Terralaboris asbl

Débiteur de cotisations à l’O.N.S.S. et créancier d’une administration publique : conditions de suspension de l’exigibilité des cotisations

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 15 juillet 2013, R.G. 2011/AB/832

Mis en ligne le mercredi 13 novembre 2013


Cour du travail de Bruxelles, 15 juillet 2013, R.G. n° 2011/AB/832

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 15 juillet 2013, la Cour du travail de Bruxelles, statuant après l’arrêt de la Cour de cassation du 22 février 2010, rappelle que le délai de 45 jours prévu à l’article 4, § 1er de l’arrêté royal du 11 octobre 1985 exécutant la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres, est un délai d’ordre. Son dépassement n’est dès lors pas sanctionné.

Les faits

Une S.P.R.L. travaillant pour l’Etat belge (transport de personnes) est citée à comparaître devant le Tribunal du travail de Namur à la requête de l’O.N.S.S. en paiement de cotisations et accessoires. La société effectue un versement partiel et sollicite, pour le surplus, la suspension de l’exigibilité de sa dette, étant créancière des pouvoirs publics (loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres et arrêté royal du 11 octobre 1985).

Rétroactes de la procédure

Le tribunal du travail décide, par jugement du 14 septembre 2006, que la créance de l’O.N.S.S. n’est pas exigible. Il renvoie l’affaire au rôle.

Suite à l’appel de l’Office, la Cour du travail de Liège rend un arrêt le 23 octobre 2007 et juge que l’appel de l’O.N.S.S. est fondé en son principe, en ce que la société doit, pour sa demande, adresser un formulaire (formulaire modèle annexé à l’arrêté royal). Ceci est fait et, par second arrêt du 24 juin 2008, la cour confirme le jugement en toutes ses dispositions. Elle ordonne en outre la réouverture des débats, dans l’attente de la décision du comité de gestion de l’O.N.S.S. concernant les majorations et intérêts.

Sur la suspension de l’exigibilité de la créance de l’O.N.S.S., la cour du travail considère qu’un débiteur de l’O.N.S.S. est en droit de revendiquer la suspension de l‘exigibilité de la créance de l’Office à son égard s’il réunit les conditions requises par la loi du 1er août 1985. Il y a compétence des juridictions de l’ordre judiciaire pour statuer sur la demande de suspension, s’agissant d’un droit subjectif.

La cour rappelle encore que le débiteur des cotisations ne peut être pénalisé par le fait que son propre débiteur ne donne pas suite aux courriers en informant l’O.N.S.S. de son accord. Elle rappelle également qu’en l’absence de suite dans le délai de 45 jours, le débiteur est censé marquer accord.

En vertu de l’article 4, § 1er de l’arrêté royal, si le débiteur estime que la créance du demandeur ne répond pas aux conditions requises, sa réponse doit être motivée et, s’il y a contestation quant au montant, le montant non contesté doit être indiqué. La cour rappelle ensuite que l’absence de réponse vaut acceptation de l’existence de la dette. La cour en conclut que la société peut prétendre à la suspension de l’exécution. Elle souligne encore que l’Etat belge est redevable à la société d’une somme supérieure à sa dette vis-à-vis de l’O.N.S.S.

Un pourvoi a été introduit par l’O.N.S.S. contre les deux arrêts de la Cour du travail de Liège et, dans un arrêt du 22 février 2010, la Cour de cassation a cassé le second, considérant essentiellement que le délai en cause n’est assorti d’aucune sanction. Il s’agit d’un délai d’ordre et son dépassement n’a pas pour conséquence de faire naître un droit à la suspension de l’exigibilité de la créance de l’O.N.S.S.

L’arrêt de la Cour du travail de Bruxelles

Suite à l’arrêt de la Cour de cassation, la Cour du travail de Bruxelles tire l’enseignement que, s’agissant d’un délai d’ordre, il ne peut être considéré que, si les débiteurs ne réagissent pas dans le délai de 45 jours, les créances de la société doivent être considérées comme établies et que, en conséquence, elle pourrait prétendre à la suspension de l’exigibilité de sa dette.

La cour reprend, dès lors, les dispositions applicables et s’attache à l’exposé des motifs précédant le projet de loi ayant donné lieu à la loi du 1er août 1985, selon lequel beaucoup d’entreprises avaient été déclarées en faillite et beaucoup d’emplois avaient été perdus suite à de graves retards de paiement dans le chef d’administrations publiques. Pour la cour du travail, l’objectif du législateur était ainsi notamment d’assurer la rentabilité des entreprises et d’améliorer les relations entre le citoyen et les institutions de sécurité sociale (la cour renvoyant au rapport de la Commission des Finances, Doc. Parl., Sénat, sess. 1984-1985, Doc. n° 873/2/5, p. 34).

Reprenant les termes de l’arrêté royal du 11 octobre 1985, elle passe en revue les conditions dans lesquelles la créance visée par la demande de suspension est réputée certaine, exigible et libre de tout engagement à l’égard des tiers. Trois conditions sont mises, étant que (i) elle doit porter sur des prestations faites qui ont été acceptées par le débiteur, (ii) elle ne peut faire l’objet, au moment de l’introduction de la demande, d’un terme ou d’une condition suspensive et (iii) elle ne peut pas faire l’objet d’une saisie, d’une cession ou d’une mise en gage dûment notifiée.

La cour constate que, vu la décision de la Cour de cassation, l’Etat ou l’organisme d’intérêt public débiteur sont toujours en mesure de donner la réponse attendue d’eux. Deux SPF sont concernés (le SPF Justice et le SPF Intérieur) et le premier a informé que la dette avait été résorbée par des paiements effectués au profit de la société. Reste à connaître la réponse du SPF Intérieur, et la cour souligne ici que le retard mis à réagir est, vu le temps écoulé, difficilement explicable, au regard en particulier des objectifs de la législation.

En conséquence, elle décide de faire application des articles 877 et suivants du Code judiciaire et de l’inviter à produire une copie conforme du formulaire qui lui a été envoyé par la société avec les éléments de réponse utiles. Elle ordonne dès lors la réouverture des débats en ce sens.

Intérêt de la décision

Cet arrêt, statuant après cassation, rappelle la position de la Cour suprême sur le délai visé : il s’agit d’un délai d’ordre. Son dépassement n’implique dès lors pas un droit acquis pour le débiteur des cotisations.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be