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Aide de tiers en accident du travail pendant l’incapacité temporaire ? La Cour constitutionnelle est interrogée

Commentaire de Trib. trav. Bruges, 24 juin 2013, R.G. 11/1.377/A

Mis en ligne le mercredi 16 octobre 2013


Tribunal du travail de Bruges, 24 juin 2013, R.G. n° 11/1.377/A

Terra Laboris asbl

Dans un jugement du 24 juin 2013, le Tribunal du travail de Bruges pose à la Cour constitutionnelle une question portant sur la possible discrimination dans la limitation de l’aide de tiers à la période d’incapacité permanente consécutive à un accident du travail.

Rétroactes

Le tribunal rappelle qu’un jugement a ordonné une expertise le 11 juin 2011 et que l’expert a remis son rapport le 4 mai 2012. L’affaire est ainsi réexaminée suite au dépôt du rapport d’expertise. L’expert a en effet retenu une période d’incapacité temporaire de 8 mois et, une intervention chirurgicale étant intervenue dans le cours de celle-ci, il a considéré qu’une aide de tiers était nécessaire pendant 2 semaines après l’opération intervenue. Les autres points de son rapport concernent la date de consolidation et le taux d’incapacité permanente.

Le tribunal relève un point particulier de ses conclusions, étant la nécessité d’une aide de tiers pendant 2 semaines dans le cadre de l’incapacité temporaire totale, soulignant, comme le fait d’ailleurs l’entreprise d’assurances, que la loi du 10 avril 1971 ne prévoit pas de disposition relative à ce point.

Le tribunal rappelle l’article 24 de la loi, selon lequel (§ 4), si l’état de la victime exige absolument l’assistance régulière d’une autre personne, elle peut prétendre à une allocation annuelle complémentaire à l’allocation annuelle, cette allocation complémentaire étant fixée en fonction du degré de nécessité de l’assistance requise, sur la base du revenu minimum mensuel moyen garanti, tel que déterminé au moment de la consolidation. Le barème retenu est celui du travailleur occupé à temps plein âgé d’au moins 21 ans et demi et ayant au moins 6 mois d’ancienneté dans l’entreprise qui l’occupe (C.C.T. 43 du C.N.T.). Il relève que cette disposition doit être interprétée comme couvrant uniquement la période à partir de la consolidation, c’est-à-dire celle où subsiste une incapacité permanente. Il constate qu’aucune disposition similaire n’existe en ce qui concerne la période d’incapacité temporaire.

Le tribunal souligne que la situation de la victime pendant la période d’incapacité temporaire n’est pas susceptible par nature de rendre moins nécessaire une aide de tiers que pendant l’incapacité permanente. Au contraire. Il y a donc traitement différent du fait de la loi entre les deux situations.

Il ajoute encore d’autres considérations, notamment le fait que la période d’incapacité temporaire est généralement plus courte que celle de l’incapacité permanente et également que, pendant celle-ci, il y a incapacité totale, alors que celle-ci est généralement partielle dans le cadre de l’incapacité permanente.

Pour l’ensemble de ces raisons, il considère que l’aide de tiers peut s’avérer plus nécessaire au cours de la première période que pendant la seconde.

Il ajoute que, dans d’autres secteurs de la sécurité sociale, cette indemnisation pour aide de tiers est admise (renvoyant notamment à l’article 93, 8e alinéa de la loi coordonnée le 14 juillet 1994). Il cite encore la doctrine (M. VANDERWEERDT, « De bijkomende vergoeding voor hulp van derden in de professionele-risicoverzekeringen », R.D.S., 2001, p. 371-372). Il résulte du mécanisme actuel, pour le tribunal, que l’entreprise d’assurances a avantage à postposer la consolidation, alors que la victime a un intérêt opposé.

Une double question est dès lors posée à la Cour constitutionnelle, question reformulée comme suit :

  1. L’article 24, alinéa 4 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, dans l’interprétation selon laquelle l’allocation pour l’assistance régulière d’une autre personne a trait uniquement à l’incapacité de travail permanente, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que cette allocation pour l’assistance d’une autre personne n’est pas prévue durant la période d’incapacité de travail temporaire ?
  1. La loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail viole-t-elle les mêmes articles de la Constitution en ne prévoyant aucun droit à une allocation pour l’assistance d’une autre personne durant la période d’incapacité de travail temporaire ?

Intérêt de la décision

Ce jugement du Tribunal du travail de Bruges pose à la Cour constitutionnelle une question bien nécessaire, le tribunal ayant d’ailleurs insisté sur la situation de la victime pendant la période d’incapacité temporaire, situation susceptible de rendre l’aide de tiers indispensable pendant cette période tout aussi bien – voire même parfois davantage – que pendant la période d’incapacité permanente.

Affaire à suivre donc, l’affaire étant inscrite au rôle de la Cour constitutionnelle sous le numéro 5683 (voir publication au Moniteur belge du 5 septembre 2013).


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