la société ultérieurement, soit près de 9 mois après son inscription comme demandeur d’emploi indemnisé.

Il va ensuite bénéficier d’une pension et informe l’ONEm qu’il renonce aux allocations de chômage.

Le dossier est alors revu sous l’angle du cumul des allocations de chômage perçues et du produit d’une activité indépendante. Le dossier fait l’objet d’une instruction circonstanciée, l’intéressé étant alors entendu. Il fait l’objet d’une décision d’exclusion avec récupération des allocations perçues indûment pendant la période concernée.

Un recours étant introduit devant le tribunal du travail, celui-ci va confirmer la décision de l’ONEm, excluant l’intéressé pour la période se situant entre son inscription au chômage et la date de la publication au Moniteur belge de sa démission.

Appel est dès lors interjeté par celui-ci.

Position des parties devant la cour

L’appelant demande à la cour de constater que le mandat d’administrateur a pris fin plus tôt qu’à la date de la publication au Moniteur belge, soit à la date d’envoi de sa démission, sinon à celle où celle-ci a été acceptée par l’Assemblée générale de la société. Il demande également à la cour de constater qu’il n’a plus exercé d’activité et de réduire à néant l’indu dont la récupération est poursuivie. A titre subsidiaire, il fait valoir sa bonne foi, demandant que la récupération soit limitée à deux journées.

La décision de la cour

La cour va rappeler, en des termes clairs, les principes dégagés par les articles 44 et 45 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991. Elle souligne particulièrement que l’exercice d’un mandat dans une société commerciale peut constituer une activité pour compte propre et que l’exercice de ce mandat est une activité régulière et habituelle, l’intéressé étant à tout moment susceptible de devoir contrôler et/ou représenter la société dont il est l’organe. Elle renvoie à l’évolution de la jurisprudence, influencée d’ailleurs par l’admission du caractère réfragable de la présomption d’assujettissement au statut social des travailleurs indépendants, évolution qui admet que le chômeur peut apporter la preuve d’absence d’activité. Il doit, pour ce faire, établir la gratuité du mandat et l’absence d’activité réelle de la société. Elle reprend sur cette question la position de l’ONEm lui-même, qui admet la possibilité de preuve contraire.

L’examen des éléments de fait va dès lors être entrepris et la cour rejette l’argument selon lequel le mandat aurait été exercé « pro forma ». Cette explication ne peut être retenue, dans la mesure où, même si ceci était établi, cet état de fait ne réduirait pas les responsabilités de l’intéressé comme administrateur.

Elle retient en outre qu’il a participé à des réunions du Conseil d’administration et de l’Assemblée générale (soit les deux journées admises par l’intéressé). Pour la cour, il en découle que le mandat a été exercé jusqu’à ce que la démission ait été actée par l’Assemblée générale, où l’intéressé a reçu décharge pleine et entière. Pour la cour, l’objet de son examen est la réalité de l’activité exercée par le chômeur (et non l’opposabilité à l’ONEm des actes de la société ou des actes que celui-ci aurait accomplis comme administrateur). Il en découle que la cessation de l’activité peut être prouvée par toutes voies de droit, notamment par le PV de l’Assemblée générale. Elle relève également que, lors de la même réunion, l’intéressé a été remplacé dans ses fonctions. Il en découle que le mandat, exercé jusqu’à la date où la démission a été admise, est incompatible avec les allocations de chômage. L’exclusion du bénéfice de celles-ci doit dès lors être confirmée jusqu’à cette date.

Reste encore à examiner la question de la limitation de la récupération des allocations, à savoir la bonne foi de l’intéressé. L’article 169 de l’arrêté royal prévoit en effet que, si les allocations ont été perçues de bonne foi alors que le chômeur n’y avait pas droit, la récupération est limitée aux 150 derniers jours d’indemnisation. La cour considère sur cette question que la bonne foi n’est pas établie, la société ayant été active et l’activité de l’intéressé ne s’étant pas limitée aux réunions en cause, vu que l’administrateur est supposé contrôler la gestion de la société et se tenir au courant de l’évolution de la situation. Or, en vertu de la réglementation, le chômeur doit établir sa bonne foi et, en l’occurrence, tel n’est pas le cas. La cour va dès lors maintenir la récupération des allocations pour toute la période (limitée cependant à la date où la démission a été acceptée).

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle une nouvelle fois les obligations d’un administrateur de société bénéficiaire d’allocations de chômage. Il insiste également sur la circonstance que le mandat de l’administrateur ne se limite pas à l’assistance à l’une ou l’autre réunion sociale, celui-ci étant tenu d’exercer un contrôle actif sur la gestion de la société.


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