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Les catégories des chômeurs qui bénéficient d’allocations de chômage et de ceux qui bénéficient d’allocations d’attente sont comparables lorsqu’il s’agit d’apprécier le caractère discriminatoire ou non des règles sanctionnant le non-respect des engagements pris dans le contrat d’activation

Commentaire de Cass., 9 novembre 2009, n° S.08.120.F

Mis en ligne le mardi 11 mars 2014


Cour de Cassation, 3e Chambre, 9 novembre 2009, n° S.08.120.F

TERRA LABORIS ASBL – Bernadette Graulich

Les faits

Par un arrêt du 9 juin 2008 (R.G. n° 35401/18 sur le site Terra Laboris avec un commentaire S. Remouchamps), la neuvième chambre de la cour du travail de Liège a ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de s’expliquer sur une éventuelle discrimination contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution en ce que la sanction pour non-respect du contrat souscrit diffère selon que le chômeur concerné bénéficie d’allocations de chômage ou d’attente.

La cour du travail a décidé que les situations de ces deux catégories de chômeurs étaient comparables et constaté la discrimination résultant de ce que, dans l’hypothèse où le directeur estime à l’issue du deuxième entretien que le chômeur n’a pas respecté l’engagement souscrit dans le contrat d’activation, celui-ci est, quand il est bénéficiaire d’allocations d’attente, exclu du bénéfice de la totalité de ces allocations pendant quatre mois quelle que soit sa situation familiale alors que, dans la même hypothèse, quand il est bénéficiaire d’allocations de chômage, le chômeur conserve durant la période de quatre mois le bénéfice d’une allocation réduite s’il a la qualité de travailleur ayant charge de famille ou celle de travailleur isolé.

La cour du travail de Liège adoptait ainsi une position différente de celle adoptée par plusieurs arrêts de la cour du travail de Mons ayant décidé que ces deux groupes de chômeurs n’étaient pas comparables (cf. not., 4e ch., 29 juin 2007, R.G. n° 20.401, réformant T.T. Charleroi, 5e ch., 22 septembre 2006, R.G. n° 65973/R ; 9e ch., 8 mai 2008, R.G. n° 21.003).

L’ONEm s’est pourvu en cassation contre l’arrêt de la cour du travail de Liège à ce stade de la procédure.

La décision commentée

Sur avis contraire du parquet, la cour rejette le pourvoi aux motifs que :
"Si les articles 30 et 36 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 établissent des conditions d’admissibilité distinctes pour les travailleurs à temps plein au bénéfice des allocations de chômage et pour les jeunes travailleurs pour les allocations d’attente, la différence qu’implique(nt) ces dispositions ne suffit pas à exclure toute comparaison entre ces deux catégories de travailleurs lorsqu’il s’agit d’examiner les conséquences d’un non-respect d’engagements pris dans un contrat d’activation.

En considérant qu’« il s’agit ici d’apprécier le caractère discriminatoire ou non des règles, contenues dans le même paragraphe d’un même article du règlement, qui concernent la même hypothèse, à savoir celle où les chômeurs des deux catégories évoquées ne respectent pas les engagements pris dans le contrat d’activation prévu pour les uns et pour les autres », l’arrêt justifie légalement sa décision que les deux catégories de travailleurs se trouvent « dans des situations comparables pour examiner l’inégalité du traitement consécutif à l’inexécution d’obligations qui leur sont communes »".

Intérêt de la décision

Cet arrêt semble clore la controverse sur la première étape de l’examen de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, à savoir si les deux catégories que l’on entend comparer soient comparables.

Il reste dès lors à la cour du travail de Liège à passer à l’étape suivante, à savoir le caractère raisonnablement justifié de la discrimination, ce qui lui permettra de s’interroger sur la nature de la mesure d’activation.

Cette mesure remplace – en la suspendant temporairement – la procédure de sanction du chômage anormalement long ou trop fréquent qui s’appliquait aux chômeurs cohabitants, qu’ils soient bénéficiaires d’allocations d’attente ou de chômage. Si le passé professionnel du chômeur était un critère pour vérifier le caractère anormal du chômage, il n’existait par contre pas de différence entre les bénéficiaires d’allocations de chômage et les bénéficiaires d’allocations d’attente quant à la sanction d’exclusion. Les bas revenus étaient dès lors préservés dans le chef des deux catégories de chômeurs.

On observera que le sort réservé par l’article 59quinquies et sexies aux chômeurs cohabitants admis sur base de leur passé professionnel et à tous les bénéficiaires d’allocations d’attente est le même (cf. C.T. Liège, s. Namur, 5 août 2008, 13e ch., R.G. n° 8505/2007), sauf protection limitée des chômeurs bénéficiaires d’allocations de chômage dont les revenus sont très bas.

Précisons aussi que d’autres aspects d’une éventuelle discrimination ont été mis en exergue par un arrêt de la quatrième chambre de la cour du travail de Mons (29 septembre 2009, R.G. n° 21.109).

Relevons enfin qu’alors que le licenciement pour motif équitable était sanctionné plus sévèrement pour le bénéficiaire d’allocations d’attente (la sanction minimale était de treize semaines au lieu de quatre), cette distinction a été supprimée par l’arrêté royal du 29 juin 2000 qui a modifié l’article 52 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991.


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