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Prestations aux personnes handicapées – rappel de l’exigence du préalable administratif

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 21 mai 2013, R.G. 2012/AN/29

Mis en ligne le mercredi 13 novembre 2013


Cour du travail de Liège, section Namur, 21 mai 2013, R.G. n° 2012/AN/29

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 21 mai 2013, la Cour du travail de Liège, section Namur, rappelle que, si une demande d’octroi des avantages sociaux et fiscaux a été introduite, le Service n’est pas tenu d’examiner d’office le droit aux allocations. Le juge ne peut, dès lors, connaître d’une telle demande.

Les rétroactes

La demande introduite par l’assuré social auprès du Service portait sur les avantages sociaux et fiscaux. Un recours fut introduit contre la décision administrative et, dans le cadre de celui-ci, l’intéressée sollicite également l’octroi des allocations (allocation de remplacement de revenus et allocation d’intégration). La cour du travail, qui a tranché la question des avantages sociaux et fiscaux dans un précédent arrêt, a ordonné une réouverture des débats aux fins d’examiner si la demande portant sur les allocations peut être admise, étant une extension de la demande.

La décision de la cour

La cour reprend les règles à mettre en œuvre, étant d’une part les articles 33, 108 et 144 de la Constitution, ce dernier disposant que les contestations qui ont pour objet les droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux. L’article 807 du Code judiciaire, également cité, permet quant à lui d’étendre ou de modifier la demande introduite en justice si des conclusions nouvelles, contradictoirement prises, sont fondées sur un fait ou un acte invoqué dans l’acte introductif, même si leur qualification juridique est différente.

La cour précise également qu’elle doit tenir compte des principes généraux de droit que sont la séparation des pouvoirs et celui du préalable administratif, émanation du précédent.

La cour va, dès lors, reprendre les règles sur la question, soulignant que le préalable administratif est, en doctrine et en jurisprudence, considéré comme un effet du principe général de la séparation des pouvoirs. Il faut entendre par là que le justiciable a l’obligation de se soumettre à la procédure administrative prévue par la loi dans les cas qu’elle détermine, et ce préalablement à l’action judiciaire. Le juge est, pour sa part, tenu de déclarer irrecevable une demande judiciaire non précédée de l’instruction administrative.

La cour rappelle que le rôle du juge dans ces matières est de statuer sur une contestation relative à une demande portée préalablement devant l’administration : l’assuré social dispose, sur toute décision administrative ou même en l’absence de décision rendue dans les délais, d’un droit de recours et celui-ci porte sur tout ce qui touche à la décision elle-même, aucun élément de celle-ci n’échappant au pouvoir judiciaire.

Quant à l’extension de la demande, organisée par l’article 807 du Code judiciaire, le juge rappelle qu’elle est autorisée même si elle intervient pour la première fois en degré d’appel. Il faut cependant que l’extension ou la modification de la demande soit fondée sur un fait ou un acte invoqué dans la citation. La cour précise que la demande peut également être fondée en outre sur un autre fait ou un autre acte, qui, lui, ne doit pas nécessairement avoir un lien avec celui invoqué en termes de citation.

Examinant, ensuite, la question de l’extension de la demande confrontée au préalable administratif, elle rappelle que le juge n’est pas lié par la décision administrative mais peut voir sa saisine étendue par suite d’une extension de la demande si celle-ci répond aux conditions de l’article 807 du Code judiciaire. Par contre, l’assuré social ne peut pas s’adresser directement au juge sans introduire auparavant et régulièrement une demande auprès de l’institution de sécurité sociale compétente.

En ce qui concerne les allocations aux personnes handicapées, si une demande d’allocations est introduite, quelle qu’elle soit, le Service doit statuer sur l’ensemble des droits de l’assuré social, c’est-à-dire sur l’ensemble des prestations : la demande porte en effet non sur une allocation déterminée, mais sur une allocation, et ce quelle qu’en soit la dénomination.

La spécificité de la question posée est que la demande administrative porte uniquement sur les avantages sociaux et fiscaux et la cour rappelle que, contrairement à une extension de demande en justice qui porterait sur ces avantages, l’assuré social ne peut étendre sa demande, dès lors que l’obtention des allocations requiert une demande. En l’espèce, la cour constate que l’intéressée a limité sa demande à cet octroi et que le Service n’avait, en conséquence, pas à examiner d’office le droit aux allocations.

La demande est dès lors conforme à l’article 807 du Code judiciaire, les conditions en étant réunies, mais elle ne remplit pas les conditions requises eu égard à l’absence de demande préalable. La cour fait dès lors droit à la position du Service et conclut que, pour bénéficier des allocations, l’intéressée doit introduire une telle demande.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Liège, section Namur, confronte les conditions du Code judiciaire relatives à l’extension de la demande en justice aux règles du préalable administratif, appliquées au secteur des allocations pour personnes handicapées. La cour y précise qu’une demande introduite en vue de bénéficier d’une allocation déterminée vaut pour l’ensemble des allocations d’une part et que, d’autre part, une extension de demande en justice pourrait être admise, à partir d’une demande portant initialement sur les allocations, et ce dans la mesure où le Service statue toujours, dans une telle situation, sur l’aspect médical et sur l’octroi des avantages avant même de statuer sur la demande d’allocations. La décision sur celles-ci est dès lors précédée d’une décision sur les avantages et ces deux décisions sont liées au point de faire tantôt l’objet d’un seul recours ou, comme le précise encore la cour, tantôt de deux recours joints, ou encore d’une extension de la demande en cours de procédure.

Quant au cas de figure abordé en l’espèce, qui porte sur une demande limitée à l’octroi des avantages sociaux et fiscaux, elle ne peut être étendue à l’octroi des prestations devant le juge.


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