Terralaboris asbl

Cours de promotion sociale et droit aux allocations d’insertion

Commentaire de C. trav. Mons, 20 novembre 2013, R.G. 2012/AM/249

Mis en ligne le jeudi 6 mars 2014


Cour du travail de Mons, 20 novembre 2013, R.G. n° 2012/AM/249

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 20 novembre 2013, la Cour du travail de Mons rappelle que, dans le cadre du régime des allocations d’insertion, les cours de promotion sociale ne sont pas assimilés à des études de plein exercice et que les périodes de stage ne sont pas intégrées dans le calcul des heures de formation.

Les faits

Une assurée sociale s’inscrit comme demandeur d’emploi en février 2008, immédiatement après avoir mis fin à ses études en cours d’année. Elle reprend au mois de septembre des études en promotion sociale (premier bac). Elle sollicite en novembre l’octroi des allocations d’attente et celles-ci lui sont accordées. Au mois de mars, elle demande une dispense pour la totalité de l’année académique (article 94 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991) et notamment une dispense de disponibilité sur le marché de l’emploi. Les cours suivis comptent, selon une attestation de l’établissement d’enseignement, une moyenne de 20 heures par semaine et se déroulent principalement du lundi au vendredi avant 17hrs. La dispense est refusée. Pour l’ONEm, l’intéressée n’était pas chômeuse complète indemnisée au début de la formation et cette formation invalide, en outre, son stage d’attente.

Les allocations sont néanmoins versées.

L’année académique suivante, une nouvelle dispense est demandée pour le deuxième bac. La demande est introduite en novembre, pour des cours dispensés de 8hrs30 à 17hrs en raison de 4 à 5 jours par semaine. Il y a 920 périodes de cours étalées de septembre 2009 à juin 2010, correspondant, en projection, sur les 40 semaines de l’année scolaire, à une moyenne de 22,6hrs par semaine. L’ONEm réexamine dès lors le dossier et constate qu’il y a eu perception des allocations l’année précédente malgré le refus de dispense. Une dispense est cependant accordée en février 2010 pour l’année 2009-2010. L’intéressée est alors interrogée sur le nombre d’heures que comporte réellement la formation, eu égard aux conditions d’admissibilité en novembre 2008. Elle fait savoir que, si l’attestation de l’établissement visait 21hrs75 par semaine, le nombre d’heures réellement suivies n’atteignait pas 20 heures, une partie des cours n’ayant pas été suivis. Elle fait également valoir que la dispense lui a été accordée pour la deuxième année.

L’ONEm prend cependant une décision refusant le bénéfice des allocations d’attente à dater de novembre 2008, entraînant ainsi l’absence de droit à l’indemnisation. Il décide également de récupérer les allocations perçues indûment. La décision administrative est fondée sur la circonstance que les études ont été poursuivies malgré le refus d’octroi de la dispense. L’intéressée ne pouvait dès lors être admise au bénéfice des allocations d’attente et de ce fait ne pouvait percevoir les allocations. Eu égard à l’octroi de la dispense pour l’année académique suivante, l’ONEm poursuit que le droit aux allocations de chômage pour cette période doit faire l’objet d’une revision, dans la mesure où l’admission est entachée d’une erreur dans le chef du bureau de chômage. Ceci entraîne l’obligation pour l’administration de revoir la décision à partir du premier jour du mois qui suit l’envoi de sa notification.

Décision du tribunal du travail

Un recours est introduit devant le tribunal du travail de Charleroi, qui, par jugement du 18 mai 2012, le considère non fondé.

Position des parties en appel

L’appelante invoque plusieurs questions, successivement. En ce qui concerne l’admission, elle considère que l’enseignement de promotion sociale ne constitue pas un enseignement de plein exercice au sens de la réglementation (article 36, § 1, 1er alinéa, 3°), de sorte que le chômeur qui suit des cours de promotion sociale reste indemnisable sans même devoir solliciter une dispense. Il répond aux conditions requises et est dès lors admissible au stage d’attente.

Sur le stage lui-même, elle considère que ses journées d’études ne font pas obstacle à son écoulement, vu qu’il est inférieur à 20 heures/semaine et que, de ce fait, elle est restée disponible sur le marché de l’emploi.

Elle conclut, sur la récupération, que celle-ci ne peut être autorisée, sa première demande d’indemnisation ne comportant aucune question sur une éventuelle reprise de formation (et donc sur l’impossibilité pour elle d’en faire état). Elle fait également valoir la poursuite de l’indemnisation pour l’année 2008-2009 alors que l’attestation de l’établissement avait été portée à la connaissance de l’Office.

Quant à l’ONEm, il se fonde sur l’article 32, § 2, 2°, c) pour l’appréciation du stage d’insertion professionnelle, étant qu’il faut se référer au nombre d’heures de cours prévues pour l’ensemble du cycle de formation et non au nombre d’heures de cours effectivement suivies par l’étudiant. Il fait valoir également que l’intéressée a en l’occurrence fait une déclaration inexacte ou incomplète et que celle-ci s’est placée dans une situation incertaine, vu la demande de dispense en cours d’année et non préalablement.

Décision de la cour du travail

La cour reprend les articles 36, § 1er, alinéa 1er et 68, alinéa 1er de l’arrêté royal, relatifs aux conditions d’admission aux allocations d’attente. Elle rappelle longuement un arrêt de la Cour du travail de Liège du 17 septembre 2002, précisant la portée de ces dispositions. L’article 36 ne vise pas les études de promotion sociale, qui ne sont pas des études de plein exercice au sens de l’article 68 et qui n’ouvrent pas le droit aux allocations d’attente. Cet arrêt rappelle de manière expresse que sont notamment prises en compte pour l’accomplissement du stage d’attente les journées pendant lesquelles le jeune travailleur et demandeur d’emploi, inscrit comme tel, est disponible pour le marché de l’emploi.

Dans la mesure où un programme de cours permet la poursuite de ceux-ci pour les personnes exerçant en l’espèce une fonction éducative dans le cadre d’un contrat de travail et même avec des stages complémentaires en milieu éducatif pour les travailleurs n’exerçant pas de telles fonctions éducatives, rien n’empêche de suivre les cours le jour plutôt que le soir.

S’appuyant sur cette jurisprudence, la Cour du travail de Mons précise que le programme de cours tel qu’il lui est présenté pouvait être en l’espèce cumulé avec un emploi à temps plein, que ce soit au cours des plages horaires libres en journée mais encore de nuit ou les week-ends, l’intéressée étant, en outre sans charge familiale particulière.

Tout en rappelant que le jeune doit certes avoir cessé ses études de plein exercice pour être disponible sur le marché de l’emploi et que l’assurance chômage ne peut pas être utilisée comme bourse d’étude, la cour souligne que la notion d’études de plein exercice doit être entendue dans son sens usuel : il doit s’agir de cours se déroulant principalement en journée, atteignant en moyenne un nombre d’heures d’enseignement comparable à l’enseignement supérieur dit « classique » et couvrant un cycle complet d’études comprenant plusieurs années, cycle sanctionné par un diplôme qui présente une valeur équivalente à celui délivré dans l’enseignement supérieur.

La cour dit ensuite ne pas voir de justification objective au critère des 20 heures/semaine. En outre, elle considère que les périodes de stage ne sont pas intégrées dans le calcul des heures de formation (renvoyant à un arrêt de la Cour de cassation du 24 juin 1996 (R.G. S.95.0090.F) et conclut que rien ne permet d’assimiler les études suivies à des études de plein exercice.

Elle réforme dès lors le jugement.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Mons rappelle très utilement la notion d’études de plein exercice incompatibles avec les allocations d’attente (actuellement allocations d’insertion). Ces allocations sont accordées après le stage d’attente (actuellement stage d’insertion). Les allocations ne sont pas accordées dès lors que des études de plein exercice sont suivies. La cour rappelle qu’il faut entendre par là des études organisées, subventionnées ou reconnues par une Communauté, étant la « filière classique ». Elle renvoie également aux exceptions prévues, étant d’une part les cours suivis principalement le samedi ou après 17h00 et, d’autre part, l’hypothèse où le jeune a obtenu une dispense en application de l’article 93 de l’arrêté royal.


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