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Chômeur à temps partiel avec maintien des droits : illégalité de l’obligation de validation trimestrielle des formulaires de contrôle

Commentaire de Trib. trav. Bruxelles, 18 octobre 2013, R.G. 11/10.860/A

Mis en ligne le vendredi 7 mars 2014


Tribunal du travail de Bruxelles, 18 octobre 2013, R.G. n° 11/10.860/A

TERRA LABORIS ASBL

Dans un jugement du 18 octobre 2013, le Tribunal du travail de Bruxelles conclut à l’écartement des dispositions de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage qui font obligation aux chômeurs à temps partiel sollicitant l’allocation de garantie de revenu de faire valider trimestriellement auprès de l’administration communale de leur domicile les formulaires C3 – temps partiel.

Les faits

Admise aux allocations de chômage comme chômeur complet à dater du 23 février 2010, Madame M. sollicite le 2 octobre 2010 une demande d’allocations de garantie de revenus et communique le formulaire C131 requis. Ce document est le certificat de chômage pour les heures d’inactivité, l’intéressée travaillant depuis le 10 mars pour un CPAS à raison de 12 heures par semaine.

En février 2011, elle se présente à l’administration communale pour faire valider ses cartes de contrôle C3 (temps partiel) pour les mois d’avril à juillet 2011, ce que fait l’administration communale. Le document prévoit que le chômeur est en effet tenu lorsqu’il commence à travailler à temps partiel de se présenter à l’administration communale du lieu de sa résidence afin d’obtenir la validation du formulaire pour le mois en cours ainsi que pour les trois mois qui suivent. L’opération est à renouveler tous les trois mois.

L’organisme de paiement fait alors savoir à l’intéressée par courrier que les allocations de chômage ne peuvent être payées, le formulaire C3 n’étant pas validé correctement. Elle tente alors de régulariser la situation par le recours à un formulaire C54, étant une demande de reconnaissance de force majeure. L’intéressée y explique qu’elle ignorait que la validation n’était pas valable pour le 4e mois suivant cette opération. Elle fait savoir qu’il y a eu erreur de l’administration communale.

L’ONEm rejette la demande, par décision du 27 juillet 2011, considérant que c’est la faute de l’intéressée.

Un recours est dès lors introduit par celle-ci devant le tribunal du travail, recours qui porte sur l’allocation de garantie de revenu du mois de juin 2011.

Décision du tribunal

Le tribunal circonscrit le problème comme suit : le mois de juin 2011 n’a pas été payé au motif que la validation du formulaire ad hoc en février 2011 ne pouvait porter que sur les trois mois qui suivent. Pour le tribunal, cette règle est reprise de l’article 72, alinéa 1er, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, qui prévoit que, lorsqu’il entame un travail à temps partiel, le chômeur doit se présenter auprès de la commune pour faire valider les formulaires de contrôle du mois en cours et des trois mois suivants.

L’arrêté prévoit en outre que l’allocation de garantie de revenu ne peut être octroyée que si le travailleur a respecté l’obligation ci-dessus.

Se pose dès lors la question de déterminer la nature ainsi que la raison d’être de cette obligation de validation trimestrielle.

Le tribunal constate que l’ONEm n’apporte aucun éclaircissement sur cette question, tandis que la commune de Schaerbeek renvoie à une note émanant de la Direction réglementation du chômage de 2005, fixant la tâche des communes dans cette situation, étant que leur rôle se limite à l’estampillage, sans plus. Il s’agit uniquement pour l’administration communale de contrôler l’identité de la personne ainsi que l’adresse de son domicile.

La commune ajoute qu’elle continue à remplir ces formalités depuis la suppression du contrôle communal et que, selon une note de l’ONEm à ce sujet, sa tâche se limite à cet estampillage.

Le tribunal considère, vu ces explications, que cette validation apparaît comme une survivance du contrôle communal, celui-ci ayant été supprimé en 2005, et ce sauf pour les travailleurs à temps partiel avec maintien des droits. En conséquence, s’est posée à l’audience de plaidoiries la question du caractère discriminatoire de la réglementation, la chômeuse demandant d’ailleurs au tribunal d’écarter l’application de la disposition litigieuse, sur la base de l’article 159 de la Constitution.

Le tribunal rappelle que cette disposition enjoint aux juridictions d’écarter l’application d’un acte administratif, réglementaire ou individuel contraire à la loi ou à des règles ou principes supérieurs, notamment de rang constitutionnel. Ce contrôle vise tous les vices de légalité, tant interne qu’externe. Une différence de traitement peut être admise entre diverses catégories de personnes pour autant que le critère de différenciation soit susceptible de justification objective et raisonnable.

Tel n’est cependant pas le cas en l’espèce puisque seuls les travailleurs à temps partiel doivent subir une forme de contrôle communal alors que celui-ci a été supprimé pour tous les autres chômeurs et l’on ne voit pas ici non seulement une justification objective et raisonnable mais même une justification quelconque.

Soulignant encore qu’il n’y a pas d’utilité à cette validation, le tribunal relève encore que l’administration communale a trouvé normal d’estampiller un formulaire qui ne devait pas l’être, ce qui révèle encore l’absurdité de la formalité imposée au chômeur.

Le tribunal fait dès lors droit à la demande, après avoir écarté l’application des articles 72, alinéa 1er, et 131bis, § 3, 2°, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991.

Intérêt de la décision

Ce jugement est rendu dans une espèce où le tribunal a constaté, à juste titre, une survivance discriminatoire du contrôle communal, et ce alors que celui-ci a disparu depuis 2005. C’est dès lors à bon droit qu’il conclut qu’il y a une discrimination entre les chômeurs à temps partiel avec maintien des droits et l’ensemble des autres catégories de chômeurs, discrimination qui n’a pas de justification objective et raisonnable.


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